Anti-guide de la mode – Manuel de survie vestimentaire, de Charlotte Moreau

Anti-guide de la mode Charlotte MoreauVous me connaissez : je suis une grande amatrice de mode, et parmi les quelques blogs dédiés aux fillasseries que je consulte régulièrement, il y a celui de Balibulle, aka Charlotte Moreau, dont j’aime le style (même si nous n’avons pas le même) et surtout l’humour. Aussi, lorsqu’elle a sorti chez J’ai Lu ce petit ouvrage détonnant, dans la collection Humour dont je vous avais parlé lorsqu’elle a été lancée l’an dernier, je n’ai pas pu résister. D’autant que ça me permet, au passage, de réanimer ce pauvre challenge « Read me, I’m fashion« .

Le parti pris est celui du décalage. N’espérez pas, ici, apprendre comment vous habiller, au hasard pour une inauguration du salon du livre ou un bal à l’Elysée. Il y a d’autres guides pour ça. Par contre, si vous souhaitez apprendre comment marquer les esprits à la sortie de l’école ou dans une boutique de luxe (négativement il va de soi), décrypter le vocabulaire des modasses, prendre 20 ans en 5 min, réagir au mieux si une femme porte la même robe que vous en soirée, devenir un prédateur dans le métro ou connaître la théorie de la relativité du sac à main, c’est pour vous !

Je crois que cela fait longtemps que je n’avais pas autant ri. Beaucoup d’auto-dérision, de second degré, d’ironie même, font de cet anti-manuel une parfaite arme contre la morosité ambiante. Mais en même temps, Charlotte l’air de rien met souvent dans le mille pour se moquer de quelques petits travers ou problèmes récurrents comme celui de la cabine d’essayage, « Cimetière de vos illusions, chambre des supplices n’ayant rien à envier aux donjons médiévaux, et inexplicablement tolérée au XXIe siècle », ou décrypter les intox qu’essaie de nous faire ingurgiter à grands renforts d’articles ronflants la presse féminine, comme le « less is more » qui demande finalement plus de boulot que le glamour.

Posologie : soit en dose massive (tout le livre d’un coup, il est court), soit à raison de quelques pages par jour pendant une semaine. Et il n’y a même pas besoin d’être une fanatique de mode pour apprécier !

Anti-guide de la mode – Manuel de survie vestimentaire
Charlotte MOREAU
J’ai Lu, 2014

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Manifeste : L’Élégance, de Nathalie Rykiel (et ses invités)

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J’aime que l’élégance soit polysémique. Que ce soit une gageure de la définir. Que le mot soit à tiroirs. Le dessus de la commode, finalement, m’intéresse peu. L’élégance comme art de la mise, de la « belle mise ». La « bien boutonnée », celle sur qui les choses glissent… Il faut plonger dans les tiroirs du dessous pour découvrir que, si elle est une aptitude à l’apparence, si elle relève de l’exercice du goût, l’élégance touche aussi à la socialité et à la morale. 

L’élégance est l’un des mots de la langue française les plus difficiles à définir. A quoi tient-elle ? A un rien. Une démarche, une allure, un sourire, un mot, une attitude. Chacun, finalement, possède sa propre définition, sa propre vision, et c’est ce que nous montre ce très joli livre qui sort aujourd’hui, en pleine fashion week (et ce même si l’élégance n’est pas uniquement vestimentaire).

Après une introduction dans laquelle Nathalie Rykiel nous livre sa propre définition de l’élégance, une définition à la fois esthétique et éthique, la parole est laissée aux personnalités d’horizons divers : chacun, avec ce qu’il est, et en particulier fort de son métier et de son expérience, va nous faire part de ses réflexions sur le sujet. L’historien de la mode Olivier Saillard, la danseuse Sylvie Guillem, la photographe Valérie Belin, le dramaturge Arthur Nauzyciel, le pâtissier Pierre Hermé (et sa recette de tarte infiniment vanille), le jardinier Pascal Cribier, le mathématicien Cédric Villani, la chanteuse et comédienne Izïa, la « B dessineuse » Claire Brétécher, l’écrivain Emmanuel Carrère : toute une cohorte éclectique de personnalités connues ou moins connues, et pas forcément les plus attendues sur le sujet. En fin d’ouvrage, Nathalie Rykiel interroge les femmes de son entourage, sa mère et ses filles. L’ensemble est illustré par Vahram Muratyan (et quelques dessins de Sonia Rykiel).

