Secrets et transparence

C’est encore une fois une question d’écriture. La manière dont, en écrivant, nous avons parfois accès à des secrets : nous croyons inventer, et nous ne faisons que mettre au jour une vérité que nous ne connaissions pourtant pas. Je ne parle pas uniquement des secrets de famille, de ces faits que l’on cache aux enfants pour les protéger alors que non seulement ça ne protège de rien mais encore, ils savent malgré tout ce qu’on fait pour qu’ils ne sachent pas. Cela m’est arrivé de nombreuses fois. C’est un des aspects de l’écriture prédictive, finalement. Ce fut le cas dernièrement avec Adèle. Mais surtout avec Tout Ecrivain doit avoir le cœur brisé.

J’en parlais l’autre jour : pendant de longues semaines, François a refusé de me livrer son secret, ce qui fait que j’écrivais un peu dans le brouillard. Je parle ici de François comme d’une personne réelle, parce que, quelque part, il l’est. Un beau jour (en réalité, un jour triste), François a décidé de révéler ce secret à Johanne. Et, parce que la mise en abyme est la figure organisatrice de toute mon écriture, il se trouve qu’en écrivant, Johanne avait justement eu accès à ce secret.

Sauf que le plus fort restait à venir. Quelques mois plus tard, quelqu’un qui m’est plus précieux que l’air que je respire m’a offert (je le vois comme une offrande) son secret. Et que ce secret, et bien, il était assez proche de celui de François. Autant dire que cela ne m’a guère étonnée, lorsque j’ai fait le thème astral de François, d’y trouver des placements similaires à celui de l’individu précieux, alors qu’au départ ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Enfin, consciemment, bien sûr.

Et là, bien sûr, on se heurte (Johanne et moi) au dilemme de l’écrivain : écrire sur ses propres secrets, être transparent, ce n’est pas un problème. Mais que faire des secrets des autres, même lorsqu’on n’y a pas eu accès consciemment ? Cette peur de passer pour un traître, un écrivain vampire qui se nourrit de la vie des autres, quand bien même ce n’est pas ce qui s’est passé ?

Johanne a réécrit, changé des éléments. J’ai réécrit, changé des éléments, mais avec tout de même la peur de toucher involontairement à une partie de la vérité que je ne connais pas. Ce qui serait, pour tout dire, une malédiction…

La grande magie : l’écriture comme un Tardis

L’autre jour, je ne sais plus dans quel article, j’écrivais que l’écriture était comme un Tardis, et lorsque la phrase est apparue sous mes doigts, je me suis dit que oui, c’était exactement ça. L’écriture nous permet d’accéder à des espaces qui nous seraient inaccessibles autrement. Comme le Tardis du Docteur.

Je ne parle pas ici de l’imagination, de la création d’autres univers que l’écriture (et la lecture) nous permet d’explorer. Ici je parle surtout de l’abolition des notions de temps, l’écriture qui nous permet de savoir des choses du passé dont on ne peut pourtant pas avoir connaissances. Ou des choses du futur.

J’ai déjà parlé d’écriture prédictive, c’est une de mes marottes, j’ai tout un dossier documentaire sur le sujet et un jour, j’écrirai sans doute un essai sur la question tant cela me passionne. Que les livres racontent parfois des faits qui se produisent ensuite dans le monde réel, les exemples sont nombreux. Est-ce que l’écrivain peut prédire le futur, où est-ce qu’il le provoque en écrivant ? Les deux hypothèses sont aussi fascinantes l’une que l’autre.

Cela m’est arrivé, une fois. J’étais très, très en colère, et j’ai écrit une petite scène récréative dans laquelle la personne qui était responsable de ma colère était punie ; cela me fait penser au film Le Professionnel, mais en beaucoup moins violent. Disons que la personne avait des ennuis de travail. Je ne rentre pas dans les détails, mais il se trouve que quelques jours après, ce que je qu’ai écrit, à quelques détails près, s’est produit. Cela m’a fait un peu peur, depuis j’évite.

