Des mots en fleurs, de Marie Colot et Karolien Vanderstappen : jardin poétique

Sous son parapluie, Monsieur Mots ouvre son livre à la page un, encore vierge. « Au travail ! » Au creux d’une tulipe, il cueille un premier mot : poème. Il le couche sur le papier et s’en va récolter les mots d’amour et de colère, vieillots et ultra-scientifiques, tordus et à rallonge, latins et étrangers, sans oublier les mots laids et coquets, rares et à la mode.

Cela fait presque un mois que je piaffe de pouvoir vous parler de cette petite merveille ! Un petit album pour enfants, qui ravira le poète qui sommeille (ou non) en chacun de vous.

Avec cet album, nous partons à la découverte de Monsieur Mot et de son jardin merveilleux où, au fil des saisons, il cultive avec amour des fleurs qui recèlent des mots…

Une merveille de poésie, de délicatesse, de beauté, que ce soit dans le texte de Marie Colot ou dans les illustrations de Karolien Vanderstappen. Un livre plein de fantaisie, d’inventivité (une larmoire pour ranger les chagrins : est-ce que ce n’est pas magnifique ?) qui donne le sourire et envie de cultiver des fleurs à mots.

Offrez-le, à vous, à un enfant, à un jardinier, à un poète : c’est exactement le genre de petites pépites douces et généreuses dont le monde a besoin !

Des Mots en fleurs
Marie COLOT et Karolien VANDERSTAPPEN
Cotcotcot éditions, 2021

Les Amours, d’Agathe Sorlet / Une histoire d’amour, de Lorraine Sorlet : deux albums amoureux

Les histoires d’amour sont toutes uniques, pourtant il y a toujours quelque chose qui les rassemble. C’est l’histoire universelle de ceux qui s’aiment. (Lorraine Sorlet)

C’est l’automne, mais pas un bel automne ensoleillé et illuminé par les couleurs éclatantes des feuilles mortes : non, c’est un automne tout moche, tout gris, et les feuilles ne veulent pas mettre leur jolie parure. Bref, un temps à rester cocooner à la maison sous un plaid, avec une jolie lecture réconfortante. Et sur ce dernier point j’ai exactement ce qu’il faut pour redonner le moral à tout le monde.

Agathe Sorlet et Lorraine Sorlet sont sœurs, jumelles, illustratrices et leur sujet, c’est l’amour, dont elles donnent chacune leur vision dans ces deux albums jumeaux qui paraissent simultanément.

Dans Une histoire d’amour, Lorraine Sorlet nous invite à regarder se dérouler une histoire : te rencontrer, te câliner, t’embrasser, t’aimer (tout simplement). Le dessin est simple, rond, chaleureux : on se sent dans cet album tout en poésie et en symboles (et même pour moi en synchronicités) comme dans une bulle de tendresse et d’amour, un amour simple fait de petits gestes. Comme les petits chats on a envie de se serrer au chaud contre quelqu’un. L’album nous raconte une histoire universelle, et cela donne le sourire.

Les Amours d’Agathe Sorlet explore toutes les nuances de l’amour : l’amour câlin, l’amour brûlant, l’amour sauvage, l’amour ami, l’amour coquin, l’amour de soi. Majoritairement en rouge et rose, le dessin, épuré et fin, à la fois très doux et tendre et très caliente par moments et j’ai adoré la manière dont les corps se serrent et se fondent l’un dans l’autre, dont les amoureux se touchent et s’embrassent.

Les deux univers sont différents, mais ces albums jumeaux se répondent tissent des liens avec une grande tendresse, et les regarder (il n’y a pas de texte : toutes les émotions passent exclusivement par l’image) un dimanche après-midi pluvieux, bien enroulé dans un plaid, est une joie absolue !

Les Amours
Agathe SORLET
Une Histoire d’Amour
Lorraine SORLET
Robert Laffont, 2020

L’Odyssée, d’après Homère et illustré par Manuela Adreani : voyage extraordinaire

Ô muse, raconte-moi l’histoire du roi Ulysse, l’homme aux mille ruses qui voyagea sur terre et sur mer après avoir combattu et détruit la ville de Troie. Il visita de nombreuses villes et rencontra de nombreux peuples. Pendant son long voyage; il affronta de grands dangers pour sauver ses camarades et revenir à Ithaque, l’île dont il était le roi. Là, il retrouverait son épouse Pénélope et son fils Télémaque. 

L’autre jour je suis tombée par hasard sur cet album, et je l’ai acheté pour faire un cadeau. Làs, pour une question de manque d’organisation de ma part, je n’ai pas encore pu faire le cadeau, et je me suis dit que cet album, j’allais le lire.

