Il faut dire que le voyage permet d’explorer une somme infinie de devenirs. Dans chaque lieu, un possible s’ouvre à nous, on se confronte à une autre langue, à un autre climat, à une autre façon de s’habiller, de se déplacer, de se comporter. Le plus difficile est de savoir quel devenir est le nôtre, et si plusieurs devenirs peuvent cohabiter sans incohérence. Est-ce que je peux me sentir autant à ma place en ballerines dans les rues de Rome qu’en chapka à Moscou ? Est-ce que j’ai l’obligation de choisir entre les deux ? Où va ma préférence ?
J’avais beaucoup aimé Le Voyage de Pénélope et je pense même que quelque part, ce roman a contribué à une réflexion plus vaste qui m’a conduite aux voyages poétiques (parmi beaucoup d’autres choses bien sûr mais enfin, il est question de voyages). J’avais donc tellement envie de lire cette suite (même s’il peut se lire sans avoir lu le précédent) que je me suis précipitée dès sa sortie.
Depuis 5 ans, Pénélope est une « voyageuse philosophe » : elle organise des voyages culturels pour découvrir à travers le monde des écoles de pensées : Thoreau et les transcendentalistes à Boston, Freud à Vienne, Sartre et Beauvoir à Paris, Levi-Strauss à Sao Paulo. Après avoir vécu un drame, elle s’apprête à se marier. Et peut-être d’envisager d’arrêter de courir.
J’ai bien évidemment pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, qui m’a beaucoup fait penser (et à raison) aux fugues d’Alice Cheron et à cette réflexion sur le fait que le voyage permet de se trouver soi, ce qui est à la base de tout mon concept d’ailleurs même si pour le moment les voyages que je propose sont immobiles. Je me suis aussi beaucoup reconnue en Pénélope, ses envies, ses peurs, son agitation, et cette réflexion : je ne veux plus être une voyageuse. Je veux que mes pieds soient des racines. Néanmoins, j’ai trouvé que l’aspect philosophique n’était pas tout à fait assez développé, et j’aurais aimé davantage suivre les voyages philosophiques organisés.
Mais cela reste un chouette roman, qui donne envie de voyager, de s’ancrer, de philosopher et d’aimer !
Les Chemins du possible. Le Voyage de Pénélope.
Marie ROBERT
Flammarion/Versilio, 2021