Et il y a l’écriture… clairsachante. Je ne sais pas comment appeler ça. Vous écrivez un truc, totalement inventé croyez-vous, et en fait, pas du tout : vous écrivez quelque chose qui s’est réellement produit dans la vie de quelqu’un. Le mieux, c’est de le découvrir avant que cette personne ne découvre votre texte, sinon elle vous regarde comme si vous étiez une sorcière parce qu’elle ne vous a jamais parlé de ça, mais elle croit que d’une manière ou d’une autre vous avez violé un secret. Cela m’est arrivé aussi, et c’est très dérangeant, lorsqu’on relit un texte, de se retrouver devant des informations, des récits, que l’on ne pouvait pas connaître à l’époque.

Je passe sur certaines anecdotes d’Elizabeth Gilbert, dans lesquelles une même idée de roman se promène d’un écrivain à un autre. Cela ne m’est pas encore arrivé.

Alors oui, écrire c’est de la grande magie. On a accès à un espace, une sorte de cloud peut-être, où toutes les connaissances du passé et du futur sont conservées, et c’est merveilleux. Et c’est le sujet de mon deuxième roman, et je m’amuse énormément !

Noces de sable, de Didier van Cauwelaert : l’amour et la littérature

On me l’a assez reproché, de ne parler que d’amour. Connards. Tout ce qu’ils sont capables de dire, à chaque fois, c’est que je me répète. Comme si la vie ne se répétait pas.

Un deuxième Cauwelaert dans le mois ? Oui. Il se trouve que l’autre jour, après avoir refermé son dernier roman, j’ai eu l’impulsion subite de lire un de ses anciens textes, puisqu’il y en a encore (mais très peu) que je n’ai jamais lu. Et mon choix s’est porté sur cette pièce de théâtre, je ne vais pas dire « je ne sais pas pourquoi » : je sais exactement pourquoi. C’est la grande magie, une nouvelle fois !

Sylvie Janin est romancière, et son sujet, c’est l’amour. Mais depuis que l’homme qu’elle aime l’a quittée, elle n’écrit plus et songe même à se suicider. Mais, dans un élan vital, elle essaie une autre solution : retrouver l’impulsion d’écrire en faisant renaître le désir. Elle recrute un jardinier, Bruno, et l’embarque avec elle en Normandie, dans sa maison de famille, afin qu’il crée un jardin dans le sable. Le but de Sylvie et d’en faire son personnage. Mais plutôt ne se laisse pas trop faire. Ou plus exactement, il est tellement emballé par l’idée qu’il se met à vouloir contrôler ce qu’elle écrit…

Comme de bien entendu, j’ai adoré : c’est drôle, spirituel, les échanges sont réglés parfaitement ; en même temps, la pièce aborde profonde des thèmes essentiels : des thèmes humains, la solitude et l’abandon, mais surtout l’écriture : le travail de l’écriture, la manière dont elle est liée au désir et au fait de se sentir vivant, la construction des personnages à partir du réel, et surtout l’accès par l’écriture à des connaissances, à des faits qui sont vrais, mais auxquels on ne devrait pas avoir accès. Bon. C’est là que j’ai failli tomber de ma chaise longue : tout cela, c’est exactement le sujet de mon deuxième roman, sur lequel je suis justement en train de travailler. Et avec des échos assez troublants dans la vie des personnages, certains que je m’explique, d’autres beaucoup moins mais ce n’est pas la première fois que je note ce type de coïncidences.

Alors certains vont me dire : tu l’avais déjà lu, ce sont des réminiscences. Il est certain que non : si je l’avais lu, il serait dans ma bibliothèque, avec les autres livres de l’auteur. Il n’y est pas. Il n’y a pas d’explication rationnelle : c’est de la grande magie, encore une fois !

Noces de sable
Didier van CAUWELAERT
Albin Michel, 1995

Pourquoi écrire ? De Philip Roth : l’art de la fiction

Et aujourd’hui, je dis la même chose. Me voilà, débarrassé des déguisements et des inventions et des artifices du roman. Me voilà, sans mes tours de passe-passe, à nu et sans aucun de ces masques qui m’ont donné toute la liberté d’imaginer dont j’avais besoin pour écrire mes romans.

Je l’avoue, j’ai un peu de mal avec les romans de Philip Roth : ça résiste, je n’arrive pas à expliquer pourquoi. Et pourtant, l’écrivain lui-même et ses réflexions sur son travail m’intéressent beaucoup (du reste, dès qu’un écrivain réfléchit sur son travail, cela m’intéresse), et c’est la raison pour laquelle je me suis plongée dans ce recueil de textes.

