Montrez votre travail, d’Austin Kleon : se rendre visible en tant qu’artiste

Je voulais créer une sorte de mode d’emploi de cette façon de faire, et voici l’aboutissement de ma réflexion : un livre pour tous ceux qui ont horreur de se vendre. Une échappatoire, si vous préférez. Ma mission est de vous apprendre à voir votre travail comme un cheminement perpétuel, à le rendre intéressant aux yeux du public, et à gérer les hauts et les bas inévitables une fois que vous serez sous les projecteurs. Cet ouvrage fera ainsi de vous un vivier à idées, chez qui les autres viendront s’approvisionner.

J’adore Austin Kleon. Je le trouve extrêmement inspirant dans sa manière d‘aider les artistes à se nourrir et à se faire connaître. J’avais déjà lu ses deux premiers ouvrages, Voler comme un artiste et Partager comme un artiste, que j’avais dévorés au moment où commençait à émerger en moi l’idée du Voyage Poétique. Il me manquait le troisième, Montrez votre travail, et je trouve d’ailleurs assez amusant d’être tombée dessus alors que je suis justement à un carrefour concernant mes activités.

Dans ce petit ouvrage, la question à laquelle Austin Kleon cherche à répondre est : comment se rendre visible en tant qu’artiste ? La réponse est de montrer son travail, afin d’attirer à soi un public prêt à nous suivre, et de nouvelles opportunités.

Une lecture plaisante et inspirante, qui fourmille d’idées et de réflexions à la fois pertinentes et nourrissantes. Il parle par exemple de l’importance de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et de conserver son propre site et son blog, ce qui je l’ai déjà dit est aussi une de mes croyances solides. Il aborde aussi la question de l’inspiration et de partager ce qui nous inspire (et cela fait longtemps que je ne l’ai pas fait), de savoir (se) raconter, du flux entre donner et recevoir et du fait que l’argent n’est pas sale (deux points sur lesquels je travaille actuellement parce qu’il y a des blocages à ce niveau-là de mon côté), de la persévérance, et aussi de savoir se renouveler et prendre de nouvelles directions (je suis en plein dedans).

J’ai adoré ce petit livre que j’ai lu d’une traite, mais j’ai, néanmoins, trouvé qu’il y avait des redites par rapport aux deux autres (qui sont, cela dit, devenus introuvables), au point qu’à un moment je suis allée vérifier que je ne l’avais pas déjà lu. Mais j’y ai tout de même trouvé de nombreuses pistes de réflexion à creuser !

Montrez votre travail
Austin KLEON
Traduit de l’anglais par Audrey Favre
Pyramyd, 2018

En amateur…

Un amateur, étymologiquement, c’est quelqu’un « qui aime ».

Et je me demande comment on en est passé de ce verbe aimer à ce « je fais ça en amateur » sous-entendant « je ne gagne pas ma vie avec ». Je n’aime pas ce sous-entendu qui implique d’un côté que toute activité qui rapporte de l’argent est purement alimentaire (c’est mon cas actuellement mais j’espère qu’il est possible de gagner sa vie en faisant quelque chose qu’on aime) et de l’autre que ce qu’on aime ne doit pas nous rapporter de l’argent : on doit le faire gratuitement, pour le bonheur de le faire.

Cette idée est tellement ancrée dans la société (évidemment je parle ici du domaine artistique en général et des écrivains en particulier) que cela explique sans doute pourquoi la plupart des artistes sont si mal payés. On considère qu’ils font ce qu’ils aiment, ils ne voudraient pas en plus qu’on leur donne de l’argent pour le faire (ou du moins, trop d’argent). Bien sûr, la plupart des écrivains continueraient à écrire même s’ils n’étaient pas payés pour le faire (comme moi : je continue de travailler mes manuscrits même si je ne gagne pas un centime et que même ça m’en coûte). Ce qui ne veut pas dire qu’on ne doit pas, quand même, les payer pour le faire.

Au fond, je crois qu’on définit mal les termes, ou plutôt qu’on les a mal définis et qu’il faudrait enlever à « amateur » cette connotation de travail gratuit, bénévole (et parfois mal fait), et d’illégitimité (oui, souvent il y a une certaine condescendance quand on dit de quelqu’un qu’il est amateur). Que l’on cesse donc d’opposer les amateurs et les professionnels. D’abord parce que la valeur d’un artiste ne se mesure pas au fait qu’il gagne de l’argent avec son art et surtout… nous sommes tous, devrions tous être des amateurs, au sens beau et noble du terme : qui aime ce qu’il fait !

