La série des Claudine, de Colette : l’éclosion d’une femme

Il va falloir, pour l’honneur de mes cahiers, que je raconte pourquoi je me trouve à Paris, pourquoi j’ai quitté Montigny, l’Ecole si chère et si fantaisiste où mademoiselle Sergent, insoucieuse des qu’en-dira-t-on, continue à chérir sa petite Aimée pendant que les élèves font les quatre cents coups, pourquoi papa a quitté ses limaces, tout ça, tout ça !

En ce moment, je navigue entre Anaïs Nin et Colette, qui sont deux pilotis du personnage d’Adèle parmi d’autres. Après avoir relu Claudine à l’école, j’ai eu envie de combler un manque, celui de n’avoir jamais lu le reste de la série, alors même que le premier volume avait durablement marqué la jeune adolescente que j’étais alors. Mon problème était que je n’aime pas tellement les couvertures des éditions modernes, j’avais envie de les avoir en éditions vintage.

Et comme la vie est parfois bien faite, c’est le moment qu’a choisi Ammareal pour me proposer de découvrir leurs services. Ammareal est un site de livres d’occasion qui s’approvisionne notamment auprès des bibliothèques et des associations afin de favoriser l’économie circulaire et sur lequel on trouve à peu près tout ce qu’on veut, à tous les prix. Le plus est qu’un pourcentage de la vente de chaque livre est reversé à des organisations caritatives luttant contre l’illettrisme et en faveur de l’éducation. Je suis ravie de cette double découverte : les livres que je voulais, et un chouette site sur lequel m’approvisionner dans le futur.

C’est donc grâce à eux que je me suis retrouvée avec ma série, dans des éditions jolies comme tout. Dans Claudine à Paris, nous retrouvons notre personnage à 17 ans, loin de Montigny et se remettant tout juste d’une maladie qui l’a obligée à sacrifier sa belle chevelure : symboliquement, c’est le passage de la jeune fille à la femme. Toujours aussi effrontée, pas la langue dans sa poche, elle détonne dans la bonne société parisienne où les femmes sont des pots de fleurs : Claudine, elle, est très moderne, affranchie et peu encline à se laisser faire. A la fois pervers et innocent, ce tome nous montre aussi une Claudine qui découvre ce que c’est que d’avoir des papillons dans le cœur.

Et c’est comme ça que, dans Claudine en ménage, nous la retrouvons mariée à Renaud, et découvrant les joies et les difficultés de la vie conjugale. Qui ne la satisfait pas pleinement, on s’en doute, malgré son amour pour son mari, qui lui passe tous ses caprices, y compris lorsqu’elle s’entiche d’une femme…

Dans Claudine s’en va, nous quittons un peu notre personnage puisque la narratrice est cette fois Annie, une connaissance de Claudine mais qui, au début, est une femme soumise, obéissante et peu rebelle, dont le mari parti en voyage lui a strictement interdit de fréquenter le couple détonnant formé par Claudine et Renaud. Les circonstances vont l’obliger à désobéir, pour son plus grand bien, puisque grâce à son journal on la voit accéder à elle-même et prendre sa liberté.

Lire Colette est toujours un ravissement et j’ai passé des heures délicieuses avec Claudine, qui vraiment me plaît beaucoup de par sa capacité à vivre pleinement, sans s’occuper de ce que disent les gens. C’est gracieux, sensuel, souvent drôle. Je regrette qu’on ne la lise pas plus, finalement, et pour ma part j’ai envie d’en relire d’autres, maintenant que je suis lancée, d’autant qu’il me reste un livre de la série, La Retraite sentimentale (La Maison de Claudine n’a pas Claudine pour personnage) !

Claudine à Paris / Claudine en ménage / Claudine s’en va
COLETTE
Le livre de Poche

Le pays enchanté

C’est un instant poétique, même si c’est plus que de la poésie. Aujourd’hui j’avais envie de partager avec vous ce sublime extrait de Les Vrilles de la Vigne : encore Colette, oui, qui en ce moment m’accompagne chaque jour, et qui ne cesse de m’émerveiller. Dans cet extrait, alors qu’elle est dans la baie de Somme avec son amante Missie, déprimée par le mauvais temps (la « nouvelle s’appelle « Jour Gris »), elle se met à penser à son pays natal et y invite la femme qu’elle aime dans un voyage imaginaire. Par la grande magie de l’écriture, elle fait d’un paysage banal un endroit merveilleux et onirique, où elle se perd elle-même. Et c’est beau…

Et si tu arrivais, un jour d’été dans mon pays, au fond d’un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, – si tu regardais bleuir, au lointain une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu m’oublierais, et tu t’assoirais là, pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie !

