Je comprends ici ce qu’on appelle gloire : le droit d’aimer sans mesure. Il n’y a qu’un seul amour dans ce monde. Étreindre un corps de femme, c’est aussi retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel vers la mer. Tout à l’heure, quand je me jetterai dans les absinthes pour me faire entrer leur parfum dans le corps, j’aurai conscience, contre tous les préjugés, d’accomplir une vérité qui est celle du soleil et sera aussi celle de ma mort. Dans un sens, c’est bien ma vie que je joue ici, une vie à goût de pierre chaude, pleine de soupirs de la mer et des cigales qui commencent à chanter maintenant. La brise est fraîche et le ciel bleu. J’aime cette vie avec abandon et veux en parler avec liberté : elle me donne l’orgueil de ma condition d’homme.
Pendant que tout le monde relit La Peste, moi j’ai décidé de me replonger dans ce qui est le texte le plus lumineux de Camus : Noces et L’Été (je suis aussi plongée dans sa correspondance avec Maria Casares mais c’est très long). Je dis le texte, mais en réalité c’est un recueil de court textes que Camus appelle « essais » et qui sont en réalité des méditations poétiques.
Noces comporte quatre textes écrits en 1936 et 1937, dont le plus connu est le premier, le sublime « Noces à Tipasa ». Un texte lumineux, éclaboussant de sensualité, d’odeurs, de couleurs, de chaleur du soleil et de fraîcheur de l’eau. C’est un poème (oui, j’ai décidé de l’appeler poème) d’un lyrisme pur, une épiphanie : Camus est en communion parfaite avec le monde dans un je, ici, maintenant plein, absolu, parfait — tout est à sa place. L’amour et le désir acquièrent une dimension païenne, tout est vivant, solaire, exaltant la beauté et l’harmonie, l’acquiescement à la vie dans un « sanglot de poésie ». Qu’est-ce que le bonheur, sinon le simple accord entre un être et l’existence qu’il mène ? Pour ceux qui connaissent surtout le Camus plus sombre de la maturité et son écriture blanche, ces textes peuvent se révéler une surprise, mais une magnifique surprise. Un déclaration d’amour à la vie.
L’Eté, publié en 1954, est plus empreint de tragique, mais tout aussi sublime : Camus nous entraîne dans un voyage mythologique autour de la méditerranée, d’Oran à la Grèce en repassant par Tipasa, à la recherche du minotaure, d’Hélène et de Prométhée. Tout est sujet à réflexion, à méditation sur l’homme et sa condition, et c’est de là qu’est tirée cette célèbre citation : Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été.
Cette (re)lecture m’a fait beaucoup de bien, surtout, je l’avoue, « Noces à Tipasa » et sa plénitude. C’est assez court, et honnêtement, dans le temps présent, c’est un bonheur !
Noces suivi de L’Été
Albert CAMUS
Gallimard
Tu me donnes très envie de lire ce livre et justement la bibliothèque va ouvrir !
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Ah, chouette alors !
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Hello ! Merci pour ce billet, je ne connaissais pas cette œuvre de Camus. J’ai terminer pour la première fois ma lecture de La Peste il y a quelques jours et ça n’a fait qu’attiser ma curiosité quant aux autres œuvres de cet auteur. Passe une belle soirée !
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C’est très très différent de La Peste, tu verras !
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Cela me donne envie de le relire…. merci☺.
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Et bien bonne relecture alors !
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Je ne suis pas fan du tout du style « méditations poétiques » comme tu dis. Cela m’endort …
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