La sorcière, de Jules Michelet : le souffle de la révolte

La sorcière, de Jules Michelet : le souffle de la révolte

A son apparition, la Sorcière n’a ni père, ni mère, ni fils, ni époux, ni famille. C’est un monstre, un aérolithe, venu on ne sait d’où. Qui oserait, grand Dieu ! en approcher ? 
Où est-elle ? aux lieux impossibles, dans la forêt des ronces, sur la lande, où l’épine, le chardon emmêlés, ne permettent pas le passage. La nuit, sous quelque vieux dolmen. Si on l’y trouve, elle est encore isolée par l’horreur commune ; elle a autour comme un cercle de feu.
Qui le croira pourtant ? C’est une femme encore. Même cette vie terrible presse et tend son ressort de femme, l’électricité féminine. 

Il y a quelque temps, je disais que savoir qu’un jour j’écrirais sur les sorcières ; je pensais plutôt à un livre (un essai), et surtout que ça ne serait pas pour tout de suite. Et voilà qu’un colloque est organisé sur le sujet à Orléans, et que j’ai l’occasion de faire une proposition de communication. Qui ne sera peut-être pas acceptée, d’autant que je suis un peu rouillée à ce niveau, mais enfin j’y travaille, c’est amusant d’ailleurs pour moi de replonger dans ce type de travaux que je n’ai pas effectués depuis plus de 10 ans, et je me suis dit que me plonger enfin dans cet ouvrage fondateur n’était pas superflu. Enfin, parce que je l’ai acheté il y a de nombreuses années mais j’ai toujours tourné autour sans oser m’y lancer, et c’est désormais chose faite.

L’hypothèse de Michelet dans cet essai est que la sorcière est un type féminin : elle s’incarne dans des figures diverses, et il envisage sa naissance au Moyen-Age comme une révolte contre le désespoir du peuple et des femmes accablés par l’Eglise et les seigneurs. D’où date la Sorcière ? Je dis sans hésiter : « Des temps du désespoir. » La sorcière est le crime de l’Eglise (ce parti pris sera reproché à l’auteur, on s’en doute). Car, là où l’Eglise n’offre aucun espoir terrestre mais seulement un illusoire paradis après les souffrances épouvantable de la vie, la sorcière propose médecine, secours, et incarne cette pulsion de vie que la religion cherche tant à éradiquer. Le premier livre est donc consacré à cette histoire de l’avènement de la sorcière. La deuxième quant à elle s’intéresse à quelques grands procès et aux crimes de l’Inquisition.

Éminemment romantique, à la fois épique et lyrique, cet essai est habité par un souffle qu’on croirait parfois hugolien : révolté, Michelet se révèle extrêmement moderne, car que fait-il d’autre, finalement, que réhabiliter la sorcière et d’ouvrir la voie à sa résurrection comme figure féministe ?

D’un point de vue historique, on sait aujourd’hui qu’il y a des erreurs factuelles, notamment d’époque ;  d’un point de vue littéraire, c’est magnifique, extrêmement bien écrit ; d’un point de vue humain, c’est étonnant. J’avoue néanmoins que la première partie m’a davantage intéressée, mais l’ensemble est à lire pour tous ceux qui sont curieux du sujet !

La Sorcière
Jules MICHELET
1862 (GF, 1966)

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