Il se divise en trois sections. La première, « Du côté de Portnoy », est constituée de textes revenant sur telle ou telle oeuvre de l’auteur, notamment Portnoy et son complexe, ainsi que de textes plus généraux sur l’écrivains et le réel, Kafka ou la question du judaïsme. La deuxième section est « Parlons travail » dont nous avions déjà parlé. Enfin la partie « explications », celle qui m’a le plus intéressée, est constituée de conférences, discours et articles dans lesquels Roth se penche sur la réalité du travail d’écrivain.

Au-delà des problématiques précises sur tel ou tel roman ou sur tel ou tel thème, c’est la question ô combien épineuse du lien entre le réel et la fiction (qui m’occupe d’ailleurs beaucoup ces temps-ci) qui traverse tout le recueil ; si certains articles m’ont moins intéressée que d’autres, j’ai tout de même été passionnée par les réflexions que mène Roth. Surtout, une anecdote m’a littéralement scotchée et plongée dans des abîmes de réflexion et de perplexité. Je ne sais pas si elle est authentique ou si Roth s’amuse (j’ai essayé de faire des recherches mais cela n’a rien donné) : un jour, alors qu’il dîne dans un restaurant alors qu’il a failli ne pas sortir ce soir-là parce qu’il y a de l’orage, il trouve un papier sur lequel sont inscrites des phrases qui n’ont aucun lien les unes avec les autres (et dont certaines sont d’ailleurs prédictives par rapport à sa vie) : chacune de ces phrases est en fait la première de chacun de ses romans. Ceci expliquerait d’ailleurs pourquoi un jour il a décidé d’arrêter d’écrire des romans : il avait épuisé la liste. Ce qui est amusant, c’est que sous la plume de Paul Auster cette anecdote m’aurait beaucoup moins étonnée (c’est tout à fait le genre de trucs qui se passent dans les romans d’Auster). Mais en tout cas cela m’a donné des pistes supplémentaires pour mes recherches sur l’écriture prédictive !

En tout cas, un recueil passionnant dans l’ensemble, qui intéressera tous ceux qui ont envie d’en savoir plus sur la fabrique de la fiction !

Pourquoi écrire ?
Philip ROTH
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Michel et Philippe Jaworski, Josée Kamoun et Lazare Bitoun
Gallimard, 2019

Le Secret, de Drew Heriot

Le Secret, de Drew HeriotThe Secret is the answer to all that has been, all that is, and all that will ever be. (Ralph Waldo Emerson)

Cela faisait très longtemps que je voulais voir ce documentaire, dont on m’avait beaucoup parlé à une époque particulière de ma vie et que j’avais laissé passer. Mais l’autre jour, en tombant dessus tout à fait par hasard sur Netflix, je me suis dit que c’était un signe.

L’idée de base est celle d’un secret qui traverse l’histoire, détenu par des gens comme Platon, Shakespeare ou Victor Hugo et qui, si on sait s’en servir, permettrait d’obtenir absolument tout ce qu’on veut. Le réalisateur va donc interviewer des gens (et parmi eux essentiellement des écrivains et des philosophes), qui vont nous révéler en quoi consiste ce secret, et comment l’utiliser.

Alors c’est du développement personnel, genre auquel je suis habituellement assez allergique, mais j’ai pourtant été très intéressée par le contenu : le Secret, c’est ce qu’on pourrait appeler la Loi de l’Attraction Universelle, c’est-à-dire l’idée que nous attirons tout ce qui nous arrive, par les images que nous avons en tête, ce que nous pensons. Ainsi, les pensées négatives engendrent le négatif : si nous pensons très fort à quelque chose que nous voulons éviter, l’Univers ne comprend pas que nous voulons l’éviter, il ne voit que l’image et les émotions ressenties, et le négatif survient ; il faut donc se concentrer sur le positif, sur les émotions positives (pour attirer quelque chose à nous, il faut s’imaginer le posséder déjà et ressentir la joie que cela nous procurera). En fait, c’est une histoire de circulation d’énergie : tout est énergie, nous comme l’Univers, et donc elle circule, et les énergies s’attirent. On en a tous fait l’expérience d’ailleurs : on a tous en tête l’exemple de gens qui semblent attirer toutes les tuiles, et dont on se dit que si un jour une météorite s’écrase sur la terre ce sera sur leurs pieds, et inversement de gens qui semblent toujours obtenir tout ce qu’ils veulent ; les premiers voient toujours tout en noir, alors que les seconds semblent posséder une foi indéfectible en leur réussite. Nous-même, il y a des jours où tout commence mal, et il y a des chances que toute la journée soit une catastrophe émaillée de mauvaises nouvelles, alors que d’autres jours, nous sommes de bonne humeur, prêts à conquérir la planète, et tout se passe bien. L’idée serait alors de rester toujours dans le deuxième état d’esprit, sans se laisser troubler et mettre d’humeur sombre parce qu’on a renversé son café sur sa chemise neuve avant de partir travailler.

