The Male Nude, de David Leddick : l’histoire du nu masculin en photographie

Il aura fallu deux guerres et la détermination de nombreux photographes, hommes et femmes, pour que l’homme baisse enfin son pantalon et renoue avec la vision de l’homme des artistes de l’Antiquité et de la Renaissance : celui-ci doit être beau. Aujourd’hui, hommes et femmes partagent les mêmes emplois et responsabilités, et être beau est autant la responsabilité de l’homme que celle de la femme.

Il y a quelques années, le musée d’Orsay avait consacré une exposition à l’homme nu dans l’art, et les polémiques qu’elle avait suscitées avaient permis de constater que malheureusement, encore au XXIe siècle, la nudité masculine n’allait pas de soi, contrairement à la nudité féminine : non seulement certains considèrent qu’un homme nu, ce n’est pas beau, mais encore, qu’une image le représentant est nécessairement pornographique. Jetons donc ces préjugés au feu : le corps masculin est beau, esthétiquement intéressant, et il ne faut pas forcément le désirer pour l’admirer.

Si l’exposition d’Orsay s’intéressait à tous les genres, peinture, sculpture, art graphique et bien sûr photographie, cet ouvrage sur lequel je suis tombée « par hasard » cet été est exclusivement consacré à cette dernière, et retrace les évolutions, du XIXe siècle à nos jours, de ce qui a eu bien du mal à se hisser au rang d’art. Un texte (trilingue : anglais/allemand/français), et surtout beaucoup de photographies.

Un ouvrage absolument passionnant, et surtout d’une grande beauté. Beau, et émouvant car il s’en dégage souvent une grande fragilité : si, comme disait Victor Hugo, la femme nue est la femme armée, l’homme nu est désarmé, vulnérable, et donc touchant. On croise bien sûr dans ce livre de grands noms de la photographie : Cecil Beaton, Andy Warhol, Richard Avedon, Jeanlou Sief, Robert Mapplethorpe (évidemment), Bruce Weber, Terry Richardson, Herb Ritts, Steven Meisel, David Hockney, Annie Leibovitz, Nan Goldin… et on en découvre d’autres. Pour ma part, j’ai eu un coup de foudre pour le travail extrêmement troublant de Dianora Niccolini (la photo de couverture), sur lequel je me pencherai sans doute plus avant dans le futur.

Un très beau livre d’art donc, comme savent si bien en proposer les éditions Taschen, dans une collection, « Bibliotheca Universalis » assez raisonnable question prix. Parfait pour un cadeau de Noël, puisque la saison arrive !

The Male Nude
David LEDDICK
Taschen, 2015

La semaine sans complexe, sur une idée originale de Stephie

David Hockney à Beaubourg

David Hockney à BeaubourgJe suis persuadé que la photographie nous a causé du tort. Elle nous a conduits à regarder le monde d’une seule et même façon, plutôt ennuyeuse. […] Nous vivons à une époque où une grande quantité des images réalisées n’ont pas pour ambition d’être considérées comme des oeuvres d’art. Leurs auteurs revendiquent quelque chose de beaucoup plus douteux : ils disent qu’elles sont la réalité.

J’avais loupé Magritte (à cause de la foule), hors de question que je loupe Hockney (même si j’aime moins à la base).

David Hockney a 80 ans, et cette rétrospective de plus de 160 oeuvres (peintures bien sûr, mais aussi photographies, gravures, installations videos, dessins, ouvrage) restitue l’intégralité du parcours de l’artiste, de ses premières oeuvres à ses dernières, dont le vernis est à peine sec : soixante années de travail s’offrent donc sous nos yeux, avec leurs évolutions et leurs motifs récurrents, leurs influences changeantes, mais un regard unique, celui d’un artiste.

Pour être honnête, je n’ai pas autant aimé cette exposition autant que j’aurais voulu, pour une raison toute bête et matérielle : la foule (pourtant j’étais arrivée avant l’ouverture avec un billet coupe-file et donc dans les premières à entrer). Comment se laisser transporter par une oeuvre lorsqu’autour une nuée de sauterelles bruyante s’agite ? C’est l’une des expositions les plus courues de Paris, et cela lui nuit un peu. En outre, j’ai peu apprécié les oeuvres de jeunesse. Par contre, j’ai été bouleversée par la manière dont le désir traverse toute cette oeuvre : cela est évidemment sensible dans les toiles californiennes et les célèbres « Pool paintings » qui manifestent l’hédonisme : le bleu des piscines, les corps dénudés, il se dégage de l’ensemble une sensualité et un érotisme saisissant. J’ai également beaucoup apprécié les portraits, la série des collages polaroids, l’installation video des quatre saisons et les oeuvres dans les dernières, à la terrasse bleue, ainsi que le tout dernier tableau, avec une citation explicite de T.S. Eliot : «Birth, copulation, death/ that’s all the facts when you get down to brass facts» – naissance, copulation, mort.

Chronologique, aéré, le parcours serait parfait si l’on n’avait pas l’impression d’être dans un grand magasin la veille de Noël. Pour le reste, j’ai quand même apprécié cette découverte : même si tout ne m’a pas touchée, j’ai appris à mieux connaître un artiste fabuleux !

David Hockney – Rétrospective
Beaubourg – Centre George Pompidou
Jusqu’au 23 octobre