L’Odeur de la colle en pot, d’Adèle Bréau : parfum de nostalgie

En sortant dans la rue, les lumières qui clignotaient m’ont soudain paru moins tartes. J’ai souri parce que tout à coup, ça paraissait possible, le bonheur. Je me rendais bien compte que, plus encore que d’habitude, je pouvais passer du désespoir absolu à la félicité la plus totale, comme ça, en quelques minutes. Ça m’arrivait tout le temps, en ce moment. Et si ça « éreintait » maman, comme elle le disait en soupirant, c’est pour moi que c’était le plus compliqué. 

Le fait est : je n’éprouve strictement aucune nostalgie vis-à-vis de mon adolescence, au contraire, et mes années collège ont été plus ou moins un enfer pour moi (au lycée ça allait mieux) : j’avais très peu d’amis (et l’une des seules amies que j’avais, avec le recul je vois bien qu’elle passait son temps à me rabaisser), j’étais souvent moquée parce que j’étais une bonne élève et que c’était mal vu car synonyme de « ennuyeuse à mourir », c’est à cette époque que je suis passée de « crevette » à « fille pulpeuse » (on va le dire comme ça mais ce n’est pas trop ce que j’entendais) et ça ne m’a pas aidée à me sentir bien, et ne parlons même pas des garçons, pour eux je n’existais carrément pas, sauf éventuellement lorsqu’ils avaient besoin de moi pour faire leurs exercices d’anglais. Alors je sais bien que, comme le dit Edouard Louis, la souffrance est totalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître. Mais le fait est qu’à première vue, il n’y avait aucune raison pour que j’aie envie de lire ce roman, qui allait me replonger dans des mauvais souvenirs que je n’avais pas forcément envie d’examiner. Mais, peut-être que c’est là la raison de mon choix, justement…

Une nouvelle vie commence pour Caroline (tiens tiens) en septembre 1990 : fraîchement débarquée à Paris pour que son père puisse être plus proche de son travail, elle entre en quatrième au lycée Carnot. La fin de l’enfance, les tempêtes émotionnelles de l’adolescence, les amis, les premières expériences amoureuses, le délitement du couple parental : cette année va être un tournant dans sa vie.

Il s’agit-là d’un très très beau roman, empreint de douceur et de mélancolie, qui rend parfaitement bien cette époque, et qui a eu sur moi un effet cathartique, et très probablement c’est ce que j’y cherchais : j’imagine que chacun le vivra à sa manière selon ses propres souvenirs, moi globalement il m’a beaucoup fait pleurer, pour des raisons différentes mais surtout, finalement, sur la nostalgie de ce que je n’ai pas connu (un concept intéressant, d’ailleurs, ça ferait un joli titre). Et je crois que ça m’a fait beaucoup de bien. Et depuis, je n’arrête pas de sniffer la colle en pot, que normalement on n’utilise plus au collège, sauf Caroline.

Bref : une très belle plume à découvrir !

L’odeur de la colle en pot
Adèle BRÉAU
Lattès, 2019