La vérité vous libérera mais d’abord elle vous mettra en rage, de Gloria Steinem : réflexions sur l’amour, la vie, la révolte

Une petite phrase peut transformer un tweet en haïku, parce qu’elle évoque une histoire. D’ailleurs, si on l’arrose, elle en deviendra une. « Enoncez-moi un fait, je l’oublierai, mais racontez-moi une histoire et je m’en souviendrai », dit un adage amérindien. Si une citation fait surgir à l’esprit plusieurs histoires, alors, gageons qu’elle restera dans les mémoires.

J’adore les citations, et j’en utilise beaucoup, d’ailleurs à une période qui commence à se faire lointaine il y avait un rendez-vous hebdomadaire de citations sur les blogs : la citation du jeudi, et c’était très chouette de chercher LA citation qu’on allait mettre en avant, et d’en découvrir tout un florilège. Il en est resté une catégorie, que j’utilise de temps à autres.

Pour Gloria Steinem, les citations sont « la poésie du quotidien », et elle nous propose ici ses meilleures réflexions sur la famille et les amis, le fait de vieillir, le travail, les autres femmes, la révolution et le rire, la rue, le tout assorti de réflexions un peu plus longues, et de citations d’amies.

Une lecture que je qualifierais de vivifiante : bien évidemment je n’ai pas toujours été complètement d’accord avec tout, mais c’est justement ce qui m’a semblé intéressant dans ce petit ouvrage foisonnant et riche, et très drôle (Gloria Steinem a vraiment un don pour la formule) : il invite avant tout à réfléchir et à se poser des questions sur nombre de sujets, liés par le fil rouge du féminisme. Ce n’est jamais pesant ni pontifiant, toujours joyeux, et donc un régal à lire.

Une anthologie de poésie du quotidien savoureuse, qui montre encore une fois si besoin était le pouvoir des mots : à mettre entre toutes les mains.

La liberté vous libèrera mais d’abord elle vous mettra en rage
Gloria STEINEM
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Lalechère
Harper Collins, 2020

La Sicile : Petite anthologie d’escapades littéraires

A deux points de vue, cependant, la Sicile devrait attirer les voyageurs, car ses beautés naturelles et ses beautés artistiques sont aussi particulières que remarquables. On sait combien est fertile et mouvementée cette terre, qui fut appelée le grenier de l’Italie, que tous les peuples envahirent et possédèrent l’un après l’autre, tant fut violente leur envie de la posséder, qui fit se battre et mourir tant d’hommes, comme une belle fille ardemment désirée. C’est, autant que l’Espagne, le pays des oranges, le sol fleuri dont l’air, au printemps, n’est qu’un parfum ; et elle allume, chaque soir, au-dessus des mers, le fanal monstrueux de l’Etna, le plus grand volcan d’Europe. Mais ce qui fait d’elle, avant tout, une terre indispensable à voir et unique au monde, c’est qu’elle est, d’un bout à l’autre, un étrange et divin musée d’architecture (Maupassant). 

Puisqu’on ne peut pas trop voyager en vrai, voyageons à travers la littérature. La Sicile est un des endroits que je voudrais voir (en mode itinérant), parce qu’elle a tout pour me plaire, de la sensualité de la nature à sa richesse artistique. Pour l’heure, je me suis contentée d’y faire une petite excursion littéraire, accompagnée de Maupassant, La Platière, Vivant-Denon, Alexandre Dumas et Renan.

Le texte de Maupassant est celui que j’ai préféré, alors que ce n’est pas un auteur que j’affectionne plus que ça d’habitude ; là j’ai découvert un Maupassant lyrique, amoureux de la sensualité du monde, les lumières, les couleurs, les odeurs, le goût du citron, les bruits, les chants, les voix. Tout un monde de poésie (et d’ailleurs il utilise le mot presque à chaque page), très charnel, des descriptions sublimes, et des pages envoûtantes sur une statue de Vénus, un corps de femme qui exprime toute la poésie réelle de la caresse. Ce texte m’a beaucoup rappelé les Noces à Tippasa de Camus !

Le deuxième texte, extrait des Lettres d’Italie de Jean-Marie Roland de La Platière, quoiqu’intéressant, est beaucoup plus factuel et sociologique, et ne m’a guère touchée.

Je connaissais déjà le texte de Vivant-Denon, extrait du Voyage en Sicile que j’avais lu dans son intégralité à une époque ; l’extrait est concentré sur Palerme et s’intéresse surtout aux mondanités et à l’archéologie.

Le texte d’Alexandre Dumas, extrait du Speronare, est très court mais je l’ai beaucoup aimé car il est très original : l’auteur y escalade l’Etna pour assister, du sommet, à un levé de soleil évidemment fabuleux.