Alors évidemment, aller jusqu’à dire que l’Univers est comme le génie de la lampe ou un catalogue de VPC à qui on peut tout demander — argent, amour, santé, belle maison, cela me semble un tantinet exagéré, néanmoins il y a quand même une idée intéressante à la base. Mais surtout, ce qui m’intéresse dans l’histoire, c’est le lien (pas explicité dans le documentaire) avec l’écriture prédictive, au sens où, peut-être, la force de l’écrivain est telle qu’il peut faire advenir ce qu’il écrit. A creuser en tout cas, mais le sujet est à la base d’un projet auquel je m’attellerai un jour.

Reste que si le contenu de ce documentaire est intéressant, la forme aurait mérité d’être davantage travaillée, ainsi d’ailleurs que certains contenus. D’abord j’aurais apprécié une perspective historique, et une enquête sur les gens dont on nous dit en préambule qu’ils détenaient le Secret. Mais surtout, franchement, toutes ces interviews à la chaîne sur le mode « comment le Secret a révolutionné ma vie » entrecoupées de petits épisodes de mise en situation, ça fait un peu film de propagande de secte…

Bref : un documentaire un peu ésotérique, très américain, mais qui est tout de même plein de bon sens ! A essayer !

The Secret
Drew HERIOT
D’après le livre de Rhonda Byrne

Le Titanic fera naufrage, de Pierre Bayard

Le Titanic fera naufrageOn n’en finirait pas en effet de dénombrer les oeuvres littéraires, relevant de genres variés, qui, avec une plus ou moins grande précision, semblent décrire le futur et donner le sentiment que l’auteur a disposé un moment d’un accès privilégié à des événements qui ne se sont pas encore produits.

Nous en avons déjà parlé : tout ce qui tourne autour de l’écriture prédictive me fascine. Pierre Bayard aussi, manifestement, puisqu’il ne cesse d’interroger le sujet : après Le Plagiat par anticipation (non chroniqué) et Demain est écritil clôt sa trilogie sur le sujet avec Le Titanic fera naufrage, dont le titre, par sa forme, n’est pas sans rappeler celui de la célèbre pièce de Giraudoux, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, en abordant la manière dont certaines oeuvres semblent prédire, anticiper, prophétiser des événements historiques.

Prenant comme fil rouge le naufrage du Titanic et la manière dont apparemment cet événement avait été prévu par des écrivains, en particulier Morgan Robertson, il interroge son sujet en trois temps, multipliant les exemples. D’abord, les faits : nombreux sont les cas où les écrivains racontent des choses qui ne se sont pas encore produites, que ce soit sur le plan politique (Kafka) ou scientifique (Jules Verne) ou qu’ils racontent des catastrophes humaines (Poe) ou naturelles (Frankétienne). Plusieurs hypothèses sont alors possibles : les coïncidences (Houellebecq), le biais de confirmation (Tom Clancy), la loi de Murphy (Franz Werfel) ou encore la théorie des univers parallèles (Eugène Zamiatine). Quoi qu’il en soit, quelles sont alors les conséquences que l’on pourrait en tirer ? Une république des lettres et un rôle accru des écrivains dans la vie publique (Wells) ? Une science sous contrôle (Kurosawa) ? Une nouvelle stylistique (Heidner) ? Une nouvelle histoire littéraire et artistique (Godard) ?

