
Jeff Koons est sans conteste l’un des artistes les plus influents mais aussi les plus controversés de ces dernières décennies. Imposteur pour les uns, génie pour les autres, une chose est sûre : il ne laisse pas indifférent. Et ses œuvres atteignent des sommes proprement inimaginables sur le marché de l’art contemporain.
Tout cela valait bien une rétrospective au Centre Pompidou, la première consacrée à l’artiste en Europe.
Tout est là, sous nos yeux, déployé sur l’immense plateau de la Galerie 1, qui offre en bonus un extraordinaire panorama sur Paris.
Organisée de manière chronologique de 1979 à nos jours, l’exposition est claire, aérée, et permet en un instant de capter l’essence de l’art de Koons, les lignes de force, les invariants, tout en mettant aussi l’accent sur les évolutions d’une série à l’autre depuis les premières œuvres conçues dans une veine héritée du Pop art et du ready made, aux œuvres actuelles dialoguant avec l’histoire de l’art et l’antiquité.
Le projet de Jeff Koons est, avant tout, d’interroger la société américaine et ses valeurs, de questionner le rêve américain, mais aussi de brouiller les frontières entre la culture d’élite et la culture de masse. C’est, aussi, un art qui se veut joyeux, ludique, créateur de bonheur. Tout en restant subversif, même si l’auteur s’en défend.
Comme c’est apparemment la mode, l’exposition dispose de son « cabinet noir » : un espace fermé, interdit aux moins de 18 ans, abrite la série « Made in Heaven », une série qui met en scène Koons avec la Cicciolina (Ilona Staller de son vrai nom), et qui s’intéresse à la sexualité grâce à une imagerie plus que kitsch, celle de la célèbre actrice porno (recyclée ensuite dans la politique, comme quoi…). Pas de quoi non plus s’affoler ni fouetter une chatte (désolée) : si, en effet, l’un des clichés (deux si l’on insiste vraiment) est clairement pornographique (je ne vous le montrerai donc pas), le reste des (peu nombreuses au demeurant) œuvres ici présentées n’a rien d’éminemment scandaleux.
Je ne saurais expliquer pourquoi, Koons me parle (pas directement : c’est une image, il n’a pas mon numéro de téléphone). Je me sens à l’aise face à ces oeuvres, alors que je suis souvent assez perplexe devant l’art contemporain. C’est enfantin, et assez parlant.
Et puis, il faut quand même insister sur le fait que le grand intérêt de cette rétrospective est qu’elle est avant tout une expérience : les oeuvres créent des effets de lumières et de miroirs dans lesquels elles se reflètent les unes les autres et se démultiplient à l’infini. Le spectateur lui même est pris dans cette réverbération, s’admire dans ces reflets. Les photographies, loin d’être interdites, sont au contraire encouragées et participent pleinement de la visite : le plateau devient alors le paradis du selfie et des poses cocasses au côté des oeuvres. L’art perd de sa sacralité, n’est plus intimidant : au contraire il devient jeu, et le visiteur artiste et oeuvre d’art lui-même. C’est une manière radicalement nouvelle de concevoir l’art et la muséographie, et ça fonctionne : je ne serais pas surprise que le succès de l’exposition soit en partie dû au déferlement de clichés sympathiques sur les réseaux sociaux. Je ne vous montrerai pas mes propres selfies (j’en ai un rigolo avec les easyfun parce que je l’ai fait en même temps qu’une autre visiteuse et nous avons exactement la même position) mais vous pouvez m’apercevoir sur certains clichés.
Inflatables – Flowers and bunny // 1979
Pre-New – « Toaster », « Hoover Celebrity III », « Teapot » // 1979-1980
Pre-new – « Toaster » // 1979
The new – « New Hoover Quik Broom, New Hoover Celebrity IV » // 1980
The new – vue d’ensemble
Equilibrium – « One Ball Total Equilibrium Tank » // 1985
Luxury and degradation – « Baccarat Crystal Cocktail Service Set » // 1986
Statuary – « Rabbit » // 1986
Banality – « Michael Jackson and Bubbles » // 1988
Banality – « Ushering in Banality » // 1988
Banality – « The christ and the lamb » // 1988
Made in heaven // 1989
Made in heaven – « Violet – Ice (Kama Sutra) » // 1991
Made in Heaven – « Bourgeois bust- Jeff and Ilona » // 1991
Celebration – « Balloon dog (magenta) » // 1994-2000
Celebration – « Balloon dog (magenta) » // 1994-2000
Celebration – « Hanging heart (red/gold) » //1994-2000
Celebration – « Moon (Light Blue) » // 1995-2000
Salle d’exposition dans le reflet de « moon »
Easyfun – « Giraffe », « Donkey », « walrus » // 1999–2000
Popeye – « Lobster » // 2003
Popeye – « popeye » // 2009-2011
Titi – “Titi” // 2004-2009
Antiquity – « Antiquity 3 », 2009-2011
Antiquity – « Pluto and Proserpina » // 2013
Gazing ball – « Gazing Ball (Ariadne) » // 2013
Voilà une exposition enthousiasmante et inspirante, très ludique, totalement kitsch, une exposition faite pour le visiteur qui n’est pas tenu à distance mais au contraire inclus dans la scénographie, et pour tous les publics, habitués ou non à l’art contemporain car elle se lit à plusieurs niveaux. Une exposition parfaite également pour les enfants, qui s’en donneront à coeur joie.
Leiloona l’a vue aussi et s’est beaucoup amusée également en matière photographique, même si elle est perplexe sur le contenu !
Jeff Koons – La rétrospective
Centre Pompidou – Beaubourg
Jusqu’au 27 avril 2015
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