Enfin le texte de Renan, Vingt jours en Sicile, est admirable par sa richesse et sa précision : venu pour un congrès qui se transforme un peu en voyage d’étude itinérant, il nous parle d’histoire, de géographie, d’art et nous décrit bien sûr avec moult détails toutes les richesse archéologiques de la Sicile.

Un recueil que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, même si je pense j’aurais préféré des extraits plus courts, mais d’auteurs plus variés.

La Sicile. Petite anthologie d’escapades littéraires.
Anthologie établie et présentée par Yves Hersant
Robert Laffont, Pavillons Poche, 2020

 

Créer : dans l’arrière-boutique des gens inspirants

La création, en chemin, n’a jamais rien perdu de son mystère. Comment vient l’idée de départ, le projet initial ? Existe-t-il quelque chose que l’on nomme vocation ? Quels chemins un artiste suit-il pour aboutir à l’oeuvre qu’il nous sera donné de lire, écouter, contempler ? En écoutant ou en lisant les verbatim de ces entretiens, on sera sans doute surpris de découvrir qu’il y a presque autant de méthodes qu’il y a de créateurs, alors même que, pour chacune et pour chacun, la méthode qu’elles et ils ont élaborée semble la seule possible pour mener à bien cette chose si résolument incertaine qu’est une oeuvre d’art. Mais à l’issue de ce processus, d’autres questions demeurent. Une oeuvre est-elle un jour terminée ? Les créateurs sont-ils anxieux de leur postérité ? 

Ce livre m’intéressait depuis sa sortie, mais comme d’habitude, j’ai été prise par autre chose, le temps a passé, et voilà. Mais l’autre jour je suis tombée dessus par hasard (c’est toujours comme ça que ça se passe), et voilà…

Créer est la retranscription de sept Masterclasses de France Culture dont l’objet était de convier des créateurs divers et variés, dans toutes les disciplines, et de les interroger sur ce qu’ils font et la manière dont ils le font. Sont ainsi interrogés Amélie Nothomb, Jean-Claude Ameisen, Jean Nouvel, Denis Podalydès, Maylis de Kerangal, Angelin Preljocaj et Joann Sfar.

Et c’est (mais comment pourrait-il en être autrement) absolument passionnant et fascinant : une plongée dans l’arrière-cuisine du travail créatif sous toutes ses formes. Étonnamment, je n’ai pas seulement été intéressée par les entretiens avec les auteurs (cela étant, j’ai été passionnée par les réponses de Maylis de Kerangal alors même que je n’aime pas ce qu’elle écrit) : au contraire, c’est Jean-Claude Ameisen, chercheur en immunologie, donc à mille lieues de mes sujets d’intérêt habituels, dont les réponses m’ont le plus fascinée (et fait réfléchir).

Bref, un petit ouvrage à avoir dans sa bibliothèque, nourrissant et vivifiant, émaillé de petites phrases qui font mouche et donnent à voir le monde autrement.

Créer
France Culture / L’Iconoclaste, 2018

Un prénom d’héroïne et de héros, de Sarah Sauquet : dictionnaire des prénoms de la littérature

Or, quoi de mieux que de trouver un prénom en passant par la littérature, réservoir à la fois inépuisable et universel, suffisamment lisible pour être aisément justifié ? D’ailleurs, n’est-ce pas parce qu’elle porte « un nom de princesse d’Orient sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir du goût », celui de la Bérénice de Racine, que l’Aurélien d’Aragon tombe amoureux de Bérénice Morel ? Soucieuse d’accompagner et d’élever plutôt que d’accabler, il m’est donc apparu évident que mon enfant aurait un prénom littéraire, non pas tant dans l’espoir qu’il lise mais plutôt dans celui qu’il trouve son chemin, comme une héroïne m’avait appris à trouver le mien. 

Après nous avoir aidés à trouver l’amour grâce aux héros et héroïnes de la littérature, Sarah Sauquet se penche sur les prénoms, pas seulement pour aider les futurs parents à trouver un prénom pour leur enfant (même si on peut évidemment envisager cette utilisation), mais aussi pour que chacun puisse voir quels personnages de la littérature portent le même qu’eux. Je me suis d’ailleurs rendu compte, à cette occasion, que si j’aime mon prénom beaucoup beaucoup, je ne m’étais jamais intéressée aux héroïnes qui le portaient, à part la série des Caroline créée par Pierre Probst, dont j’étais fan, mais ce n’est pas le sujet.