Tout cela est évidemment passionnant : avec le talent (et le sérieux) qu’on lui connaît, Bayard ouvre le champ des possibles, analyse, raconte, questionne, et en tout cas fait bouger les lignes de notre perception du monde — et de la littérature, même si à l’occasion l’auteur sort du strict champ des lettres pour s’aventurer dans ceux du cinéma et de la peinture. Pas d’écrivains véritablement voyants, pas non plus d’écrivains sorciers provoquant les événements en les écrivant : l’idée est plutôt que, plus sensible au monde que beaucoup, celui qui écrit est capable de faire des prédictions (c’est-à-dire d’envisager rationnellement ce qui peut se passer à partir de ses analyses) ou d’avoir des prémonitions des événements à venir, tout comme les sismographes enregistrent les pré-secousses qui annoncent les tremblements de terre.

Troublant, déconcertant, fascinant, cet essai donne vraiment à réfléchir et éventuellement à s’inquiéter à la pensée des prédictions latentes qui dorment dans certains textes.

Le Titanic fera naufrage
Pierre BAYARD
Minuit, 2016

Une autre voix que la mienne, de Catherine Balance

Une autre voix que la mienneVoilà quatre mois que je vous lis en boucle. Lorsque je termine un roman, j’en commence aussitôt un autre. Je me suis immergée dans vos histoires, attachée à vos personnages, j’ai souffert, aimé vécu avec eux, tout ça dans un mouvement assez frénétique. Et… je vis les situations qu’ils vivent au moment où je les lis, ou bien je retrouve des éléments de mon passé. Comme si vous les aviez écrites pour moi, comme si j’étais l’un de vos personnages. C’est insensé, j’en suis bien consciente.

Certains films et certains romans comportent une mention indiquant que Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. Pourtant, il nous est tous arrivé (enfin, je suppose ; moi ça m’est souvent arrivé en tout cas) d’être assailli par les correspondances, les coïncidences jetant des ponts entre notre vie et l’histoire que nous lisons.

C’est ce qui arrive à Maude avec les romans de Thomas Lubeigt.

C’est totalement par hasard qu’elle découvre ces romans, alors même que Thomas est un auteur à succès. Et c’est un coup de foudre : elle se met à tout lire. Et, petit à petit, elle remarque d’étranges coïncidences : soit elle vit les mêmes événements que les personnages au moment où elle lit, soit elle voit resurgir son passé entre les pages. Au point qu’elle pense que l’auteur et elle sont, d’une certaine manière, connectés, et Thomas devient pour elle une obsession.

Voilà un roman assez étonnant qui, tout en nous proposant une quête initiatique et l’histoire d’une renaissance, interroge les arcanes de la création littéraire : qu’est-ce qui se joue lorsque nous lisons ? Qu’est-ce qui se joue lorsque nous écrivons ? De fait, l’écriture est bien un mystère, surtout lorsqu’elle devient prédictive, ou que les coïncidences sont trop exagérées pour être de simples coïncidences, et l’hypothèse soulevée par ce texte, qu’on l’appelle télépathie ou intercommunication des inconscients, a de quoi fasciner, ou tout au moins questionner. C’est, de fait, tout à fait ésotérique, mais pas seulement, car l’inexpliqué est aussi l’enjeu d’une analyse scientifique.

Ce serait un euphémisme de dire que ce roman m’a passionnée. Pour tout dire, je l’ai trouvé très cauwelaertien. Pas du tout dans l’écriture, honnête mais pas renversante non plus, mais dans les thèmes abordés et la manière mi-irrationnelle mi-scientifique d’aborder certains faits extraordinaires, et dans le personnage de Thomas, qui enlace les arbres et fréquente aussi bien des mediums que des scientifiques. Je lui poserai la question si je la croise (c’est pas prévu mais on ne sait jamais de quoi la vie est faite), mais je suis à peu près sûre que Catherine Balance est une lectrice assidue de Didier van Cauwelaert (ou alors, c’est une coïncidence de plus à ajouter au crédit de ce roman, qui a failli me faire tomber de mon canapé à plusieurs reprises — c’est de la coïncidence mise en abyme)*.

Bref, un roman curieux, qui mérite qu’on s’y intéresse !

Une autre voix que la mienne
Catherine BALANCE
Lattès, 2016

* Réponse : oui, elle est bien une lectrice de Didier van Cauwelaert, m’a-t-elle dit ! Donc ce n’est pas que je suis monomaniaque !

challenge12016br10% Rentrée Littéraire 2016 – 12/60
By Lea et Herisson