Amour(s) de Tess Alexandre et Camille Deschiens : la naissance des sentiments

Oui, Imane aimait Alba. Depuis le début, depuis les premiers regards émerveillés, depuis le premier éclat de rire partagé, depuis la première soirée passée ensemble, à l’abri de tout. Mais l’embrasser, être avec elle, le montrer au monde, c’était aussi accepter de se reconstruire entièrement. Et ça, Imane n’y avait pas pensé une seule fois avant de tomber amoureuse. C’était arrivé, c’est tout.

Imane. Lise. Gaël. Cléo. Fatia. Maä. Marco. Nine. Safia. Rebecca. Joshua. Solal. Jo. 1″ personnages qui viennent de tomber amoureux, découvrent les sentiments, le désir, se découvrent eux-mêmes et la force transformatrice de l’amour. Doutent, se posent des question parce que leur amour n’est pas celui qu’ils attendaient, celui que la société attendaient. Mais, toujours, ce ravissement.

Un magnifique album. Des textes courts, comme autant d’instantanés d’amour poétiques et vertigineux. Ici, les amours sont plurielles et vont au-delà des préjugés, et c’est infiniment beau. Les textes sont d’une grande douceur, et parviennent merveilleusement à mettre des mots sur ce qui nous traverse lorsque les sentiments naissent, qu’on est tout chamboulé et qu’on sait qu’après ça, on ne sera plus jamais le même. Quant aux illustrations, elles sont elles aussi d’une beauté infinie, et servent magnifiquement le propos.

Bref, une petite pépite à mettre entre toutes les mains (à partir de 15 ans) pour interroger l’amour, le désir et la sexualité.

Amour(s)
Tess ALEXANDRE et Camille DESCHIENS
Les éditions des éléphants, 2022

Le monde secret d’Adélaïde, d’Elise Hurst : réenchanter le monde

Une fois rentrée chez elle, la tête remplie de leurs histoires, Adélaïde travaille jusqu’à tard dans la nuit, recueillant une petite parcelle du monde pour en faire la sienne. Mais il lui manque toujours quelque chose.

Adélaïde est une solitaire contemplative. Elle passe sa vie à regarder le monde, sans y participer vraiment, jusqu’au jour où un grand orage métamorphose tout…

Un album rempli de poésie et de grâce, à la fois mélancolique et merveilleux, qui nous parle de la solitude, du lien, et de réenchanter le monde. Les illustrations d’Elise Hurst sont absolument magnifiques, elles ont quelque chose d’un peu désuet dans la manière de représenter les animaux, qui nous transporte ailleurs, et c’est merveilleux. Je me suis bien évidemment beaucoup reconnue dans la nature rêveuse et créatrice d’Adélaïde, qui est une figure d’artiste, tout comme renard.

Un très bel album à offrir !

Le Monde secret d’Adélaïde
Elise HURST
Traduction de Christiane Duchesne
D’Eux, 2017

Des mots en fleurs, de Marie Colot et Karolien Vanderstappen : jardin poétique

Sous son parapluie, Monsieur Mots ouvre son livre à la page un, encore vierge. « Au travail ! » Au creux d’une tulipe, il cueille un premier mot : poème. Il le couche sur le papier et s’en va récolter les mots d’amour et de colère, vieillots et ultra-scientifiques, tordus et à rallonge, latins et étrangers, sans oublier les mots laids et coquets, rares et à la mode.

Cela fait presque un mois que je piaffe de pouvoir vous parler de cette petite merveille ! Un petit album pour enfants, qui ravira le poète qui sommeille (ou non) en chacun de vous.

Avec cet album, nous partons à la découverte de Monsieur Mot et de son jardin merveilleux où, au fil des saisons, il cultive avec amour des fleurs qui recèlent des mots…

Une merveille de poésie, de délicatesse, de beauté, que ce soit dans le texte de Marie Colot ou dans les illustrations de Karolien Vanderstappen. Un livre plein de fantaisie, d’inventivité (une larmoire pour ranger les chagrins : est-ce que ce n’est pas magnifique ?) qui donne le sourire et envie de cultiver des fleurs à mots.

Offrez-le, à vous, à un enfant, à un jardinier, à un poète : c’est exactement le genre de petites pépites douces et généreuses dont le monde a besoin !

Des Mots en fleurs
Marie COLOT et Karolien VANDERSTAPPEN
Cotcotcot éditions, 2021

Les Amours, d’Agathe Sorlet / Une histoire d’amour, de Lorraine Sorlet : deux albums amoureux

Les histoires d’amour sont toutes uniques, pourtant il y a toujours quelque chose qui les rassemble. C’est l’histoire universelle de ceux qui s’aiment. (Lorraine Sorlet)

C’est l’automne, mais pas un bel automne ensoleillé et illuminé par les couleurs éclatantes des feuilles mortes : non, c’est un automne tout moche, tout gris, et les feuilles ne veulent pas mettre leur jolie parure. Bref, un temps à rester cocooner à la maison sous un plaid, avec une jolie lecture réconfortante. Et sur ce dernier point j’ai exactement ce qu’il faut pour redonner le moral à tout le monde.

Agathe Sorlet et Lorraine Sorlet sont sœurs, jumelles, illustratrices et leur sujet, c’est l’amour, dont elles donnent chacune leur vision dans ces deux albums jumeaux qui paraissent simultanément.

