La route du Lilas, d’Eric Dupont : femmes libres

La route du Lilas, d'Eric Dupont : femmes libres

Nous sommes des activistes du lilas. Nous croyons au pouvoir de son parfum pour guider les femmes qui se cherchent. 

En ce moment, je suis plutôt obsédée par les odeurs de jasmin et de chèvrefeuille lors de mes promenades, les roses et les pivoines, d’autant que le lilas, je l’ai loupé, cette année, puisque ce coquin a fleuri pendant le confinement (enfin ce coquin : en même temps il a fleuri au moment où il devait fleurir). Là tout de suite je n’arrive pas à évoquer son odeur, et je ne sais pas quels souvenirs elle ferait remonter d’ailleurs, peut-être aucun. Bref : les odeurs de fleurs et les fleurs en général, c’est quelque chose qui m’est très cher, alors vous pensez bien qu’un roman sur cette thématique, je ne pouvais pas le laisser filer.

Chaque printemps, Shelly et Laura traversent une partie des Etats-Unis et du Canada en camping car pour suivre la floraison du Lilas, s’offrant ainsi, au lieu de deux malheureuses semaines, trois mois entier de fleurs et d’odeurs envoûtantes. Militantes féministes, elles profitent de ce voyage pour exfiltrer des femmes en fuite vers le Canada. Cette année, c’est Pia qui les accompagne, Pia qui a fui précipitamment le Brésil et dont la mémoire va remonter à la surface à la faveur des lilas…

Au départ, j’ai été bien sûr totalement subjuguée par cette idée merveilleusement poétique : voyager en suivant une fleur, et en faire un projet littéraire proustien, s’asseoir sous les lilas en fleurs et écrire, inspiré par l’odeur (l’odorat est le sens qui est le plus lié aux souvenirs inconscient, et sentir une odeur peut faire resurgir involontairement des choses qu’on croyait oubliées ou auxquelles ont ne pensait plus — c’est la raison aussi pour laquelle certaines odeurs pourtant agréables pour tout le monde nous dégoûtent : je ne supporte pas, par exemple, l’odeur de la lavande, je pense que c’est parce que mon inconscient y associe un souvenir désagréable mais je ne sais pas lequel). Je ne sais pas s’il y a des gens qui font réellement ça, suivre la floraison du lilas, mais c’est tout à fait le genre de choses que je serais capable de faire parce que je trouve qu’elles mettent de la beauté dans le monde. La première raison pour laquelle ce roman m’a ravie est donc cette sensualité poétique de départ.

Mais il y a beaucoup plus : tissant et entrecroisant des destins de femmes de différentes époques avec le fil rouge des violences, ce roman nous parle du féminin blessé, bafoué, ignoré, et des lignées à guérir pour que le monde aille mieux. Sujet d’actualité (tout comme d’ailleurs la question du racisme), sujet brûlant, sujet douloureux mais traité sans dolorisme : entre réalisme magique, fantaisie et poésie, les destins se font échos et parviennent à se réparer. Quelques trouvailles merveilleuses parlent du monde d’aujourd’hui et y font réfléchir, interrogent, questionnent, beaucoup d’informations aussi botaniques, horticoles et historiques (je ne connaissais absolument pas l’histoire de l’Impératrice du Brésil), autant d’ingrédients qui viennent compléter le roman.

Bref : un coup de cœur pour ce roman féministe et poétique, d’une très grande richesse, qui nous invite à voir le monde autrement. Et de savourer l’odeur des lilas.

La route du lilas
Eric DUPONT
Harper Collins, 2020

9 commentaires

  1. Antigone dit :

    Un original point de départ effectivement. Tu as titillé ma curiosité ! 😉

    Aimé par 1 personne

    1. J’en suis ravie 😉

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  2. Mind The Gap dit :

    Ben il ne doit pas être très connu ce roman là…enfin je n’en sais rien à vrai dire. Moi je suivrais bien la floraison des rhodos et camélias en Angleterre au printemps, ou des hortensias en Bretagne. Le lilas, c’est clair qu’il a fleuri pendant le confinement, on en a un dans le jardin (le seul truc avec les framboisiers). Cela sentait trop bon ,par contre ça passe très vite et hélas , ça ne refleurit pas.

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    1. Oui, c’est très rapide :-/

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  3. j’avais bcp aimé La fiancée américaine, alors je note!

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    1. Je ne l’ai pas l’u mais tout le monde a l’air d’en dire du bien, donc je note de mon côté !

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  4. Karine:) dit :

    J’adore l’auteur. Tu peux t’imaginer que celui-ci est dans ma pile.

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    1. Pile très haute j’imagine ^^

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