Le texte est une véritable adaptation (par Giorgio Ferrero) d’Homère, au sens où contrairement à ce qu’on voit beaucoup il respecte la structure narrative complexe de l’épopée. L’histoire commence donc alors qu’Ulysse est prisonnier de Calypso, et qu’Athéna encourage Télémaque à partir à sa recherche. Libéré par la nymphe, Ulysse échoue chez les Phéaciens, et leur raconte son histoire.

Un bien bel album, qui permet une première approche de qualité de l’extraordinaire histoire d’Ulysse. Outre la qualité du texte et son respect de l’original, j’ai beaucoup apprécié les illustrations de Manuela Adreani, qui sont d’une grande douceur et d’une grande poésie, et m’ont un peu rappelé les graphismes de la série Les Grands mythes. Et à titre personnel, l’Odyssée a un rôle essentiel dans mon premier roman, et je vois donc cet album comme un petit clin d’œil !

Bref : une belle réussite, aussi bien littéraire qu’esthétique ! Je n’y connais rien en enfant donc ne me demandez pas pour quel âge, mais en tant qu’adulte j’y ai pris beaucoup de plaisir.

L’Odyssée
Adapté d’Homère par Giorgio FERRERO et illustré par Manuela ADREANI
L’imprévu, 2017

Défoule-toi ! ça va mieux en le disant, de Lotta Sonninen : le livre des mauvaises pensées

C’est la faute des autres !

Récemment, j’ai commencé à écouter un podcast de développement personnel qui me laisse quelque peu perplexe : l’idée de base, pour la faire courte, est que ce sont nos pensées qui génèrent nos émotions négatives alors que les événements factuels, eux, sont neutres. Et que, donc, il suffirait de changer sa pensée sur un événement ou une situation pour changer l’émotion qui y est attachée. Alors sur certains faits, je veux bien, mais enfin sur d’autres, j’ai beau retourner les choses dans tous les sens, je ne vois pas bien comment en penser quelque chose de positif. Ouais, en somme, je ne suis pas Bouddha, et je n’ai aucune intention de le devenir d’ailleurs. Et je suis souvent assaillie par la colère, après des gens et après des situations. Ce qui ne sert à rien, mais enfin, bon.

Du coup, ce petit livre est tombé à pic : prenant le contre-pied des manuels de développement personnel qui nous invitent à la gratitude et au pardon, celui-ci nous engage à nous laisser-aller à nos mauvaises pensées et à les coucher sur le papier pour nous défouler : tout ce qu’on reproche aux gens de notre entourage, ceux qu’on ne supporte pas, ceux dont on considère que c’est leur faute si ça cloche dans notre vie, ceux dont on est jaloux, ceux à qui on voudrait passer un savon, ceux à qui on en veut encore des années après, tout ce qui nous a agacé dans la journée, nos plus grands regrets…

Un petit livre à ne pas trop laisser traîner si vous l’utilisez afin de ne pas envenimer certaines situations, mais le fait est : ça va mieux en le disant, et ce petit livre permet de se défouler de manière salutaire sans culpabiliser : écrire à trucmuchette ce qu’on a envie de lui dire mais qu’on ne peut évidemment pas lui dire en face, à savoir qu’elle est une grosse c*** aigrie et hystérique et que ce n’est pas parce qu’elle se sent mal dans sa vie qu’elle est obligée de pourrir celle des autres, bah oui, ça fait du bien ! Bon après, ça reste avant tout drôle, décalé et ironique, tant au niveau des textes que des illustrations !

Un petit livre ludique, à mettre dans toutes les mains !

Défoule-toi ! Ça va mieux en le disant
Lotta SONNINEN
Le Livre de Poche, 2019

Merveilleuses couleurs de Nathalie Béreau et Michael Cailloux : plein les yeux

Les albums pour enfants, ce n’est pas trop mon domaine. Mais les jolies choses, si, et comme on approche de la période de Noël et de la recherche des cadeaux, je n’ai pas résisté à celui-ci.

Chaque double page, illustrée par Michael Cailloux, est consacrée à une couleur, et chacune constitue un tableau de végétaux et animaux, connus ou moins. Parmi eux se cache un intrus, qu’une petite devinette créée par Nathalie Béreau permet de retrouver.

Difficile d’exprimer l’émerveillement que procure le feuilletage de cet album : une explosion de couleurs, des tableaux oniriques d’une poésie rare dans lesquels on a envie de se plonger, un régal pour les yeux et pour l’âme, une invitation à la contemplation méditative ! Hypnotique, fascinant, Merveilleuses couleurs est bien plus qu’un album pour enfants, mais une promenade au pays des merveilles.

