L’Evangile selon Marie (trilogie) de Nicoleta Esinencu : paroles de femmes

L'Evangile selon Marie (trilogie) de Nicoleta Esinencu : paroles de femmes

Au commencement était le Verbe
et le Verbe était la Lumière véritable qui illumine
et l’homme accapara le Verbe
et depuis l’homme ne cesse d’écrire des livres sur la vierge qui enfanta
et il écrit que celui qu’elle enfanta était appelé le fils de dieu
et que l’homme lui-même était dieu

Et si on réécrivait certains chapitres de la Bible, en redonnant la parole aux femmes ? C’est le projet de Nicoleta Esinencu, avec cette trilogie.

Trois textes constituent donc ce livre : L’Evangile selon Marie, dans lequel alternent chapitres bibliques et témoignages de femmes qui racontent les violences qu’elles ont subies ; L’Apocalypse selon Lilith, dans lequel c’est Lilith qui apparaît lors du Jugement Dernier afin d’amener le règne de la femme ; enfin L’Arche de Noréa, dans lequel l’Arche a été volée par l’homme.

L’idée de départ est très intéressante : la réappropriation du Verbe, l’alternance de réécritures de passages bibliques et de témoignages de femmes sur leur vécu, l’absence de considération, le mariage, les enfants, les violences, vraiment, j’aime l’idée. Mais. Mais c’est un texte qui m’a dérangée idéologiquement, car c’est un texte de vengeance. La colère est saine, mais elle aboutit à une violence qui me gêne car elle n’est rien d’autre finalement que la continuation du travail de sabotage et de séparation du patriarcat, mais par d’autres moyens, et mêler Marie-Madeleine (puisque c’est elle la Marie du premier évangile) à cette entreprise alors qu’elle incarne au contraire les énergies de réconciliation et d’harmonie me crispe un peu. Malgré quelques passages un peu plus doux, j’ai trouvé l’ensemble très « vengeur » et même si je comprends, je ne consens pas.

Donc l’idée était vraiment très intéressante, mais je n’ai globalement pas aimé le traitement. Après c’est évidemment un problème de positionnement féministe qui n’est ici pas le mien, et ayant moi-même un évangile selon Marie-Madeleine en chantier depuis mille ans ça a contribué à ma gêne…

L’Evangile selon Marie
Nicoleta ESINENCU
Traduit du roumain (moldave) par Nicolas Cavaillès
L’Arche, 2021

6 commentaires

  1. Emilie dit :

    « La colère est saine, mais elle aboutit à une violence qui me gêne car elle n’est rien d’autre finalement que la continuation du travail de sabotage et de séparation du patriarcat, mais par d’autres moyens ».
    Merci pour cette phrase, elle est tellement juste, et c’est quelque chose que j’ai toujours senti mais que je suis incapable (pour le moment, gardons espoir) de formuler en public dans certains contextes. Et c’est aussi pour cette raison que j’ai du mal à me sentir à l’aise dans un groupe ou une foule : cette crainte qu’une cause, même juste, ne vire au règlement de compte où l’on croit réparer une injustice en en commettant soi-même, sous le couvert du groupe.

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    1. Surtout en ce moment, c’est compliqué !

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  2. noctenbule dit :

    Je vais peut-être l’envoyer à ma copine bonne soeur 🙂

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  3. Harry dit :

    Je ne connaissais pas ce livre que je vais m’empresser de lire.
    Par contre, je connaissais l’évangile selon Pilate écrit par EA Schmidt. Je ne l’ai jamais lu. Par contre, j’ai vu son adaptation au théâtre avec pour seul acteur Jacques Weber. Saisissant de voir cet acteur qui mesure près de 2m, réciter un texte a priori austère et captiver l’assemblée, sauf une personne au 3ème rang qui a dormi pendant presque toute la pièce sans perturber l’acteur.

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    1. Le texte de Schmidt n’est pas austère !

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