Stayin’ Alive, de Christian Moguérou

T’écrire me procure de la joie, il y a comme une jouissance avouée qui ponctue mes phrases. C’est le bonheur de l’écriture, celui qui me hisse, qui m’enveloppe, qui m’aide à ne pas céder à cette paresse si habile, si maligne, si présente depuis toujours. J’ai voulu être danseur classique pour la discipline et la souffrance, j’ai voulu être champion de tennis pour la gloire et pour Björn Borg, j’ai voulu être écrivain pour te faire rire et pleurer. 

J’ai rencontré Christian Moguérou l’été dernier, à l’occasion de la sortie de son livre co-écrit avec Pascal Bataille sur le Cap-Ferret. Evidemment, entre amoureux de ce bout de terre sauvage, on se comprend, et j’avais donc très envie de lire ce roman (qui ne se déroule pas du tout au Cap-Ferret, du reste), d’autant plus que comme le héros de ce roman, je suis née à la sortie de Stayin’ Alive (enfin à peu près, et je ne crois pas que ça ait eu une quelconque influence sur ma vie…)

Qu’est-ce qu’être vivant ? Faut-il mourir pour le savoir ? C’est l’expérience que fait Robin, né avec le tube des Bee Gees et dont le prénom est un hommage à l’un des frères Gibb, et dont le coeur lâche…

Le point de vue utilisé dans ce roman peut paraître déstabilisant, puisque son narrateur est mort — mais pas un fantôme, comme dans un roman de Didier van Cauwelaert, non, simplement, il est mort. Mais il pense (à ses parents, à son enfance, à sa femme, à sa fille…), il aime, il ressent, il a du chagrin, il pleure, et cela donne une étrange sensation, celle d’un roman débordant de vie et d’amour (et qui m’a fait penser à cette définition de l’érotisme par Bataille — l’autre, Michel —, « l’approbation de la vie jusque dans la mort »), de musique disco, d’écriture parce qu’elle est essentielle, et de souvenirs. Désespérant juste ce qu’il faut, mais surtout lumineux, et émaillé de trouvailles linguistiques superbes : une très belle découverte que ce petit roman, qui se dévore d’une traite, et réserve des choses surprenantes ! Parfait pour l’été !

(Et pour l’anecdote : vous saviez que le rythme de Stayin’Alive est un bon moyen de se souvenir du rythme à tenir lors d’un massage cardiaque ? Moi non, je l’ai appris grâce à cette lecture)

Stayin’ Alive
Christian MOGUÉROU
Erick Bonnier, 2018

Guide de survie au Cap Ferret, de Pascal Bataille et Christian Moguérou

Guide de survie au Cap-Ferret, de Pascal Bataille et Christian MoguérouTout comme le sable ne se laisse pas dompter, on ne conquiert pas le Cap Ferret. C’est lui qui décide de vous adopter et qui, alors, en un instant, peut vous charmer et vous séduire à jamais. Le Cap Ferret n’est ni un gigolo, ni une fille facile. Il ne se donne pas à tout le monde.
Si nombreux, heureusement, sont ceux qui sont passés sans rien voir et aussi vite repartis, déçus, convaincus d’avoir été victimes d’une publicité mensongère.
Dans le sable, leurs traces se sont vite évanouies.
C’est encourageant, le sable, les mauvais pas s’y effacent.

Laissons un peu de côté la rentrée littéraire pour aujourd’hui, et replongeons nous un moment, alors que déjà l’automne toque à la porte, dans les souvenirs estivaux — mon autre chez moi, mon Cap Ferret. Le souvenir d’une soirée littéraire à Côté Sable, l’hôtel de Pascal Bataille en face du Bassin, un verre de vin et la présentation de cet ouvrage évidemment fait pour moi !

Cet ouvrage se veut donc une sorte de guide initiatique pour entrer dans la secte des ferretcapiens, privilège qui est loin d’être donné à tout le monde. On y trouve donc les lieux mythiques, les personnages emblématiques, les us et coutumes (très codifiés, attention aux impairs), les sensations, les incontournables, afin de mieux comprendre l’esprit des lieux.

Evidemment, il s’adresse surtout aux amoureux de ce bout de terre sauvage qui ne se donne pas à tous, mais seulement aux chanceux qui sauront l’aimer ou l’apprivoiser, alors que d’autres repartiront déçus : les happy few savent, qu’il est impossible ici de marcher en talons hauts et que les espadrilles (mais jamais neuves) sont de rigueur, qu’on ne sert pas de plats chauds dans les cabanes à huîtres (ni de dessert), qu’il faut regarder les bateaux pour savoir si la marée monte ou descend et qu’elle est parfois facétieuse. Alors c’est une déclaration d’amour, parfois un peu exagérée, souvent drôle, parfois sarcastique, à l’occasion instructive même pour moi (sur le plan historique il y avait encore des choses que j’ignorais).

Pour celui qui aime les lieux, il se dégage de ces pages une nostalgie heureuse, celle des huîtres et de l’apéritif, des dunes blanches et des cannelés, du soir qui tombe et de la marée (ah ce spectacle fort drôle et gratuit que de regarder ceux qui se sont installés trop près du bord à marée montante, qui font la sieste et sont brutalement réveillés par une vague plus forte que les autres — je peux rire, cela m’est arrivé aussi), le sable qui s’insinue partout et nous suit à la maison, le Mimbeau à toute heure du jour. Evidemment, on aurait pu ajouter des chapitres : le si joli village de l’Herbe et ses cabanes ostréicoles colorées, les écrivains que j’aurais mis dans un chapitre à part tant il y a à dire ; il y a des points sur lesquels je suis moyennement d’accord. Mais. J’ai pris un plaisir fou à lire cette ode à notre Paradis…

Guide de survie au Cap Ferret
Pascal BATAILLE et Christian MOGUÉROU
Vents Salés, 2017