A l’époque, je n’avais pas pris la mesure de l’affront. Pour une raison qui m’échappait, je ne m’étais jamais considérée comme « la femme de », « la maman de ». Avant tout, j’étais « la fille de » et « la petite-fille de ». Je ne m’étais jamais considérée, non plus, comme un individu maître de ses choix, de son destin. J’étais le maillon d’une chaîne silencieuse, et je m’interdisais de la briser.
C’est le titre de ce roman qui m’a appelée. Reine. C’est un des mots qui figurent en bonne place sur mon tableau de visualisation. Remettre sa couronne. Reprendre son pouvoir (mon mot de 2023, même si on était encore en 2022 quand je l’ai lu). Et ensuite, le résumé : une histoire de femmes, de lignée familiale, de secrets qui empêchent de prendre sa place. Problématique sur laquelle je réfléchis beaucoup, en ce moment.
Sur un coup de tête, et alors qu’elle a d’autres choses à faire pourtant, Anna, qui vient de divorcer pour la deuxième fois, saute dans un avion pour aller voir sa grand-mère paternelle à Casablanca. Ce n’est pas explicable, mais elle sent qu’elle en a besoin pour comprendre ce qui se passe dans sa vie.
Voilà un magnifique premier roman, tout en délicatesse, émouvant mais aussi, parfois, drôle. Bouleversant, quand il est question de la vie de Mimi. Ce dont il est question ici, c’est des liens transgénérationnels : ces loyautés qui nous étouffent malgré nous, les secrets de famille qui orientent nos vies sans même qu’on le sache. Et que le meilleur moyen de se libérer, c’est de parler.
Une Reine
Judith ELMALEH
Robert Laffont, 2022