Le livre des sens, de Diane Ackerman : jouir du monde

Quel régal pour les sens que ce monde ! Voici l’été : le parfum et le bruissement du vent qui entre par la fenêtre peuvent nous tirer doucement du lit. Les rideaux de tulle se moirent dans le soleil, semblent frémir de lumière. Et puis, voici l’hiver : on a peut-être entendu, à l’aube, le bruit d’un petit cardinal se jetant contre son reflet dans la vitre de la fenêtre et, encore endormi, on a cependant compris de quoi il s’agissait. On a secoué la tête de désespoir, on s’est levé, on est allé dans le bureau pour dessiner la silhouette d’un hibou, à moins que ce ne soit un autre prédateur, sur une feuille de papier que l’on a collée à la fenêtre avant de gagner la cuisine pour se préparer un grand café : amertume légère et arôme puissant.

Après avoir lu Le Livre de l’amour, de la même autrice, j’avais très envie de me plonger dans son essai sur les sens, d’abord parce que c’est une thématique qui m’intéresse, ensuite parce que je me suis dit qu’il pourrait éventuellement compléter les recherches que j’avais menées sur le sujet (depuis plus de vingt ans, c’était déjà un de mes axes de recherches pour mon mémoire de Maîtrise) et dont j’ai tiré l’Invitation à un voyage sensoriel.

Dans cet essai, Diane Ackerman étudie les cinq sens sous toutes leurs coutures, aussi bien dans une dimension historique, biologique, sociale ou encore poétique : l’odorat, le toucher, le goût, l’ouïe, la vision (il est dommage qu’elle n’explique pas l’ordre qu’elle a choisi, car je pense que c’est intéressant) avant de consacrer un court chapitre aux synesthésies.

Un ouvrage riche et passionnant, dont la lecture m’a appris bien des choses : on sent que l’autrice se passionne pour son sujet, et ses sujets de réflexion sont d’une grande variété. Sa manière de présenter le résultat de ses recherches parvient à allier quelque chose d’intime, où on sent la joie de l’émerveillement face à la sensualité du monde, son écriture étant souvent empreinte de poésie, et en même temps des informations précises et sérieuses. Beaucoup de très beau passages, par exemple sur le baiser, émaillent le texte, et j’ai adoré le dernier chapitre, consacré aux manies d’écrivains pour stimuler la créativité par les sens (la lecture de ce chapitre m’a permis de me sentir normale, avec mon tableau d’inspiration, mon coussin d’équilibre et mes bougies parfumées).

Bref : un essai passionnant à lire, très instructif, qui invite à jouir pleinement de la richesse du monde.

Le Livre des sens
Diane ACKERMAN
Traduit de l’américain par Alexandre Kalda
Grasset, 1991

Le livre de l’amour, de Diane Ackerman : tout sur l’amour

Lorsque je place un prisme de verre sur l’appui de la fenêtre et que la lumière du soleil le traverse, un spectre de couleurs danse sur le sol. Ce que nous appelons « blanc » est un arc-en-ciel de rayons colorés concentrés dans un petit espace. Le prisme les libère. L’amour est la lumière blanche des émotions. Il regroupe de nombreux sentiments auxquels, par paresse ou confusion, nous attribuons un seul mot. L’art est le prisme qui les libère et démêle l’écheveau épais des sentiments. L’amour se dénude mais on ne peut ni le mesurer ni en dresser une carte. Tout le monde admet que l’amour est merveilleux et nécessaire, mais personne n’est d’accord sur sa nature. J’ai un jour entendu un reporter sportif dire d’un joueur de basket : « Il fait tout dans l’intangible. Regardez-le danser. » Si haute que puisse être l’idée qu’on se fait de l’amour, il n’y a pas d’image trop profane pour tenter de l’expliquer.

Je poursuis mes investigations sur mon sujet d’écriture, avec cet essai qui commence un peu à dater (1990 pour sa première édition) mais je n’avais encore jamais entendu parler jusqu’à récemment, et qui m’a occupée un bon moment.

Dans cet essai, Diane Ackerman interroge le sentiment amoureux, et cherche à l’expliquer : l’histoire de l’amour, les idées sur l’amour, la nature de l’amour, amour et érotisme, les coutumes amoureuses et la variété des amours.

J’ai beaucoup aimé lire cet ouvrage, écrit dans un style vif, spirituel et drôle, et qui est bien sûr, vu son sujet, très intéressant. Après, j’avoue que je n’ai pas appris grand chose de nouveau, et qu’il n’intégrera pas ma liste des meilleurs livres sur le sujet, d’autant que je suis un peu perplexe sur la construction de l’ouvrage. Mais il y a de beaux passages, et cela reste un ouvrage intéressant sur un sujet inépuisable !

Le livre de l’amour
Diane ACKERMAN
Traduit de l’américain par Alexandre Kalda
Grasset, 1995