Balzac et les artistes, à la maison de Balzac

Figurez-vous que je n’étais jamais allée visiter la maison de Balzac, et je serais bien en peine d’expliquer pourquoi. Mais mieux vaut tard que jamais, et l’autre jour j’ai profité de l’exposition Balzac et les artistes pour m’y rendre enfin, l’occasion aussi de visiter les abords de la maison et les collections permanentes.

C’est une petite maison nichée sur les coteaux de Passy, qui offre une très belle vue sur la Tour Eiffel, dont Balzac n’a néanmoins pas pu profiter : il a vécu ici entre 1840 et 1847 (sous un faux nom pour échapper à ses créanciers) et il est de toute façon mort en 1850. Mais c’est ici qu’il a corrigé l’ensemble de la Comédie Humaine, et écrit certains de ses chefs-d’oeuvres.

On accède à la maison par une rue en hauteur. Après avoir descendu un escalier à ciel ouvert, on se retrouve dans un jardin verdoyant et agréable. La maison, elle même, donne envie de s’y installer, tant elle semble calme et paisible :

Le premier étage (celui par lequel on entre) est consacré à Balzac lui-même et à son oeuvre monumentale, fruit d’une capacité de travail hors du commun. Portraits et statues du maître, présentation du « plan » de la comédie humaine et de ses personnages, fac-similé de toutes les versions d’un même manuscrit et textes sur le café qui lui permet de travailler 18h par jour. Le clou de la visite, le plus impressionnant est bien sur son cabinet de travail, et la table sur laquelle il a écrit ces romans que nous aimons !

A l’étage du dessous nous attend l’exposition Balzac et les artistes, dont le but est de démystifier un peu l’idée du génie créant seul, alors qu’il avait de nombreux échanges avec ses contemporains, notamment au cours de soirées littéraires : stimulants, ces échanges avec d’autres artistes (Delphine de Girardin, Lamartine, George Sand, Hugo, qui a prononcé son éloge funèbre) ont influencé son oeuvre… et inversement. L’exposition se termine par la manière dont Balzac a été représenté, par ses contemporains puis plus tard.

La canne de Balzac, qui a inspiré un texte à Delphine de Girardin
La canne de Balzac, qui a inspiré un texte à Delphine de Girardin

Une très jolie visite, que je recommande chaudement : il est toujours fascinant de visiter les lieux où ont vécu les grands artistes et les grands écrivains ; ici, on en apprend beaucoup sur l’homme mais surtout sur l’oeuvre et ses personnages, et ses liens avec ses contemporains.

Balzac et les artistes. Mythe et réalité
Jusqu’au 2 octobre 2016
Maison de Balzac
47 rue Raynouard – 75016 Paris

Balzac amoureux, d’Emmanuelle de Boysson

Balzac amoureuxDès sa plus tendre enfance, Balzac désire ardemment devenir célèbre et être aimé. A 22 ans, lorsque ses parents lui donnent la permission de passer deux ans à Paris dans une mansarde pour y écrire un chef-d’oeuvre, il est déjà Rastignac, rêvant de lauriers et d’une femme qui l’introduirait dans le monde. Il a surtout besoin d’être encouragé et se tourne vers celles qui peuvent l’admirer, le guider.

Après la vie amoureuse de Totor, penchons nous sur celle, non moins mouvementée, d’un autre génie de la littérature française et du XIXe siècle : Honoré de Balzac (dont Hugo a d’ailleurs écrit l’éloge funèbre).

Comme le précédent, ce petit ouvrage, richement illustré, constitue une biographie de Balzac à travers le prisme des femmes qui ont marqué sa vie : sa mère Laure (qui l’a mal aimé, ceci expliquant sa recherche constante d’affection et de maternage auprès des femmes qui traverseront sa vie), sa soeur adorée Laure et son autre soeur Laurence, Antoinette de Berny qu’il appellera toute sa vie Laure, Laure d’Abrantès, et quelques autres pour finir avec son grand amour, Madame Hanska.

Evidemment, cette récurrence du prénom Laure a de quoi interroger sur les choix amoureux de Balzac, qui semblent entièrement dominés par la figure maternelle. Mais cette dimension oedipienne n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant : ce qui fascine, chez Balzac, c’est la manière dont les femmes qui l’aime et son oeuvre sont étroitement liés. Par le thème amoureux, on entre en plein coeur du processus créatif balzacien, on comprend comment certaines figures sont à l’origine d’un ou de plusieurs personnages, notamment la fascinante Laure d’Abrantès que l’on retrouve plus ou moins voilée chez Foedora, la duchesse de Langeais ou Diane de Maufrigneuse (qui, je l’avoue, est mon personnage préféré de la Comédie Humaine). Et le rapport de Balzac aussi bien avec les femmes de sa vie que ses personnages est éminemment complexe : séducteur et dandy aux goûts de luxe et constamment assailli par les problèmes d’argent, il se sert d’elles pour combler ses dettes et évoluer dans la société ; en même temps, il est aussi, à une époque où ce n’est pas la mode, un défenseur de la cause féminine, et un pourfendeur du mariage qui rend les épouses malheureuses et prisonnières. Complexe, vous avez dit complexe ?

Finalement, ce que ce petit livre met en évidence, c’est la force vitale peu commune qui anime Balzac, et dont les deux faces sont la pulsion amoureuse et la pulsion créatrice, inséparables !

Balzac Amoureux
Emmanuelle de BOYSSON
Editions Rabelais, 2016