Il est donc possible de se débarrasser du carcan affectif du passé qui nous incite constamment à reproduire un scénario de vie déterminé par nos premières relations affectives. Pour cela, il nous faut devenir plus « rationnel », c’est-à-dire qu’il est indispensable de vivre en harmonie non seulement avec notre « réalité » et notre « histoire », mais aussi et surtout avec la réalité de l’autre. La vie amoureuse est donc possible si nous acceptons la réalité de l’amour, si nous acceptons que tout n’est pas déterminé à l’avance, si nous acceptons de réfléchir à nos demandes d’amour.
Les schémas répétitifs désastreux dans les relations amoureuses, c’est tout l’enjeu de mon premier roman, et ce n’est que très récemment que j’ai compris d’où venaient certaines choses. De fait, c’est sur ces points que l’Univers me « challenge » actuellement (pas seulement avec le confinement), et j’ai donc trouvé assez amusant de tomber « par hasard » sur cet ouvrage.
On connaît la chanson : tout naît dans l’enfance, et surtout les problèmes affectifs. Mais justement : l’ambition du psychologue et psychothérapeute Didier Pleux est de montrer que si le vécu affectif passé est très important, ce n’est pas une fatalité. Dans un premier temps, il montre comment les blessures affectives (quelles qu’elles soient) de la prime enfance résonnent dans notre manière d’aimer, mais aussi que l’on peut reconstruire cette manière d’aimer. Ensuite, il évoque les amours adolescentes, qui achèvent de construire nos croyances sur le sentiment amoureux. Et enfin, il montre comment déjouer les déterminismes et aimer en adulte, c’est-à-dire comprendre que l’autre n’est pas là pour combler nos manques.
A base de cas précis de consultants, d’analyses et de confrontations avec d’autres thérapeutes, Didier Pleux nous offre un essai rassurant, qui sort du déterminisme et nous invite à prendre de la distance avec le discours psychologique « tout est déterminé dans l’enfance ». D’abord parce que des vécus inverses peuvent aboutir à un même résultat et des vécus similaires à des manières d’aimer inverses : il n’y a donc pas de règle absolue ; ensuite parce que même si nous avons tous plus ou moins tendance à aimer « en enfant », c’est-à-dire à vouloir que l’autre comble nos manques et agisse avec nous comme un parent, nous pouvons reprendre le contrôle, comprendre le cerveau émotionnel et produire des synthèses de vie « rationnelles » (je n’aime pas bien ce mot lorsqu’il est question d’amour, mais admettons), qui nous permettront d’aimer l’autre pour ce qu’il est et non pour ce que l’enfant en nous voudrait qu’il soit.
Très clair et pédagogique, cet essai m’a vraiment intéressée et permis de me poser de bonnes questions, même si mon cas personnel (le psychopathe de l’indépendance qui se dit que si on l’aime on va vouloir le mettre sous une cloche et l’empêcher de bouger pour sa propre sécurité — c’est ce que je disais l’autre jour sur les peurs, et on comprend donc pourquoi la situation actuelle est très confrontante pour moi) n’est pas abordé. Un ouvrage très utile dans cette période qui, à coup sûr, va voir naître des frictions dans les couples, qu’il sera intéressant d’interroger.
On aime comme on a été aimé ?
Didier PLEUX
La Musardine, 2018-2020