Monsieur & Madame Adelman, de Nicolas Bedos

Monsieur & Madame Adelman, de Nicolas BedosJe suis un romancier, et je me sens juif.

J’avais noté ce film sur ma liste à voir dès sa sortie. Forcément : il s’agit d’une histoire d’écrivain. On ne se refait pas.

Victor Adelman, grand romancier et académicien, vient de mourir. Sa femme, Sarah, se confie à un écrivain, qui souhaite faire un livre sur lui. Mais la vérité de ce couple hors-normes n’est peut-être pas aussi simple qu’il paraît…

Un très très beau film, construit en flash-back, qui a quelque chose de Woody Allen : si Paris remplace New-York, on y retrouve en effet les thèmes obsédants du cinéaste américain, la psychanalyse, la sexualité, la question du judaïsme, le tout dans un milieu intellectuel où tout est toujours sur-analysé. Et il y a, dans ce film, une très grande sensibilité et même, oui, une grande poésie, tout en restant cruel, parfois violent, et drôle et satirique : un mélange détonnant pour nous raconter l’histoire d’un couple qui se construit à travers les époques, un couple animé par un amour rare, ce qui n’empêche pas les difficultés. L’un est mis en lumière par le succès littéraire même s’il tarde à venir, est admiré et est la coqueluche des femmes, et l’autre reste dans l’ombre et travaille à ce succès — la femme derrière le génie. Mais c’est autre chose, bien autre chose qu’un simple rôle de muse. Notons enfin la performance formidable des acteurs, et notamment de Nicolas Bedos et de Doria Tillier, qui sont remarquables et réellement époustouflant dans les scènes où ils sont vieillis.

Bref : un film comme je les aime !

Monsieur & Madame Adelman
Nicolas BEDOS
2017

Bridget Jones’ Baby, de Sharon Maguire

bridget-jones-babyNe peut pas revenir en arrière et refaire les mêmes erreurs. Doit en faire de nouvelles.

J’attendais que ce film soit disponible en VOD depuis sa sortie au cinéma, autant dire une éternité : j’ai beaucoup aimé le roman, qui est de ceux qui vous réconcilient avec la vie, je savais que le film était très différent mais j’étais néanmoins curieuse.

Bridget a 43 ans et est de nouveau célibataire. Daniel vient de mourir, Darcy s’est marié à une autre : bref, sa vie est sur de mauvais rails, d’autant qu’au boulot, ce n’est pas la joie non plus. Mais, suite à une nuit avec un inconnu lors d’un festival puis avec Mark lors d’un baptême, le tout avec des capotes vegan périmées, elle attend un bébé. Problème : qui l’a mis là ?

Daniel manque, indéniablement, et le personnage de Jack (Patrick Dempsey) a beau être particulièrement charmeur et drôle, il lui manque ce petit truc indéfinissable. Cela mis à part, on passe évidemment un excellent moment avec ce film drôlissime et énergique, qui malgré l’intrigue de base prend une direction assez différente du roman. Bridget reste la même, totalement immature et gaffeuse, Mark est aussi choupitrognon (même si je trouve que Colin Firth vieillit assez mal, mais cela n’engage que moi), Emme Thompson campe une gynécologue extraordinaire, et on éclate de rire bien souvent avec des scènes d’anthologie (mais, malheureusement, sans la déclaration d’amour la plus touchante de l’histoire des déclarations d’amour qui est dans le roman). Le tout, bien évidemment, sur fond de décors londoniens, ce qui n’est pas rien.

Bref, un film qui fait du bien, qui donne la pêche, qui ne sera pas mon préféré dans la série parce que sans Daniel ce n’est quand même pas pareil, mais qui m’a fait passer une excellente soirée ! Précipitez-vous si vous ne l’avez pas encore vu !

Bridget Jones Baby
Sharon MAGUIRE
2016

As good as it gets (Pour le pire et pour le meilleur) de James L. Brook

as-good-as-it-getsNever, never, interrupt me, okay? Not if there’s a fire, not even if you hear the sound of a thud from my home and one week later there’s a smell coming from there that can only be a decaying human body and you have to hold a hanky to your face because the stench is so thick that you think you’re going to faint. Even then, don’t come knocking. Or, if it’s election night, and you’re excited and you wanna celebrate because some fudgepacker that you date has been elected the first queer president of the United States and he’s going to have you down to Camp David, and you want someone to share the moment with. Even then, don’t knock. Not on this door. Not for ANY reason. Do you get me, sweetheart?

J’avais vu ce film il y a très longtemps, et j’avais très envie de le revoir. Le problème ? J’étais totalement incapable de retrouver le titre, et comme mon souvenir était tout de même assez flou (et erroné sur certains points) j’avais assez peu d’éléments pour faire une recherche de grande ampleur. Mais enfin, comme vous le voyez, j’ai fini par remettre la main dessus !

Melvin Udall est écrivain. Obsessionnel compulsif, il est absolument odieux avec tout le monde, les gens comme les animaux, et fait vivre un enfer à ses voisins. Pourtant, un chien et une serveuse vont bouleverser son ordre bien établi, et le rendre plus humain.