Partager comme un artiste, d’Austin Kleon : 10 façons de révéler sa créativité et de se faire remarquer

En fait, mon but est de vous amener à concevoir votre travail comme un processus continu et de vous montrer comment partager ce processus de manière à attirer vers vous les gens qui sont susceptibles d’aimer ce que vous faites. Je vais aussi vous apprendre à composer avec les critiques et les désagréments auxquels on s’expose quand on s’ouvre au monde et partage avec lui le fruit de sa créativité. Voler comme un artiste vous a appris à piquer des idées aux autres pour vous inspirer. Partager comme un artiste vous enseignera la méthode à appliquer pour inspirer les autres à piquer vos idées. 

Après avoir lu Voler comme un artiste, j’avais envie de continuer sur ma lancée avec ce deuxième ouvrage qui, finalement, m’a beaucoup plus intéressée car il me concernait plus, vu que je n’ai aucun problème pour trouver des idées, limite je songe à en vendre quelques unes, ni pour créer : mon problème c’est la phase d’après, celle de trouver son public. D’autant que la question du « lien aux autres » est au cœur du travail que m’envoie l’Univers en ce moment. Bref, comment faire connaître son travail ?

Austin Kleon nous a appris à voler les autres, il va maintenant nous apprendre à donner et partager, de manière à ce que finalement cela circule et donne un cercle vertueux. Il ne s’agit donc pas d’autopromotion ni de racolage, mais de faire en sorte qu’en partageant ses idées et son processus de création, on se construit un public, une communauté, un écosystème créatif, en profitant du fait qu’internet offre un large terrain d’action ! Pour Kleon, il faut donc partager, chaque jour, son travail, et notamment son processus créatif, carnets, scrapbooks, influences, inspirations, ébauches… que ce soit sur les réseaux sociaux ou… un blog !

J’ai beaucoup aimé ce livre à la fois drôle et inspirant car il rejoint en fait beaucoup de mes intuitions. Partager ce que j’écris, mes réflexions, mes inspirations, ce qui m’émerveille et est donc au centre de ma création (le sujet et l’objet), c’est ce que je fais déjà parce que j’ai toujours pensé que ça faisait partie du processus, en tout cas du mien, et j’aime beaucoup ce que Kleon écrit sur son blog : c’est à la fois mon bloc-notes, mon carnet de croquis, mon atelier, ma galerie d’art personnelle, ma boutique et ma salle de séjour. Absolument tout ce qui m’est arrivé de bien dans ma carrière a vu le jour dans mon blogue : mes livres, mes expositions, mes conférences ; certaines grandes amitiés existent parce que je me suis ménagé une petite place sur Internet. Un outil essentiel donc, pas pour se promouvoir au sens strict mais pour s’inventer, se construire et partager qui on est en tant que personne et en temps qu’auteur. Une sorte de storytelling.

Et le conseil le plus important : persévérez !

Un livre que je conseille à tout le monde, mais en particulier à ceux qui cherchent à partager leur travail et trouver leur public !

Partager comme un artiste : 10 façons de révéler sa créativité et de se faire remarquer
Austin KLEON
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Henri-Charles Brenner
Editions de l’homme, 2014

Voler comme un artiste, d’Austin Kleon : 10 secrets bien gardés sur la créativité

Primo : émerveillez-vous. Secundo : Invitez les autres à partager votre émerveillement. Il faut vous émerveiller de ce qui n’enchante personne. Si tout le monde se passionne pour les pommes, passionnez-vous pour les oranges. Plus vous partagerez ouvertement vos passions, plus votre travail touchera les autres. Il n’en va pas des artistes comme des magiciens : ils ne courent aucun risque à dévoiler leurs secrets. 

En ce moment, j’écris quelque chose qui n’a pas encore de contours bien définis sur la créativité. De manière somme toute logique (ou non, d’ailleurs) je me suis donc lancée parallèlement dans la lecture d’ouvrages sur le sujet que je n’avais pas encore lus et qui sont des références. C’est le cas d’Austin Kleon qui s’est notamment fait connaître avec ce petit ouvrage au titre un peu provocateur mais qui, en fait, propose plein d’idées non pas pour voler le travail des autres mais s’en nourrir, et libérer sa créativité.

10 chapitres, 10 conseils : Volez comme un artiste (c’est-à-dire qu’on ne crée jamais à partir de rien), n’attendez pas de savoir qui vous êtes avant de commencer (vous le découvrirez en chemin), écrivez le livre que vous avez envie de lire, servez-vous de vos mains (la création implique tout le corps), l’importance des activités parallèles et des violons d’Ingres, faites du bon travail et diffusez-le (idée qui sera reprise dans l’ouvrage suivant, dont nous parlerons mercredi), nous ne sommes plus prisonniers de la géographie, soyez aimable, soyez ennuyeux (!) et créer, c’est soustraire.