C’est amusant en tout cas que cet ouvrage sorte à l’occasion de la fashion week car il est finalement bien peu question de vêtements, même si fort logiquement Nathalie Rykiel est conduite à parler des vêtements Rykiel. Mais il est surtout question de grâce, d’harmonie, d’allure, de mouvement. Les textes des uns et des autres entrent en résonnance. J’avoue que l’élégance des mathématiques a largement échappé à mon cerveau de dyscalculique, par contre la plupart des photos m’ont fait rêver. Néanmoins, mon coup de cœur va, bien sûr, à Emmanuel Carrère, qui a l’audace de proposer un texte où se côtoient saint Luc  et la masturbation féminine sur les sites pornographiques, tout en arrivant finalement à retomber sur l’élégance, dans un texte absolument fascinant, charnel, puissant (et qui lui ressemble de manière extraordinaire).

Ce livre et donc un très bel objet à feuilleter, à lire, à mettre sur la table basse, plein de découvertes et de jolies choses, qui donne envie de réfléchir soi-même sur le concept. Résultat de mes élucubrations demain !

Manifeste : L’élégance
Nathalie RYKIEL (et ses invités)
Autrement, 2013

L’Évangile profane, de la comtesse de Tramar

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Nouvelle curiosité : ce petit ouvrage, qui date de 1905, et qui est orné de magnifiques planches en couleur ainsi que de nombreuses illustrations en noir et blanc. Inutile de vous dire que j’y tiens beaucoup.

Il s’agit en fait d’une histoire de la parure féminine (costume, bijoux, coiffure, cosmétiques, parfums) et c’est bien pour cette raison que je l’avais acheté à l’époque de mes recherches sur le sujet. Très bien documentée et précis, bien écrit, cet ouvrage (si vous arrivez à le dénicher) sera très bien au rayon « mode » de votre bibliothèque !

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Et Dior créa la femme, de Francis Huster

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Ce chemin initiatique qui l’a mené à la gloire, Christian Dior l’a suivi jusqu’au bout. Avec un courage, une volonté et une lucidité exemplaires. De superbes livres avec des photos plus sublimes les unes que les autres ont été écrits sur lui. Des biographies fouillées et respectueuses ont aussi été publiées. Et je ne prétends pas écrire à mon tour sur lui mais bien pour lui. Pour lui dire en ce roman songe pourquoi il est l’un des hommes remarquables qui font l’honneur et la gloire de la France.

Vous me connaissez, je ne résiste pas aux ouvrages qui parlent de mode, en particulier lorsqu’il s’agit de Coco Chanel, d’Yves Saint-Laurent ou… de Christian Dior, dont j’ai toujours admiré la manière de mettre la féminité en valeur. Il faut dire aussi que, c’est un signe, ayant les mêmes initiales que lui, mon monogramme est le même que le sien, ce qui, on est bien d’accord, est le chic ultime. Comme j’aime aussi beaucoup Francis Huster, cet ouvrage ne pouvait pas décemment m’échapper.

Difficile de le résumer. Il ne s’agit pas d’une biographie, mais d’un portrait, consacré largement aux dernières années de la vie du créateur, et au cours duquel l’auteur, tout en faisant l’éloge du génie, fait aussi son propre portrait.

Il y a dans ce livre des pages lumineuses sur la création, le génie qui a su mieux que personne sublimer la Femme, sur la sensualité qui se dégage de ses robes, mais aussi sur l’homme, fragile et plein de failles, mais déterminé à prendre son destin en main. Il y a beaucoup d’amour, pour Christian Dior, mais aussi pour la féminité, celle qui s’assume. La couture est ici vue comme un art, Huster tisse de nombreux parallèles avec la littérature et le théâtre, Dior devenant alors tour à tour le Racine, le La Fontaine et le Jouvet de la mode. Il y a donc ici de très belles choses, très touchantes, dans une progression rhizomatique et non chronologique. L’idée centrale est celle des liens, des coïncidences qui relient le destin de Huster et celui de Dior (ou l’inverse) : des dates, des lieux, des gens — l’idée est jolie. Malgré tout, c’est parfois, malheureusement, un peu tiré par les cheveux et artificiel, et c’est à mon sens le défaut de ce qui aurait pu être un magnifique livre, qui du coup n’est que très bon (ce qui est déjà pas mal) : Huster, notamment au début, nous parle un peu trop de lui, de ses souvenirs d’enfance, de sa maman couturière, de son copain Patrick Dewaere, mais de manière pas tout à fait assumée, puisqu’il le fait sous couvert de parler du couturier. Du coup, l’ensemble manque parfois d’équilibre, de cohérence, et finit un peu par tourner en rond.