Une comédie qui fait un bien fou ! Jack Nicholson est évidemment épatant en écrivain imbuvable et odieux, que rien d’autre que ses romans (et lui-même) n’intéresse a priori, que l’on a envie d’étrangler, mais qui se révèle finalement émouvant et attachant : transformé par l’amour, il est surtout maladroit parce qu’il ne sait pas vraiment comment s’y prendre. Du coup, le film oscille entre rire et émotion, les dialogues sont absolument extraordinaires, et l’ensemble offre une belle leçon : aimer c’est accepter les faiblesses et la dinguerie de l’autre !

Un film à voir et à revoir !

As Good as it gets (Pour le pire et pour le meilleur)
James L. BROOK
1997

Fashion Girls, de Jonathan Elbers

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Fashion Girls est plutôt un film pour adolescent(e)s. Mais bon, vous me connaissez : j’adore les films parlant de mode, et j’aime bien de temps en temps mettre mon cerveau devant des films pas prise de tête a priori.

Esmée vit pour la mode : dotée d’un réel talent pour dessiner des tenues, elle a pourtant la malchance de voir ce dernier peu reconnu. Son blog n’a que 5 abonnés, et elle est la risée de toute son école, et en particulier de la peste absolue du lycée, Tiffanie, et ses deux copines. Mais les choses pourraient bien changer lorsqu’Esmée est prise en stage chez Wolff, maison de couture à laquelle elle voue un culte.

Un film aux thèmes assez classiques, la mode, les pestes qui harcèlent la gentille fille a priori peu charismatique, et qui se laisse regarder avec beaucoup de plaisir. Il y a un petit côté Evils wears Prada mâtiné de Gossip Girls et il fascinera sans aucun doute ceux qu’intéressent les fanfreluches. Après, il y a aussi un petit côté moral — voire moralisateur — et une réflexion sur l’image des blogueuses, auxquels je n’ai pas totalement adhéré : pour pouvoir montrer son talent (réel) et contrer les manigances des trois pestes, Esmée se construit un nouveau personnage, Lizzie, dans lequel personne ne la reconnaît, et se laisse un peu éblouir par sa popularité — et en paye le prix. Je comprends bien l’idée et le message à destination des adolescentes : il ne faut pas chercher à devenir autre chose que soi-même ; malgré tout, je suis sceptique dans la mesure où Lizzie est bien un aspect de la personnalité d’Esmée, et qu’à travers ce personnage elle réalise son rêve le plus cher ; nous nous construisons tous des personnages, nous sommes des êtres aux multiples rôles et non des blocs uniformes. Et finalement, j’ai eu l’impression qu’il valait mieux pour réussir être une peste absolue plutôt qu’une gentille fille qui réécrit un peu le réel pour vivre son conte de fées. Ou alors je n’ai rien compris, mais si je ne comprends plus les films pour ados, on est mal !

Bref, j’ai l’impression que je suis totalement incapable de mettre mon cerveau en mode pause et de regarder un film divertissant au premier degré, sans chercher à échafauder des théories philosophiques. C’est un peu un problème. Reste qu’en faisant abstraction de ce petit souci métaphysique, Fashion Girls est un film assez sympathique à regarder !

Fashion girls
Jonathan ELBERS
2016 (sortie DVD 8 février 2017, Koba films)

Mighty Aphrodite (Maudite Aphrodite) de Woody Allen

maudite aphroditeOf all human weaknesses, obsession is the most dangerous, and the silliest!

Même si j’ai un peu ralenti ces derniers temps, je poursuis mon projet de voir/revoir toute la filmographie de Woody Allen.

Lenny, un rédacteur sportif qui ne voulait absolument pas d’enfant, est fou de son fils adoptif Max. Et convaincu qu’il est un génie. Aussi se met-il en quête de sa mère biologique… et découvre qu’il s’agit d’une prostituée qui n’a pas inventé l’eau tiède. Mais il se prend d’amitié pour elle, et décide de l’aider à changer de vie.

Un excellent Woody Allen, drôle et jubilatoire, dont l’originalité tient à la narration faite par un choeur antique mené de main de maître par le choryphée, qui tient son rôle originel dans la tragédie, pour pointer fatalité, hybris, ironie tragique ou deus ex machina, mais apparaît ici de plus en plus déjanté, l’ensemble se terminant en comédie musicale de Broadway (avec un petit côté Monty Python) et non dans le sang malgré la présence d’Oedipe, histoire de pointer du doigt encore une fois les névroses et obsessions alleniennes et notamment la psychanalyse. Mais beaucoup moins que d’habitude, finalement et si le questionnement tourne bien autour de l’amour et de ses complications, la paternité, le couple, l’ensemble reste plus léger que d’autres de ses comédies de cette période, et le personnage de Lenny, joué par Woody Allen lui-même, n’est pas un intellectuel névrosé mais bien un être attachant et maladroit, terriblement attendrissant dans des efforts pour que tout le monde soit heureux. Le casting dans l’ensemble est particulièrement réussi : Mira Sorvino est parfaite en bécasse, et c’est un plaisir de voir Helena Bonham-Carter incarner une personne normale !