Dans Une histoire d’amour, Lorraine Sorlet nous invite à regarder se dérouler une histoire : te rencontrer, te câliner, t’embrasser, t’aimer (tout simplement). Le dessin est simple, rond, chaleureux : on se sent dans cet album tout en poésie et en symboles (et même pour moi en synchronicités) comme dans une bulle de tendresse et d’amour, un amour simple fait de petits gestes. Comme les petits chats on a envie de se serrer au chaud contre quelqu’un. L’album nous raconte une histoire universelle, et cela donne le sourire.

Les Amours d’Agathe Sorlet explore toutes les nuances de l’amour : l’amour câlin, l’amour brûlant, l’amour sauvage, l’amour ami, l’amour coquin, l’amour de soi. Majoritairement en rouge et rose, le dessin, épuré et fin, à la fois très doux et tendre et très caliente par moments et j’ai adoré la manière dont les corps se serrent et se fondent l’un dans l’autre, dont les amoureux se touchent et s’embrassent.

Les deux univers sont différents, mais ces albums jumeaux se répondent tissent des liens avec une grande tendresse, et les regarder (il n’y a pas de texte : toutes les émotions passent exclusivement par l’image) un dimanche après-midi pluvieux, bien enroulé dans un plaid, est une joie absolue !

Les Amours
Agathe SORLET
Une Histoire d’Amour
Lorraine SORLET
Robert Laffont, 2020

L’Odyssée, d’après Homère et illustré par Manuela Adreani : voyage extraordinaire

Ô muse, raconte-moi l’histoire du roi Ulysse, l’homme aux mille ruses qui voyagea sur terre et sur mer après avoir combattu et détruit la ville de Troie. Il visita de nombreuses villes et rencontra de nombreux peuples. Pendant son long voyage; il affronta de grands dangers pour sauver ses camarades et revenir à Ithaque, l’île dont il était le roi. Là, il retrouverait son épouse Pénélope et son fils Télémaque. 

L’autre jour je suis tombée par hasard sur cet album, et je l’ai acheté pour faire un cadeau. Làs, pour une question de manque d’organisation de ma part, je n’ai pas encore pu faire le cadeau, et je me suis dit que cet album, j’allais le lire.

Le texte est une véritable adaptation (par Giorgio Ferrero) d’Homère, au sens où contrairement à ce qu’on voit beaucoup il respecte la structure narrative complexe de l’épopée. L’histoire commence donc alors qu’Ulysse est prisonnier de Calypso, et qu’Athéna encourage Télémaque à partir à sa recherche. Libéré par la nymphe, Ulysse échoue chez les Phéaciens, et leur raconte son histoire.

Un bien bel album, qui permet une première approche de qualité de l’extraordinaire histoire d’Ulysse. Outre la qualité du texte et son respect de l’original, j’ai beaucoup apprécié les illustrations de Manuela Adreani, qui sont d’une grande douceur et d’une grande poésie, et m’ont un peu rappelé les graphismes de la série Les Grands mythes. Et à titre personnel, l’Odyssée a un rôle essentiel dans mon premier roman, et je vois donc cet album comme un petit clin d’œil !

Bref : une belle réussite, aussi bien littéraire qu’esthétique ! Je n’y connais rien en enfant donc ne me demandez pas pour quel âge, mais en tant qu’adulte j’y ai pris beaucoup de plaisir.

L’Odyssée
Adapté d’Homère par Giorgio FERRERO et illustré par Manuela ADREANI
L’imprévu, 2017

Amour, de Matt de la Peña et Loren Long : tout conjugue le verbe aimer

Les étoiles brillent longtemps après s’être éteintes, dit-elle, et leur scintillement, c’est l’amour. 

Pour des raisons évidentes je ne lis pas habituellement d’albums pour les enfants, sauf quand je fais une exception, et là, avec ce titre, j’ai été obligée de faire une exception.

L’album s’adresse à un « tu », celui d’un enfant, qui à chaque page est différent tout en restant le même. Et il lui raconte toutes les manières dont l’amour est présent et se déploie dans le monde — car l’amour est partout !

Un album d’une beauté, d’une douceur, d’une poésie infinies pour apprendre aux enfants ce qui est le plus important au monde : l’amour, ce qui nous nourrit, ce qui nous rassure, dans sa dimension universelle : les personnages d’enfants (et d’adultes) qui sont représentés dans ces pages sont très divers, tout comme les situations qu’ils vivent et… c’est beau !

L’Amour
Matt DE LA PEÑA et Loren LONG
Traduction Paule Brière
D’eux, 2019

Merveilleuses couleurs de Nathalie Béreau et Michael Cailloux : plein les yeux

Les albums pour enfants, ce n’est pas trop mon domaine. Mais les jolies choses, si, et comme on approche de la période de Noël et de la recherche des cadeaux, je n’ai pas résisté à celui-ci.

Chaque double page, illustrée par Michael Cailloux, est consacrée à une couleur, et chacune constitue un tableau de végétaux et animaux, connus ou moins. Parmi eux se cache un intrus, qu’une petite devinette créée par Nathalie Béreau permet de retrouver.

Difficile d’exprimer l’émerveillement que procure le feuilletage de cet album : une explosion de couleurs, des tableaux oniriques d’une poésie rare dans lesquels on a envie de se plonger, un régal pour les yeux et pour l’âme, une invitation à la contemplation méditative ! Hypnotique, fascinant, Merveilleuses couleurs est bien plus qu’un album pour enfants, mais une promenade au pays des merveilles.

Un exemple avec la couleur rouge, qui m’est chère :

Merveilleuses couleurs de Nathalie Béreau et Michael Cailloux : plein les yeuxMerveilleuses couleurs
Nathalie BÉREAU et Michaël CAILLOUX
Thierry Magnier, 2018