Le désir triomphal

Cela fait longtemps que je n’avais pas fait d’Instant Poétique, mais depuis le 13 et jusqu’au 29 mars a lieu le Printemps des poètes, dont le thème est cette année le désir, un thème qui m’enchante évidemment. L’occasion de partager avec vous ce très beau poème d’Anna de Noailles…

Le désir triomphal, en son commencement,
Exige toutes les aisances ;
Il ignore le temps, le sort, l’atermoiement ;
Il exulte, il chante, il s’avance !

On serait stupéfait et transi de savoir,
Aux instants où l’amour débute,
Combien seront soudain précaires l’abreuvoir,
Le dur pain et la pauvre hutte !

Le cœur éclaterait comme d’un son du cor
S’il entrevoyait dans l’espace
Tant de honte acceptée humblement, pour qu’un corps
Ne nous prive pas de sa grâce…

Anna de Noailles, Poèmes de l’amour

Avoir l’âme qui rêve, au bord du monde assise…

Mon dernier projet en date (et qui a beaucoup de bras, on dirait Shiva) implique beaucoup de poésie. Il est question, comme toujours, d’habiter poétiquement le monde. Enfin je n’en dis pas plus pour le moment, mais à cette occasion, je suis retombée sur ce poème d’Anna de Noailles, « la vie profonde », et… c’est exactement ça. Mon projet, je veux dire. Enfin, pas complètement, vous verrez quand ça sera prêt. En attendant je partage avec vous le poème, au cas où vous ne le connaîtriez pas ou simplement pour le plaisir de le relire !

La vie profonde

Être dans la nature ainsi qu’un arbre humain,
Étendre ses désirs comme un profond feuillage,
Et sentir, par la nuit paisible et par l’orage,
La sève universelle affluer dans ses mains.

Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face,
Boire le sel ardent des embruns et des pleurs,
Et goûter chaudement la joie et la douleur
Qui font une buée humaine dans l’espace.

Sentir, dans son coeur vif, l’air, le feu et le sang
Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre ;
– S’élever au réel et pencher au mystère,
Être le jour qui monte et l’ombre qui descend.

Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise,
Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l’eau,
Et comme l’aube claire appuyée au coteau
Avoir l’âme qui rêve, au bord du monde assise