Une comédie sympathique, aux dialogues comme d’habitude parfaitement maîtrisés : que demander de plus ?

Mighty Aphrodite (Maudite Aphrodite)
Woody ALLEN
1995

L’Idéal, de Frédéric Beigbeder

L'IdéalL’embêtant avec la résurrection, c’est qu’il faut mourir avant.

Un jour, lors de mon année de maîtrise, je faisais un exposé sur Les Structures anthropologiques de l’imaginaire de Gilbert Durand, et au cours d’un développement très intéressant (et très sérieux) sur le schème de l’auréole, j’ai commis un lapsus très révélateur de mes propres obsessions : au lieu de dire « l’auréole » donc, j’ai dit… « l’Oréal ». Si je vous parle de ça, c’est parce que cette anecdote m’est revenue l’autre soir en regardant ce film. Je ne vois absolument pas pourquoi d’ailleurs (!). Bref.

Ce film est l’adaptation d’un roman de Beigbeder que je n’ai pas lu, Au secours pardon.

On y retrouve Octave Parango, le héros de 99 francs (que j’ai lu mais pas chroniqué parce que c’était il y a longtemps, mais il est dans ma pile à relire). Après avoir quitté la publicité, il s’est reconverti en scout, métier qui en ferait rêver beaucoup puisqu’il s’agit non pas du petit gars en costume ridicule qui fait du camping dans la forêt, mais bien du rabatteur pour agence de mannequins. De fait, installé en Russie, Octave a la vie plutôt cool : sexe, alcool, drogue et sexe. A Paris, par contre, c’est la panique chez l’Idéal, grande marque de cosmétiques : leur égérie est au coeur d’un scandale causé par une sextape dans laquelle elle est déguisée en officier nazi… Pour redorer leur blason, il leur faut un nouveau visage, respirant la pureté et l’innocence, et pour le trouver, ils comptent sur Octave !

Dans ce film se superposent les deux aspects en apparence contradictoires de Beigbeder, dont Octave superbement interprété par Gaspard Proust — est l’alter ego. En surface, ce cynisme absolu qui peut être insupportable pour certains. Le film est drôle, féroce, cruel parfois, et constitue une satire parfaitement réussie du monde du mannequinat, des cosmétiques et des oligarques russes ; la longue scène de la fête, dont beaucoup de critiques ont dit qu’elle était complètement ratée, me semble au contraire très réussie, par son outrance même — Igor est tellement riche que ses nains de jardin sont vivants — qui montre les dérives de ce monde où les gens ont tellement de fric qu’ils ne savent même plus quoi en faire ; de même, l’idée de faire incarner la puissante PDG de L’Idéal, Carine Wang, par Jonathan Lambert, est formidable. Quant à Audrey Fleurot, elle est fantastique. Cette dimension politique et sociale du film, très caustique, brute de décapage, est particulièrement réussie donc, et la scène de la conférence de presse est à voir absolument.

Et puis, il y a l’autre versant de Beigbeder. Le romantique un peu guimauve. Versant qui passe admirablement bien dans ses romans. A l’écran, un peu moins, et j’ai trouvé la fin un peu too much, sans savoir si c’était volontairement parodique ou juste dégoulinant de bons sentiments. Je pense que le film aurait dû s’arrêter à la conférence de presse, du coup.

Reste que j’ai passé une excellente soirée avec ce film et que je le recommande chaudement, ne serait-ce que pour ses acteurs qui sont, je le répète, excellents, mais aussi pour certaines scènes particulièrement réussies, qui mettent un bon coup de pied où il faut, et ça fait quand même du bien !

L’Idéal
Frédéric BEIGBEDER
2016

Cafe Society, de Woody Allen

cafe societyLife is a comedy written by a sadistic comedy writer.

Il est enfin là, le dernier Woody Allen !!!!

Dans les années 30, le jeune Bobby Dorfman décide de quitter New-York pour tenter sa chance à Hollywood ; après beaucoup d’attente, son oncle Phil, agent de stars, accepte de l’engager comme coursier, et lui présente Vonnie, son assistante, dont Bobby tombe immédiatement amoureux. Mais Vonnie n’est pas libre, et Bobby doit se contenter de son amitié, jusqu’au jour où elle lui annonce que son petit ami vient de la quitter…

Tout, dans ce film, est esthétiquement parfait : les décors, les couleurs, les plans, les décors, et tout concourt à donner à cette histoire d’apprentissage une tonalité bien particulière, à la fois drôle voire burlesque et teinté de vaudeville, et fitzgeraldienne, quelque chose de profondément mélancolique malgré les fêtes sublimes, avec Bobby en avatar de Gatsby. Allen crée une tension entre Hollywood et New-York, forcément à l’avantage de cette dernière. Toujours cette obsession pour la religion juive et la culpabilité. Et puis Kristen Stewart, dont je suis pourtant assez peu adepte (sans doute plus à cause de cette daube infâme qu’est Twillight que d’elle-même, d’ailleurs), lumineuse et irradiante.

Un petit bonbon à savourer !

Cafe Society
Woody ALLEN
2016