Deux-pièces, d’Eliette Abécassis

BikiniSes bras, ses jambes, presque potelés pour quelqu’un qui a vécu à Paris pendant la guerre, son ventre, ses épaules étaient exhibés aux yeux de tous, dans ces minuscules morceaux de tissus qui recouvraient tout juste ses seins, son sexe et la moitié de ses fesses. Elle s’avança devant le jury du concours de maillots de bain, en souriant, ses lèvres recouvertes d’un rouge à lèvre rubis, avec un naturel parfait, comme si tout était normal, comme si elle marchait dans la rue, vêtue d’un tailleur, la tête couverte d’un chapeau, selon l’usage.

Poursuivons notre découverte des premières fois de l’histoire, avec un événement qui devrait être de saison : l’invention du bikini, sujet qui peut sembler futile, mais ne l’est pas du tout.

Quelques mois après la Libération, à la piscine Molitor, a lieu un défilé de maillots de bain, à l’occasion duquel Louis Réard ose présenter une bombe : un deux-pièces, qu’il baptise « bikini », du nom d’un atoll du Pacifique où venait de se dérouler un essai nucléaire américain. A la bombe atomique, Louis Réard répond par la bombe anatomique ! Et c’est à l’occasion de ce défilé que Gaby, une journaliste de mode, et Antoine, qui travaille pour Réard, se retrouvent après avoir été séparés par la guerre.

Eliette Abécassis choisit, pour traiter son sujet, le mode fictionnel : le défilé de mode est la toile de fond de retrouvailles entre d’anciens amoureux qui se sont perdus de vue lors de l’Exode, pour une raison que l’on ne comprendra que dans les dernières lignes. Néanmoins, le sujet principal reste bien le bikini, beaucoup moins superficiel qu’il n’y paraît de prime abord, car ce petit bout de tissu (bien plus couvrant que ce que l’on porte aujourd’hui) marque un tournant dans l’histoire de la libération de la femme, peu après la Libération tout court. Et cette libération passe, bien sûr, par la libération du corps : en le dévoilant, en l’exhibant même, la femme s’émancipe. L’histoire du nom est d’ailleurs intéressante, et le slogan, la « bombe anatomique », bien plus qu’un jeu de mot : c’est aussi une philosophie, un acte de résistance par lequel la France (où ailleurs aurait-on pu faire défiler un bikini ?) réaffirme qu’elle est le pays de la liberté contre l’ordre moral, pour l’amour et pour les femmes. Bien sûr, en 1946 le chemin est encore long, mais nous devons à Louis Réard cette première pierre : ne plus devoir cacher notre corps considéré comme un objet de honte ! Je propose qu’on le panthéonise !

Un petit texte fort intéressant et salutaire, surtout par les temps qui courent !

Si ça vous dit, je vous propose d’en gagner un exemplaire. Pour cela, rien de plus simple :
1. Vous laissez un petit commentaire poli pour me dire que vous participez
3. Vous m’envoyez un mail avec en objet « Concours bikini » et dans lequel vous m’indiquerez votre nom et votre adresse complète (et éventuellement le pseudo sous lequel vous avez commenté, si vous en avez utilisé un) à irreguliere.blog[at]gmail.com
4. Tout cela avant jeudi 7 juillet à minuit !

Edit : concours terminé. C’est Cartonsdemma qui gagne l’exemplaire !

Deux Pièces
Eliette ABECASSIS
Steinkis Groupe / Editions Prisma, collection Incipit, 2016