244 prénoms, 122 féminins et 122 masculins, sont donc présentés dans ce dictionnaire à double entrée (d’un côté les héroïnes, de l’autre les héros) : d’Adélaïde à Zahra en passant par Alice, Caroline (évidemment), Emma, Juliette, Roxane ou Sophie, d’Abel à Yann en passant par Augustin, Constantin, Félix, Jean-Baptiste, Maximilien ou Raphaël. Chaque prénom est présenté à travers ses caractéristiques, un à quatre personnages le portant, quelques autres personnages à découvrir, et un renvoi vers d’autres héros aux mêmes caractéristiques mais portant un prénom différent.

C’est un voyage très agréable que nous offre Sarah, qui nous permet aussi de nous interroger sur la manière dont un prénom peut constituer une première grille de lecture d’un personnage — ou d’une personne. D’ailleurs, ce dictionnaire m’a plongée dans des abîmes de perplexité concernant les prénoms de certains de mes personnages, il faudra que je creuse.

Alors évidemment Sarah a dû faire des choix cruels, et tous les prénoms ne sont pas représentés ; personnellement, je ne me suis trouvé strictement aucun point commun avec le personnage de Caroline Bingley qui représente mon prénom (plus du coup avec Caroline de Bièvre et Caroline Rockefeller). Mais j’ai passé un excellent moment avec cet ouvrage, j’ai découvert de très beaux prénoms et de très intéressants personnages.

A recommander si vous êtes en quête d’un prénom, ou tout simplement si vous êtes curieux !

Un Prénom d’héroïne ou de héros
Sarah SAUQUET
Le Robert, 2019

Ecrire le désir, 2000 ans de littérature érotique féminine illustrée : le sexe au féminin

A travers ces extraits, c’est une histoire des femmes qui se dessine. Ces auteurs, ici réunis, souvent attaqués pour leurs pages licencieuses, font alors figure de dissidentes, d’aventurières. Et si, par nature, l’érotisme est subversif, il semble plus révolutionnaire encore quand elles en sont les auteurs. Bousculant l’ordre établi, elles prouvent sans détour que la femme elle aussi désire, prend du plaisir, et l’affirme ! Moins prolifiques que les hommes, car comme ailleurs l’accès à la culture ne leur est pas ou si peu favorisé, elles ont pourtant indéniablement marqué de leur sceau le genre « infernal ». Les textes jouissifs de l’enfer des bibliothèques révèlent ainsi tout un monde, celui de l’anonymat, des éditeurs clandestins, des alcôves. Car, plus encore que les hommes, les femmes doivent ruser pour contourner la censure, et usent à l’envi de pseudonymes et d’artifices multiples. Mais qui se cache derrière ces masques, qui sont-elles, ces femmes qui écrivent le sexe ? Quelle fut la genèse de leurs textes ? Comment furent-ils accueillis ? Scandale, opprobre, publication sous le manteau… bien des histoires, parfois rocambolesques, jalonnent ce parcours littéraire. 

C’est un de mes cadeaux de Noël de moi à moi. En réalité, je n’en connaissais pas l’existence, mais je suis tombée dessus par hasard en cherchant un essai de Belinda Canonne portant presque le même titre. Bref, magie de la sérendipité encore une fois, ou de la synchronicité. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’un essai, mais bel est bien d’un beau livre !

Plus exactement, il s’agit d’une anthologie illustrée de la littérature érotique (sujet qui m’est cher) au féminin (sujet qui m’est encore plus cher), de Sapho à Pauline Réage en passant par Louise Labé, George Sand, la Comtesse de Ségur, Rachilde, Renée Vivien, Anaïs Nin et beaucoup d’autres, dont de très nombreuses que je ne connaissais pas.

Vivifiant, inspirant et instructif, cet ouvrage est absolument passionnant : c’est un vrai plaisir de retrouver textes et auteures connus, et un plaisir encore plus grand d’en découvrir de nouveaux, parfois d’une qualité littéraire remarquable, et diablement efficaces. L’ouvrage est en outre excellemment contextualisé, et magnifiquement illustré, ce qui le rend aussi agréable à juste feuilleter qu’à lire. Encore une fois, l’érotisme apparaît comme un moyen d’émancipation des femmes à travers l’histoire !

