— Alan !… Combien de fois faudra-t-il te le répéter ? On ne dit pas « au revoir » aux clients qui sortent de chez nous. On leur dit « adieu » puisqu’ils ne reviendront jamais. Est-ce que tu vas finir par comprendre ça ?
Lucrèce Tuvache, très fâchée dans le magasin, cache entre ses mains crispées dans le dos une feuille de papier qui tremble au rythme de sa colère. Penchée sur son petit dernier, debout en short devant elle et qui la regarde de sa bouille réjouie, elle le sermonne, lui fait la leçon :
— Et puis cesse de chantonner (elle l’imite) : « Bon-zou-our !… » quand des gens arrivent. Il faut dire d’un air lugubre : « Mauvais jour, madame… » ou : « Je vous souhaite le grand soir, monsieur. » Et surtout, ne souris plus !
La mort de Jean Teulé dernièrement m’a beaucoup touchée. Je me rends compte que je ne l’ai pas tant lu que ça (c’est étrange, parfois, la mémoire) mais j’ai beaucoup aimé ce que j’ai lu. Et je garde un souvenir très impressionnée de la fois où je l’avais rencontré à l’inauguration du salon du livre : il me dépassait d’environ 50cm, mais il dégageait une profonde gentillesse. Bref, j’avais envie de lui rendre un petit hommage personnel en lisant un de ses romans, et c’est tombé sur celui-ci, que j’avais très envie de découvrir depuis longtemps mais qui me faisait un peu peur.
Dans la famille Tuvache, personne n’a jamais souri. Il faut dire qu’ils tiennent un commerce bien particulier et peu propice à la joie : ils vendent des articles de suicide. Cordes, poisons, sabres : tout ce dont vous pouvez rêver pour passer de l’autre côté. Oui mais voilà : leur petit dernier, Alan, est un enfant gai, souriant, il aime la vie, et malgré les brimades de sa famille et le monde sombre dans lequel il vit, il semble doté d’une mission : contaminer tout le monde avec la joie !
Qu’est-ce que j’ai aimé ce roman, que j’ai trouvé parfaitement adapté à cette période très sombre où tout le monde semble porter le poids du monde sur ses épaules, et où une dépression généralisée nous guette. Nous n’en sommes pas encore à ouvrir des magasins d’articles de suicide, mais l’idée est là. Et ce roman, c’est celui du pouvoir de la joie et de l’amour pour transformer le monde, mais à la manière particulière de Jean Teulé : un humour bien noir, mais qui finit par atteindre une certaine poésie, et une grande inventivité, au point qu’on pourrait presque parler d’esthétique du suicide (ses descriptions sont magistrales). Chez les Tuvache, il y a quelque chose de la famille Addams qui m’a beaucoup amusée. Et j’ai trouvé que ce roman tombait à point dans ma vie.
A chaque page, ma pensée était que l’auteur avait tout de même dû beaucoup s’amuser à l’écrire, car il y fait preuve d’une créativité qui confine à la magie ! Le roman est court, mais j’ai passé un excellent moment à le dévorer, et j’ai souvent (très souvent) ri aux éclats. A lire si vous ne l’avez pas encore fait !
Le Magasin des suicides
Jean TEULÉ
Julliard, 2007 (Pocket, 2008)
Comme j’ai bien besoin de lire, je le mets immédiatement sur ma liste !
J’aimeJ’aime
Il est court, mais si tu aimes l’humour noir tu vas adorer !
J’aimeJ’aime
J’aimais beaucup l’humour qui se dégageait de ses livres
J’aimeJ’aime
Oui, moi aussi !
J’aimeJ’aime