Il y a encore, dans mon pays, une vallée étroite comme un berceau où, le soir, s’étire et flotte un fil de brouillard, un brouillard ténu, blanc, vivant, un gracieux spectre de brume couché sur l’air humide… Animé d’un lent mouvement d’onde, il se fond en lui-même et se fait tour à tour nuage, femme endormie, serpent langoureux, cheval à cou de chimère… Si tu restes trop tard penché vers lui sur l’étroite vallée, à boire l’air glacé qui porte ce brouillard vivant comme une âme, un frisson te saisira, et toute la nuit tes songes seront fous…

Écoute encore, donne tes mains dans les miennes : si tu suivais, dans mon pays, un petit chemin que je connais, jaune et bordé de digitales4 d’un rose brûlant, tu croirais gravir le sentier enchanté qui mène hors de la vie… Le chant bondissant des frelons fourrés de velours t’y entraîne et bat à tes oreilles comme le sang même de ton cœur, jusqu’à la forêt, là-haut, où finit le monde… C’est une forêt ancienne, oubliée des hommes… et toute pareille au paradis, écoute bien, car…

Comme te voilà pâle et les yeux grands ! Que t’ai-je dit ? Je ne sais plus… je parlais, je parlais de mon pays, pour oublier la mer et le vent… Te voilà pâle, avec des yeux jaloux… Tu me rappelles à toi, tu me sens si lointaine… Il faut que je refasse le chemin, il faut qu’une fois encore j’arrache de mon pays, toutes mes racines qui saignent…

Me voici ! de nouveau je t’appartiens. Je ne voulais qu’oublier le vent et la mer. J’ai parlé en songe… Que t’ai-je dit ? Ne le crois pas ! Je t’ai parlé sans doute d’un pays de merveilles, où la saveur de l’air enivre ?… Ne le crois pas ! N’y va pas : tu le chercherais en vain. Tu ne verrais qu’une campagne un peu triste, qu’assombrissent les forêts, un village paisible et pauvre, une vallée humide, une montagne bleuâtre et nue qui ne nourrit pas même les chèvres…

Amoureuse Colette, de Geneviève Dorman : jouir du monde

La vérité c’est que, toute sa vie, elle sera physiquement, sensuellement amoureuse de tout ce qui est bon, agréable à voir ou à toucher, de tout ce qui réjouit les sens : hommes, femmes, mer, fleurs, fruits, vins fins, truffes, plats succulents, accords musicaux et chants d’oiseaux, douceur du pelage animal ou d’une peau de satin humaine, sans parler de la gamme infinie des senteurs dont son nez d’olfactive raffinée saisit toutes les nuances les plus subtiles.

Encore Colette ? Oui, mais ce n’est pas vraiment ma faute. Il se trouve simplement que je crois qu’en ce moment elle a beaucoup de choses à me dire, et que les synchronicités font le reste. Admirez un peu : l’autre jour, j’étais dans une grande enseigne culturelle pour faire des provisions de matériel créatif. Et je passe devant le bac des livres d’occasion sans m’arrêter, mais en laissant traîner un œil. Or, qui se trouvait, comme ça, posé négligemment sur le bac, m’attendant de manière évidente ? Et oui ! Donc vous comprenez bien que je n’ai pas pu faire autrement que de le prendre. Et le lire dans la foulée.

Geneviève Dorman (que je n’avais jamais lue, et c’est un tort car j’ai beaucoup aimé son écriture) nous raconte donc ici la vie de Colette, de son mariage avec Willy à sa mort, en choisissant l’angle de l’amour. Pas uniquement l’amour amoureux, mais l’amour de la vie et du monde.

J’ai été très charmée par ce texte. La vie de Colette, je la connaissais un peu, mais j’ai appris beaucoup de choses sur la femme, et l’écrivaine. Une écrivaine curieuse d’ailleurs, qui n’aimait pas écrire et qu’il fallait enfermer pour qu’elle le fasse, sans doute parce qu’écrire pour elle éloignait de la vie (alors que pour moi, c’est en jouir encore plus intensément). Et c’est la vie qu’elle aime, dans toutes ses dimensions. L’amour amoureux, les hommes et les femmes, c’est toute une histoire et sa vie sentimentale est particulièrement aventureuse et mouvementée, riche, et pas exempte de scandale (et pour ma part, je reste malgré tout un peu chiffonnée par cette histoire avec Bertrand de Jouvenel, mais passons). Le music hall. Et tout le reste : une soif intense de sensorialité, de jouissance et de gourmandise dans tous les sens du terme, que résume parfaitement la phrase que j’ai mise en exergue.