Un exemple avec la couleur rouge, qui m’est chère :

Merveilleuses couleurs de Nathalie Béreau et Michael Cailloux : plein les yeuxMerveilleuses couleurs
Nathalie BÉREAU et Michaël CAILLOUX
Thierry Magnier, 2018

Petite et grande Coco Chanel / Petite et grande Marie Curie, de Ma Isabel Sanchez Vegara

Elle leur apprit surtout qu’il ne faut pas avoir peur de suivre ses rêves et d’écouter son coeur.

Je sais, les albums pour enfants ce n’est habituellement pas mon créneau, mais j’ai craqué pour les deux premiers tomes de cette série des éditions Kimane, qui permet de découvrir des femmes ayant accompli des choses extraordinaires en n’abandonnant jamais leurs rêves d’enfants.

Cette série, d’origine espagnole, comporte de nombreux volumes : Agatha Christie, Diane Fossey, Amelia Ekhart, Ella Fitzgerald, Frida Kahlo, Audrey Hepburn, et les deux premiers disponibles en français : Coco Chanel et Marie Curie. Des figures très diverses, artistes, aventurières, scientifiques, parce que les rêves des petites filles sont divers.

Chaque album retrace donc, en saisissant l’essentiel, le parcours de ces femmes, lorsqu’elles étaient petites filles et rêvaient de leur destin, à la réalisation de ces rêves. Le texte est très simple puisqu’il s’adresse aux enfants de sept ans environ, et les illustrations très douces.

C’est vraiment une très belle découverte, à mettre entre les mains de toutes les petites filles pour leur montrer, à travers ces femmes d’exception, courageuses et inspirantes, qui n’ont jamais perdu leurs rêves de vue, que rien ne leur est interdit !

Petite et grande Coco Chanel
Ma Isabel SÁNCHEZ VEGARA (illustrations Ana Albero)

Petite et grande Marie Curie
Ma Isabel SÁNCHEZ VEGARA (illustrations Frau Isa)

Kimane, 2018

En cuisine avec Kafka, de Tom Gauld

En cuisine avec Kafka, de Tom GauldJonathan (Franzen, NDLR) ! Nos responsables marketing et nouveaux médias ont élaboré de nouvelles stratégies multiplateformes novatrices pour promouvoir votre nouveau livre ! Je vous en fais part ?
— Non.

Tom Gauld travaille pour des journaux prestigieux comme le Guardian, le New York Times et mon préféré, le New Yorker (j’adore le New Yorker, je ne le lis pas souvent parce que c’est pénible à trouver et que je ne veux pas m’abonner car je n’aurai pas le temps de le lire toutes les semaines, mais j’aime bien l’acheter au kiosque saint Germain quand je suis à Paris).  Et j’adore ce qu’il fait. Aussi, je ne pouvais absolument pas passer à côté de ce recueil de ses dessins littéraires, opportunément signalé par une de mes amies sur Facebook (merci Nathalie) (d’ailleurs, beaucoup de ces dessins ont tourné pas mal sur le réseau dans le milieu des livromaniaques).

Des dessins donc dont le thème général est la vie littéraire, les livres et ceux qui les aiment, ainsi que la vie moderne.

C’est évidemment très très drôle, et surtout tellement vrai : à chaque page, on ne peut s’empêcher de s’exclamer « oh mais oui, c’est tout à fait ça ». Ajoutez à cela un dessin simple mais original et parfaitement reconnaissable, une tendance nette à l’ironie voire au sarcasme qui pointe avec une grande intelligence notre monde moderne, du nonsense typiquement anglais, et vous obtiendrez un véritable plaisir de lecture pour un après-midi tout triste d’automne (et un cadeau parfait pour quelqu’un qui aime les livres). Pour ma part, j’aime particulièrement les strips où il réécrit les œuvres du passé à l’heure des réseaux sociaux, mais aussi celles mettant en scène l’écrivain au travail, mais aussi… bon, ok, j’aime tout de ces dessins : quelle que soit la situation livresque à laquelle vous êtes confronté (départ en vacances avec une valise pleine de livres, ouvrage disparu, classement de la bibliothèque), vous trouverez un dessin l’illustrant.

Donc : si vous aimez les livres, les livres qui parlent des livres, de leurs auteurs, de leurs lecteurs et de leurs personnages, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

En cuisine avec Kafka
Tom GAULD
Traduit de l’anglais par Eric Fontaine
2024 (c’est le nom de l’éditeur), 2017