Les Dix Japonais, de Léone Guerre : la femme qui aimait les hommes

Les Dix Japonais, de Léone Guerre : la femme qui aimait les hommes

La lampe de chevet me révéla le désordre nocturne propre aux femmes qui s’éparpillant dans une chambre y trahissent la nature de leur sensualité. Un jupon rose et à volants gisait froissé à terre, ma jupe paysanne qui jadis avait eu mille reflets était épanouie au bord du lit, un paquet de Gitanes filtres se blottissait au creux du lavabo, jetées à terre près de la fenêtre mes chaussures à talons aiguilles. Les fleurs somnolentes et pourtant agressives se vidaient de leurs songes sous forme de parfum qui se mélangeaient aux odeurs de graisse qui parvenaient de la cuisine.

Cela fait bien longtemps que je n’avais pas lu de texte érotique (et à vrai dire, je n’en ai pas écrit non plus). Je ne sais pas trop pourquoi, le fait est que je ne trouvais rien qui m’attire, et plus grand chose à dire non plus sur le sujet. C’était sans doute une phase nécessaire, car voilà que l’autre jour, j’ai reçu ce petit roman, chef d’oeuvre oublié de la littérature érotique, et je m’y suis plongée avec le délice de qui retrouve un ami perdu de vue depuis longtemps.

Léone, la narratrice, arrive à Marseille sans beaucoup d’argent. Elle a dix-sept ou dix-huit ans, aime les hommes, le plaisir, et enchaîne les amants d’une nuit.

Un texte solaire, incandescent, palpitant de désir. Une véritable écriture, ciselée, poétique, métaphorique et sensuelle : sous la plume de Léone Guerre, l’univers entier s’érotise, ce qui rend l’ensemble assez troublant : les couleurs, les lumières, la chaleur des corps, les odeurs, les goûts, tout concourt à rendre le texte vivant, vibrant, tout comme cette jeune narratrice qui assume pleinement ses désirs, son amour pour les hommes et leur corps. Eros et thanatos s’affrontent confusément dans un ballet où, malgré les apparences, la femme est souveraine, prêtresse de la Grande Déesse affirmant sa puissance féminine : Il en est toujours ainsi avec les hommes, jamais ils ne possèdent une femme. L’érotisme ici est sacré.

Bien sûr, certains passages peuvent paraître un peu dérangeants à notre époque, en tout cas si on s’arrête aux apparences et qu’on ne voit pas la complexité de ce qui se joue. Mais le texte est magnifique, lumineux — à découvrir absolument !

Les Dix Japonais
Léone GUERRE
Eric Losfeld, 1970 ( La Musardine, 2020)

Sur une idée originale de Stephie

3 commentaires

  1. Jerome dit :

    Jolie découverte. Je m’empresse de le noter !

    Aimé par 1 personne

  2. Stephie dit :

    il est sur ma PAL, je vais l’en sortir

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.