Et ça, ça m’a émerveillée ! J’aime Colette intensément !

Amoureuse Colette
Geneviève DORMAN
Herscher, 1984 / Albin Michel, 1985 (Livre de Poche, 1987)

Sido et Les Vrilles de la Vigne, de Colette : la célébration du monde

A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion…

J’espère que vous aimez Colette, parce que de mon côté j’ai une envie incontrôlable non seulement de (re)lire absolument tout ce qu’elle a écrit, mais aussi, comme on le verra prochainement, de lire également ce qui s’est écrit sur elle. Il faut dire qu’elle est une grande inspiration pour moi en ce moment : sa liberté totale, son indépendance, sa manière de se jeter corps et âme dans l‘amour, et bien sûr sa manière poétique d’habiter le monde, y recherchant constamment tout ce qui peut réjouir les sens. Une manière d’exister pleinement qui est ce que je cherche à transmettre aussi avec Le Voyage Poétique, mais aussi dans le projet Adèle, Colette étant un des nombreux pilotis de mon personnage, du point de vue de sa vision du monde.

Or, il se trouve en outre que ce diptyque est au programme du bac cette année et pour les trois années à venir, ce qui m’a donné l’occasion de m’y replonger. D’abord Sido, construit autour du personnage de la mère et plus largement de la famille, qui donne à Colette l’occasion de revenir sur son enfance à la campagne, choyée et heureuse, qui a construit une vision du monde où la nature est une source perpétuelle d’émerveillement. Les textes rassemblés sous le titre Les Vrilles de la Vigne sont plus disparates, mais on y trouve, là encore, cette fabuleuse pulsion de vie, cet amour infini pour la nature et le monde qui sont la marque de fabrique de l’autrice.

On trouve ici tout un univers sensuel, où la magie des mots se met au service d’une religion de la nature, qui a parfois quelque chose de païen, qu’elle tient de sa mère. Une dévotion à la vie et au monde qui l’entoure, aux plantes, aux animaux, aux odeurs, mais aussi à l’amour : de très beaux passages sont ainsi consacrés au sentiment amoureux, en tant qu’il est, lui aussi, célébration de la vie, même s’il vient avec son lot de souffrances. J’ai aussi beaucoup aimé le petit chapitre sur Claudine, au cours duquel l’écrivaine se chamaille avec son personnage, qui n’est autre qu’une part d’elle-même, on le sait bien.

J’ai pris un vif plaisir à cette relecture : la langue est parfois un peu difficile, Colette aime beaucoup utiliser des mots rares tant sa sensualité est aussi dans le langage, et d’ailleurs, j’étais persuadée de trouver dans Sido le célèbre passage du presbytère, qui m’a émerveillée (comme beaucoup) lorsque j’étais enfant. En réalité, il est dans La maison de Claudine. Dans ma liste, évidemment !

Sido et Les Vrilles de la Vigne
COLETTE
Le livre de poche

Favoris d’octobre

Je ne sais pas vous, mais moi j’aime bien cette petite liste de favoris mensuels, qui me permet non seulement de revenir sur des découvertes sympathiques, mais aussi de vous parler de trucs que je n’aurais pas su où caser sinon.

1. Je commence par le truc qui est en train d’améliorer clairement mon quotidien : les loop earplugs experience. Comme vous le savez peut-être, qui dit hypersensibilité (émotionnelle) dit aussi hyperexcitabilité sensorielle. Tous les stimuli sont amplifiés, un peu comme dans cette série que vous connaissez peut-être et que j’adorais, The Sentinel. Cela se traduit au niveau de la lumière, des odeurs (surtout les mauvaises…), et donc du bruit, et j’avoue que les bruits ambiants ont tendance à me rendre toquée. On pourrait croire que ça irait en s’améliorant avec l’âge, mais j’ai plutôt l’impression que c’est le contraire. Et comme la vie est compliquée, je ne supporte pas non plus les boules quies ou les casques antibruit, qui m’isolent trop, et si je n’entends rien, je me sens en danger (oui, même confortablement installée dans mon bureau). Et là, je suis tombée sur ce dispositif qui fait exactement l’inverse des dispositifs pour malentendants qui amplifient les bruits : il les atténue. Vous entendez la personne qui vous parle, vous entendez le bruit de fond, mais comme si vous aviez, avec une télécommande, baissé le son. Cela fait comme un petit bouchon, que vous adaptez à la taille de votre oreille (l’objet est livré avec plusieurs tailles) (oui parce qu’en plus j’ai des oreilles petites, et les écouteurs ne tiennent pas et me font mal), et à l’extérieur cela fait un petit anneau assez décoratif. J’ai choisi la version Experience, plutôt pour la journée (certains dorment avec, j’ai essayé un soir de musique trop forte chez les voisins, en effet je n’étais plus gênée par le bruit mais l’anneau, rigide sur cette version, me faisait mal), mais je vais aussi investir dans la version nuit. Ceci n’est ni sponsorisé ni rien, je les ai achetés moi-même, je précise.