Il a déjà rejoint mon ensemble d’erotica

Ecrire le désir, 2000 ans de littérature érotique féminine illustrée
Edition établie par Julia BRACHER
Omnibus/RMN, 2014

L’amour c’est… de 200 auteurs et illustré par Jack Koch : la douceur d’aimer

Parler d’amour, en parler à plusieurs, mettre en avant la pluralité des voix, tantôt douces, tantôt acerbes, tantôt naïves, tantôt cruelles, mais parler d’amour, en parler toujours, voilà un acte de résistance héroïque dans un monde où la tentation du cynisme est partout autour de nous !
Revenir à l’essentiel : l’amour. Sous toutes ses formes sous toutes ses coutures, mais encore et toujours l’amour. L’AMOUR, C’EST… (Baptiste Beaulieu)

J’avais repéré ce magnifique projet dès le mois d’avril, en voyant fleurir un peu partout sur les réseaux sociaux des extraits publiés par mes amis auteurs ayant eu la chance d’y participer. Inutile de vous expliquer ma déception quand j’ai appris qu’il ne sortait qu’en fin d’année, et qu’il me faudrait donc patienter de longs mois avant de pouvoir le découvrir en entier. Mais il paraît que les plaisirs différés sont les meilleurs… nonobstant, je me suis précipitée dessus, et si je ne vous en parle que maintenant c’est que, comme une boîte de chocolats, il se savoure lentement, page après page…

200 auteurs ont donc répondu à l’appel, et proposent une variation sur « l’amour c’est… ». Si l’amour amoureux domine, on trouve aussi de très belles choses sur l’amour maternel ou paternel. Certaines propositions sont très simples, quelques mots, d’autres un peu plus développées. Beaucoup de douceur, mais parfois aussi un peu de mélancolie. Et chacune est illustrée d’un dessin de Jack Koch, d’une mignonnerie renversante, que l’aurait envie d’accrocher chez soi…

Le monde a bien besoin d’amour, et cet ouvrage le sème : c’est beau, plein de poésie et de délicatesse, et si on sent poindre ça et là un peu de tristesse, l’ensemble apporte de la lumière, fait scintiller les yeux et badaboumer le cœur. Ici, l’amour, ce n’est pas celui des grandes déclarations philosophiques, ou si peu : c’est de leur quotidien que nous parlent tous ces auteurs, et leur intime atteint l’universel. L’amour, c’est la chaleur et la douceur d’un corps, la tendresse, une odeur, un geste, un sourire, un regard, un langage du corps qui ne ment pas, une complicité indéfectible qui surmonte tous les orages, c’est partager sans s’en lasser les petites choses de la vie.

Un livre à s’offrir, et bien sûr à offrir à quelqu’un pour lui dire « je t’aime ». Noël arrive, c’est le moment, et en plus en l’achetant vous faites une belle action, puisque 2€ seront reversés à l’association « Le rire médecin ».

Et moi, j’aimerais bien qu’il y ait un tome 2…

L’amour, c’est…
200 auteurs
textes illustrés par Jack KOCH
Le Livre de Poche, 2018

Un Trump ça twitte énormément. Décoder le trumpisme en 350 tweets

Sorry losers and haters, but my I. Q. is one of the highest — and you all know it! Please don’t feel so stupid or insecure, it’s not your fault

Un article paru récemment dans Lalibre.be nous apprend que Donald Trump consacrerait neuf heures par jour à ce qu’il appelle l’executive timeà savoir l’animation de son compte Twitter et le visionnage de chaînes d’information. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Twitter, il aime ça, et il déverse sans aucun filtre sur le réseau social tout ce qui lui passe par la tête. Rien d’étonnant donc à ce que des journalistes se soient intéressés à la question.

L’ouvrage, un hors-série du fabuleux 1Hebdo, propose donc 350 tweets du président américain, classés par sujets et décryptés, ce qui permet de dresser une cartographie de ses obsessions : Obama, les femmes, Obama, lui-même, Obama, la Russie/La Corée/L’Iran, Obama, les immigrés, le FBI etc.

Cela pourrait presque être drôle, si ce n’était pas si affligeant, l’homme en question n’étant ni un rappeur ni un personnage de roman (même si on pourrait parfois le croire) mais tout de même le président de la première puissance mondiale, et suivi par près de 56 millions de personnes dont certains boivent ses paroles. L’ouvrage permet en tout cas de se faire une idée de la manière dont il s’y prend pour attiser les tensions, et mettre de son côté une partie des électeurs. C’est extrêmement intéressant mais encore plus terrifiant qu’un film d’épouvante, et très honnêtement, ça donne envie d’aller vivre sur une autre planète. En tout cas, encore une fois, du très bon travail de la part du 1Hebdo, et les illustrations sont souvent très drôles.

Un Trump ça twitte énormément. Décoder le trumpisme en 350 tweets
Présenté par Sylvain CYPEL
Avec la collaboration de Julien Bisson, Lenka Hudakova, Manon Paulic et Elisabeth Maucollot
Le1, Hors-série, 2018