Un fait certain demeure : la permanence, à travers les millénaires, d’une mystérieuse Déesse dont les représentations concrètes varient selon les époques mais qui est toujours ambivalente, génératrice de vie et de mort, mais aussi transformatrice puisque présidant au « passage » du monde visible au monde invisible. C’est la raison de sa présence, de plus en plus affirmée, au néolithique final, dans les terres mégalithiques qui sont, semble-t-il en dernière analyse, autant des sanctuaires que des tombeaux, les deux fonctions se confondant comme ce sera plus tard le cas lors de l’édification des églises chrétiennes sur les tombeaux des martyrs et des saints. Mais bientôt, cette Déesse des Commencements va surgir de l’ombre où elle était confinée, dans les grottes et les cairns, pour apparaître dans la pleine lumière de ce soleil dont, en réalité, elle ne fait qu’incarner les forces créatrices et destructrices.
Je continue dans ma thématique avec un autre ouvrage de Jean Markale, qui est pour moi, avec Quand Dieu était femme de Merlin Stone, une référence sur le sujet de la Grande Déesse. Un ouvrage qui m’a en l’occurrence beaucoup servi pour ma thèse.
Le point de départ, c’est la victoire apparente d’une divinité représentée comme masculine — victoire qui marque un changement de civilisation et d’idéologie, avec l’invention du patriarcat liée à celle du monothéisme. Mais victoire apparente seulement : Markale va ainsi montrer comment, sous le culte marial, se cache en fait des résurgences du culte de la Grande Déesse dont elle prend la place dans l’inconscient collectif.
La relecture du christianisme effectuée par cet essai est absolument passionnante et implacable, car elle montre bien comment le monothéisme patriarcal a toujours été impuissant face aux cultes populaires et au besoin humain d’un aspect féminin à la divinité. C’est logique : si le divin est représenté comme masculin/féminin, ontologiquement cette séparation n’existe pas ; mais si on ne lui attribue que l’un de ces deux pôles en supprimant l’autre, le monde avance à cloche-pieds — c’est ce qui s’est passé pendant des siècles avec le résultat qu’on connaît, d’où le retour en force du féminin sacré pour rééquilibrer les plateaux de la balance et arriver, on l’espère, à une réconciliation harmonieuse. Mais nous n’en sommes pas là, même si l’essai permet d’approfondir la question, notamment sur l’analyse des symboles, les différentes représentations des nombreuses fonctions du féminin divin, en s’appuyant sur les ressources de l’archéologie. L’auteur s’intéresse également beaucoup aux lieux, à la géobiologie (sujet passionnant) et aux sanctuaires, ce qui ne manque pas de donner des envies de tourisme (en France…).
Bref, un ouvrage fondamental si on s’intéresse au sujet, pédagogique et clair, et évidemment très instructif !
La Grande Déesse. Mythes et sanctuaires
Jean MARKALE
Albin Michel, 1997
Merci pour cette référence ! J’aime beaucoup les livres de Markale sur les légendes de la Table ronde, mais je ne savais pas qu’il avait aussi traité ce sujet. Sur la Vierge Marie, j’ai beaucoup aimé La Vierge Noire de Jean Hani qui montre bien en quoi cette figure est héritière des déesses mères. Il y a aussi Jacqueline Kelen et ses livres sur Marie-Madeleine.
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Jean Markale a écrit tellement de livres… Merci pour les références !
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