2. Une boisson dont j’ai complètement oublié de vous parler dans mes favoris de l’été : Gimber. Je ne sais pas vous mais moi, le soir, j’aime beaucoup m’accorder un petit plaisir gustatif, soit pour écrire, soit juste comme ça. Un truc bon, genre apéritif, mais on est d’accord qu’on ne peut pas boire l’apéritif tous les jours. Je me suis donc lancée dans la recherche d’apéritifs sans alcool, dont le marché est en train d’exploser, et je suis tombée, dans mon magasin bio, sur cette marque qui propose donc une boisson au concentré de gingembre, à allonger avec de l’eau gazeuse où, comme je préfère, avec de la limonade. C’est délicieux, vraiment rafraîchissant (alors évidemment, j’en ai surtout bu en été), le goût est très curieux mais j’aime beaucoup. Ceci n’est pas sponsorisé non plus.

3. L’autre jour, je me suis offert un plaisir absolu : je me suis racheté une Bougie Diptyque Pomander. Je ne vais pas m’étaler parce que j’en ai déjà parlé, mais vraiment, c’est l’une de mes bougies préférées de tous les temps (et les bougies parfumées, c’est quelque chose d’essentiel pour moi : j’ai besoin que ça sente bon), l’odeur est émerveillante, elle dure longtemps et se diffuse parfaitement. Malheureusement, je ne suis pas non plus sponsorisée par Diptyque mais j’aimerais beaucoup (je dis ça au cas où…)

4. Un film maintenant, qui commence à dater un peu mais que je n’avais jamais vu : Colette de Wash Westmoreland. Parce que je suis toujours dans ma période Colette et vraiment, j’ai passé un moment merveilleux avec ce film, Keira Knightley fait une Gabrielle extraordinaire, j’ai adoré cette plongée dans l’entrée en écriture de l’autrice. Et les costumes sont d’une beauté rare.

5. Et enfin, deux séries, toutes deux sur Netflix :
L’Impératrice, qui nous raconte l’histoire de Sissi mais sans meringue et sur un ton plus réaliste. J’ai eu un peu de mal à suivre au niveau de la chronologie, le temps n’est pas très bien marqué, mais j’ai beaucoup beaucoup aimé cette jeune impératrice et sa soif de liberté, son histoire d’amour avec François-Joseph, les difficultés de leur couple. Et ses costumes. La robe de mariée, mais vraiment, elle est à tomber.
Les tribulations culinaires de Phil, dont je vous parlais le mois dernier et dont la saison 6 vient de sortir : je suis toujours aussi fan de la joie et de la gourmandise qui se dégage qui se dégage de cette série documentaire, avec une touche d’émotion puisque dans le dernier épisode il rend hommage à ses parents tous deux décédés au cours des saisons précédentes, et auxquels on s’était attachés. J’ai versé ma petite larme.

Et je ne vous parle pas bien sûr de tout ce qui m’a mise en joie niveau promenade et cuisine, avec le grand retour des plats à base de fromage fondu ! Et vous, qu’avez-vous aimé ce mois-ci ?

Claudine à l’école, de Colette : une jeune fille en fleurs

Je m’ennuie à l’école, fâcheux symptôme, et tout nouveau. Je ne suis pourtant amoureuse de personne. (Au fait, c’est peut-être pour cela.) Je fais mes devoirs presque exactement tant j’ai la flemme, et je vois paisiblement nos deux institutrices se caresser, se bécoter, se disputer pour le plaisir de s’aimer mieux après. Elles ont les gestes et la parole si libres l’une avec l’autre maintenant, que Rabastens, malgré son aplomb, s’en effarouche, et bafouille avec entrain. Alors, les yeux d’Aimée braisillent de joie comme ceux d’une chatte en malice, et mademoiselle Sergent rit de la voir rire.