Néanmoins, malgré ces défauts, je le recommande chaudement à ceux et celles qui ont envie de rêver poétiquement sur le destin et les création de celui qui reste sans aucun doute l’un des plus grands maîtres de la Haute Couture !

Et Dior créa la femme
Francis HUSTER
Cherche-Midi, 2012

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Coco Chanel, de Pascale Frey et Bernard Ciccolini

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Cela fait longtemps que je n’ai pas parlé de bande dessinée. Il faut dire que j’en lis finalement assez peu. Mais celle-ci ne pouvait pas m’échapper bien longtemps, vu son sujet, sachant que je voue un culte à Chanel, mon pseudonyme en est témoin, et que je lis à peu près tout ce qui paraît la concernant. C’est aussi l’occasion de ressusciter un peu mon challenge Read me, I’m fashion que tout le monde a tendance à oublier, moi la première.

L’histoire commence en 1895, lorsque, Gabrielle Chanel alors âgée de 12 ans et ses sœurs sont abandonnées par leur père à l’orphelinat d’Aubazine après le décès de leur mère. Cette épisode fondateur, Chanel n’aura de cesse toute sa vie de l’occulter. Comment alors a-t-elle pris son destin en main, afin de devenir l’une des personnalités les plus marquantes du XXème siècle ?

La gageure de cette BD, c’est de parvenir à raconter l’existence plus que mouvementée de Chanel en l’espace de 80 pages : je l’ai dit mille fois, Chanel n’a pas eu une vie, mais un destin digne d’une héroïne de roman, et c’était donc un pari fou de condenser ce foisonnement. Et c’est réussi, au prix parfois de quelques raccourcis et du sacrifice de quelques épisodes, mais on ne saurait en tenir rigueur aux auteurs tant l’ensemble tient la route. L’accent est mis ici sur le sens du style semble-t-il inné chez Gabrielle, et surtout sur ce qui fera l’essence de sa marque : la simplicité chic. Le climat intellectuel, culturel et artistique dans lequel la créatrice a tant aimé baigner est également parfaitement mis en avant. Les dessins sont magnifiques, ressemblant parfois plus à des aquarelles qu’à des vignettes de bande dessinée, le rythme est vif et rapide, c’est un vrai plaisir de lecture.

En bref, une belle réussite, qui conviendra peut-être plus à ceux qui ne connaissent pas du tout la vie de Chanel, les autres risquant un peu de se sentir frustrés en plus de ne rien apprendre de nouveau, mais pour ma part j’ai beaucoup apprécié ce livre qui va rapidement rejoindre ma table basse !

Coco Chanel
Pascale FREY et Bernard CICCOLINI
Naïve, 2013, collection « Grands destins de femmes »

Logo BD Mango Noir

By Mango

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Kabuki, costumes du théâtre japonais

Je n’étais pas revenue à la fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent depuis son ouverture en 2004, avec la magnifique exposition sur le dialogue avec l’art dont je vous ai déjà parlé. A l’époque, monsieur Saint-Laurent était encore vivant, et c’est donc avec une certaine émotion que je suis revenue dans ces lieux où son âme semble encore si présente. A vrai dire, je n’avais pas prévu d’aller voir cette exposition jeudi, mais dans les couloirs du métro à Austerlitz mon attention a été attirée par une grande affiche annonçant son ouverture. J’aime le théâtre, j’aime les costumes, j’avais très envie de revenir à la fondation, et je ne connais rien au Japon : autant de bonnes raisons de me rendre sur place et de bousculer mon programme, qui ne demandait que ça de toute façon !

Le kabuki est une forme théâtrale traditionnelle qui est très populaire au Japon, et qui se compose essentiellement de chant, de danse et de jeu d’acteur. Depuis 2005, cet art appartient au « Patrimoine oral et immatériel de l’humanité » de l’UNESCO. Il est exclusivement joué par les hommes, ce qui rend donc le costume primordial, puisqu’il doit permettre de différencier au premier regard les rôles masculins et les rôles féminins, mais pas seulement : très codifié, il révèle la personnalité et le statut du personnage qui le porte, puisqu’à chaque type de rôle correspond une forme, des couleurs, des symboles, des accessoires et un maquillage. De plus, la coupe du costume influe sur le jeu de l’acteur, l’obligeant à un certain type de mouvements.