Vif, percutant, souvent drôle, illustré du travail d’Austin Kleon lui-même, ce livre fourmille de bons conseils et de réflexions intéressantes sur l’art et la créativité, notamment cette idée (qui est la mienne aussi) qu’il est important pour un artiste de travailler sur plusieurs projets car en fait cela rend les choses moins angoissantes (si on bloque sur le projet 1, on travaille sur le projet 2 ça évite de paniquer parce qu’on n’avance pas), et aussi qu’il est intéressant d’avoir des activités « annexes » qui ouvrent d’autres canaux.

A lire, ne serait-ce que par curiosité !

Voler comme un artiste : 10 secrets bien gardés sur la créativité
Austin KLEON
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Josée Thériault
Editions de l’homme, 2014

La vie d’artiste, de Catherine Ocelot : l’art du questionnement

Par exemple, je peux me dire qu’à chaque fois que je sors du métro, j’observe la teinte du ciel, je suis attentive aux odeurs et je note les souvenirs auxquels elles me renvoient. Ça me rend hyper focussée sur cette expérience et j’oublie la laideur de la bouche de métro […] J’aime être dans un contexte où tout est à explorer. On regarde avec beaucoup plus de curiosité un environnement qui n’est pas le nôtre… Comme lorsqu’on est en voyage, qu’on s’intéresse au mode de vie des gens, aux marques des produits, à une foule de détails… (Natacha)

Dans cette bande dessinée, Catherine Ocelot s’intéresse à ce que c’est qu’être un artiste, que ce soit dans sa vie quotidienne et ses rapports avec sa fille ou un amant, ou dans son rapport au monde. Elle interroge sept de ses amis, artistes comme elle mais dans des disciplines variées, pour l’éclairer…

Si le dessin des personnages est au départ tout à fait déstabilisant, on s’y attache très vite tant il concourt à ce qui fait la qualité et la richesse de cet album : une vraie originalité tant sur la forme que sur le fond. C’est à la fois drôle et sensible, et très intéressant car cela suscite de vraies réflexions sur le travail de l’artiste et sa place dans la société : ce que l’on veut faire, comment, les doutes, les agacements, les questionnements sans fin, les réussite et les échecs…

Bref, un travail très original et enrichissant, que j’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir !

La Vie d’artiste
Catherine OCELOT
La ville brûle, 2019

Le Journal d’un caméléon, de Didier Goupil

Le journal d'un caméléonLe seul problème qu’il rencontrait, c’est qu’écrire lui donnait aussitôt envie de fumer. Une irrépressible envie de fumer. Dès que l’encre se mettait à couler, il ressentait dans tout son être un urgent besoin de nicotine. Il lui arrivait de penser que si le monde avait été bien fait, l’un de ses doigts aurait fini par se transformer en une cigarette sur laquelle il aurait pu tirer à volonté. Mais le monde n’est pas bienfait, nul ne l’ignore, et s’il voulait allumer une petite sèche, il lui fallait retourner au fumoir. (ce roman étant sélectionné pour le très original « prix de la page 111, c’est celle-là que je cite).

Encore un roman qui a un artiste pour personnage principal. Mais cette fois, il ne s’agit pas d’un écrivain (encore qu’il écrive beaucoup), mais d’un peintre.

Suite à une rupture amoureuse, Cosme Estève, peintre, a tenter de se suicider. Depuis, il est en hôpital psychiatrique et passe ses journées à errer de sa chambre au fumoir, muni d’une boussole pour se repérer dans ce labyrinthe qu’est l’établissement. Mais aussi sa mémoire, et son esprit…

Alternant le présent de l’hôpital et le passé de Cosme, ce joli roman métaphorique et symbolique nous offre de magnifiques pages sur l’art, sur l’artiste, et sur sa fragilité face au réel qui le mène à la mélancolie voire à la folie, dépression, bipolarité. Cosme est un artiste, et se place sous le patronage d’inadaptés au monde comme Van Gogh, son être se fragmente, il est caméléon, aux multiples identités, comme Pessoa. Avec le motif du labyrinthe, on pense aussi, évidemment, à Borges : nourri de références, de motifs allégoriques, le roman démultiplie les interprétations, poussant le lecteur à s’interroger lui-même sur son identité. Dans ce texte troublant, les femmes sont à la fois fatales et Ariane guidant l’homme dans le labyrinthe, figures de l’amour et du destin d’un héros particulièrement attachant.

Un roman étrange mais réjouissant sur la vie d’artiste, à ne pas manquer !

Le Journal d’un caméléon
Didier GOUPIL
Le Serpent à plumes, 2015

RL201526/30
By Hérisson