Un jour, alors que je devais avoir douze ans, ma maman est revenue de la librairie avec deux livres : La Petite Fadette, de George Sand, qui m’a passablement ennuyée, et Claudine à l’école, que j’ai dévoré sur la plage comme en témoignent les grains de sable qui étaient encore collés contre les pages et se sont répandus partout sur mon canapé (il devait y avoir beaucoup de vent lorsque je l’ai lu, car il y avait vraiment beaucoup de grains de sable), et qui m’a illuminée. Et l’autre jour, soudainement mais pas sans raison (cela a un peu à voir avec le projet Adèle), j’ai eu envie de relire Colette, et en particulier ce roman, dans l’exemplaire qui m’a tant émue, même si le nom de Willy sur la couverture a tendance, aujourd’hui, à m’agacer. Bref.

Claudine à 15 ans : à l’école, elle fait partie des grandes et des meilleures élèves qui, en juillet, passeront leur brevet. Elle vit seule avec son père qui ne s’intéresse qu’aux limaces et lui laisse une grande liberté, et c’est une jeune fille vive, brillante, au caractère affirmé, ce qui la rend parfois insolente. Ce roman est celui de sa dernière année d’école, marquée par des émois amoureux extrêmement divers.

Il y a un plaisir sans nom à relire comme ça un roman que l’on a adoré 30 ans plus tôt, et à y rechercher les traces de la jeune adolescente qu’on était. Effrontée, insolente parfois, libre et assoiffée de liberté, indisciplinée, Claudine est également assez sûre du pouvoir qu’elle exerce sur les autres, ses camarades de classe, ses institutrices et les hommes, aussi : elle charme, séduit, flirte, et en même temps elle reste d’une grande candeur, ce qui la rend si attachante. Gentiment licencieux, je comprends que ce roman et son héroïne aient plu à l’adolescente que j’étais, d’autant que je crois qu’il a contribué à forger mon imaginaire. Ce que je comprends moins c’est pourquoi par la suite je n’ai pas continué à lire la série, alors que j’ai lu d’autres Colette. Je vais donc m’y atteler…

Claudine à l’école
COLETTE
Librairie Paul Ollendorff, 1900 (Livre de Poche)

7 femmes, de Lydie Salvayre : l’écriture, la vie

Sept folles.
Pour qui vivre ne suffit pas. Manger, dormir et coudre des boutons, serait-ce là toute la vie ? se demandent-elles.
Qui suivent aveuglément un appel. Mais de qui, mais de quoi ? s’interroge Woolf.
Sept allumées pour qui écrire est toute la vie. (« Tout, l’écriture exceptée, n’est rien », déclare Tsvetaeva, la plus extrême de toutes.) Si bien que leur existence perd toute assise lorsque, pour des motifs divers, elles ne peuvent s’y vouer.

Sept insensées qui, contre toute sagesse et contre toute raison, disent non à la meute des « loups régents », qu’ils soient politiques, littéraires, ou les deux,
et qui l’écrivent à leur façon.

J’ai trouvé ce volume dans une boîte à livres. Vous imaginez bien que je n’ai pas trop hésité à le prendre. Je n’ai même pas résisté du tout, vu le sujet : les femmes et l’écriture.

Il s’agit donc de sept portraits de femmes pour qui vivre et écrire, c’est la même chose : Emily Brontë, Djuna Barnes, Sylvia Plath, Colette, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Ingeborg Bachmann.

Un ouvrage nourrissant et inspirant, même si ces destins sont finalement assez tristes : des femmes qui ont du mal à trouver leur place dans un monde étriqué, qui veut les mettre dans des cases dont elles débordent. Des femmes pour qui l’écriture est vitale, essentielle, un élan qu’on ne peut pas contrôler. Des Impératrices. Bien sûr elles m’ont diversement intéressée, j’en ai totalement découvert certaines alors que d’autres me touchent toujours autant, Virginia Woolf, Colette. Quant à Sylvia Plath, son histoire me bouleverse autant que l’idée de me frotter à ses œuvres me terrifie, mais il est possible que le moment soit venu.

Un ouvrage très intéressant donc, si vous tombez dessus, n’hésitez pas !

7 femmes
Lydie SALVAYRE
Perrin, 2013