Au vu du rôle essentiel du costume dans le théâtre Kabuki, il n’est donc pas incongru de lui consacrer une exposition, au contraire. Grâce à un prêt de la société japonaise Shôchiku costume, le public de la fondation peut donc découvrir une trentaine de costumes ainsi que de nombreux accessoires, encore utilisés de nos jours pour les représentations. L’exposition propose aussi des captations de représentations, assez impressionnantes, et des oeuvres graphiques.

L’exposition en elle-même se divise en trois parties : la première regroupe les costumes de cinq des pièces les plus emblématiques et les plus connues du répertoire (avec notamment un impressionnant kimono à manches très larges, installé sur un plateau tournant, qui m’a laissée bouche-bée). La seconde est consacrée aux costumes de danse. La troisième enfin est consacrée aux pièces les plus anciennes, qui ne sont plus utilisées aujourd’hui.

J’ai été très favorablement impressionnée par cette exposition, grâce à laquelle j’ai appris beaucoup de choses sur le Japon et l’univers du Kabuki. Evidemment, la surface d’exposition de la fondation n’étant pas immense, cela limite les possibilités scénographiques et perturbe un peu le plaisir lorsqu’il y a du monde, mais c’est vraiment une exposition très intéressante et esthétiquement admirable, que je vous conseille vraiment.

Malheureusement, les photos sont interdites à l’intérieur donc si vous voulez en voir quelques unes vous pouvez télécharger le dossier de presse (mais vous n’aurez pas la scénographie). Quant à moi, je me suis contentée de photographier l’extérieur :

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Kabuki. Costumes du théâtre japonais

Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent

5 avenue Marceau / 3 rue Léonce Reynaud (Paris 16°, métro Alma-Marceau)

Du 7 mars au 15 juillet 2012

 

Périodiquement rouge

Jeudi, je suis allée au musée des Arts décoratifs. Mais comme parfois je suis un peu dans la lune, je me suis trompée de jour : je voulais voir l’exposition Louis Vuitton-Marc Jacobs, mais elle n’ouvrait que vendredi au public, et malgré mon statut de blogueuse influente et mon charme légendaire, je n’ai pas réussi à entrer sans carte de presse. Je me suis donc rabattue sur une autre exposition fashion qui avait lieu quelques dizaines de mètres plus loin, à la bibliothèque des Arts Décoratifs, où je n’étais jamais entrée.

L’exposition (gratuite) qui était proposée portait sur les revues de mode (malheureusement, cette exposition n’était visible que jusqu’au 11 mars).

A l’origine, les périodiques de mode, apparus au XVIIIème siècle, sont constitués de cahiers, contenant des articles et des planches de gravures présentant les nouveautés de la mode parisienne afin de les diffuser partout en France et en Europe. Si la bibliothèque possède peu de ces cahiers, elle dispose néanmoins d’un certain nombre de planches qui en sont issues, ainsi qu’un très grand nombre de périodiques du XIXème à nos jours : collections complètes ou lacunaires, numéros isolés, qui sont un témoignage essentiel de l’évolution de la mode. Ce sont ces gravures et ces périodiques qui étaient exposés au sein des salles de lecture, avec comme thématique la couleur rouge.

C’était une jolie petite exposition (très rapide à visiter), qui m’a intéressée mais finalement pas plus impressionnée que ça, dans la mesure où je possède moi-même une collection d’anciens périodiques de mode assez fournie. Evidemment, mon fond documentaire n’a rien à voir avec celui de la bibliothèque (et heureusement !), mais tout n’était pas exposé, et l’attention était concentrée sur le XXème siècle, qui est le plus facile à collectionner. Ce n’est donc pas une déception, mais ce n’était pas exceptionnel non plus (même si cela m’a permis d’entrer dans la bibliothèque, un antre de perdition pour moi !). Une curiosité, tout au plus. Le sujet mériterait je pense une exposition de plus grande ampleur, car il est réellement passionnant !

Juste un dernier point : je ne sais pas qui a trouvé le titre de l’exposition, si c’est fait exprès ou non, si c’est moi qui ai l’esprit mal placé (c’est possible) mais franchement, je le trouve d’un goût un peu… douteux…

(et sinon, mes photos sont très loupées, mais la luminosité était vraiment difficile à apprivoiser)

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