Otages, de Nina Bouraoui : l’origine de la violence

Otages, de Nina Bouraoui : l'origine de la violence

Les choses ne surviennent pas d’un coup. On dit qu’elles mûrissent, moi je pense qu’elles se rangent par strates. Il y a un ordre. Ce n’est pas fou, c’est organisé, comme la vie. Je crois en l’enchaînement logique des événements. C’est scientifique. Quand X arrive, Y n’est pas loin et Z n’existerait pas sans X et Y.
Mon mari est parti un beau matin, Victor Andrieu m’a mis de plus en plus la pression et un soir, tout naturellement, j’ai décidé d’exister d’une autre façon. D’exister en tant que femme plus libre que d’habitude. Cela peut paraître fou, mais ôter la liberté à quelqu’un a affirmé ma propre liberté.

Année après année, Nina Bouraoui devient pour moi une autrice dont la lecture est incontournable tant elle m’apporte de nombreuses pistes de réflexion. Et son dernier roman ne fait pas exception.

Ce roman propose une nouvelle version écrite en 2015 pour le festival « Paris des femmes ». Sylvie Meyer, la narratrice, est une femme sur laquelle semble glisser les choses. Elle aime la nature, la simplicité et dit ne pas avoir appris la violence. Elle est forte, dit-elle aussi : lorsque son mari la quittée, elle n’a même pas pleuré. Et pourtant, sans qu’elle s’en rende compte, cela crée en elle une fissure qui ne cesse de s’agrandir. Et un jour, ça craque. Ça explose.

Encore une fois, j’ai été totalement éblouie par l’écriture et la sensibilité de Nina Bouraoui, qui nous offre ici la confession d’une femme verrouillée émotionnellement, écrasée par le poids de quelque chose qui la dépasse, infectée par le poison de ses blessures émotionnelles qui, un jour, doivent être libérées. Brillamment, le texte ne sépare pas l’intime et le social, car les deux se combinent pour écraser l’être, la femme dont, à un moment, la conscience craque, et qui éprouve le besoin, d’une manière ou d’une autre, de reprendre le pouvoir et d’affirmer sa liberté intérieure.

Il s’agit d’un magnifique roman sur le désir, l’amour, la liberté, et ce qui m’a frappée, c’est les échos avec le roman d’Isabelle Sorente sorti en même temps chez le même éditeur, car la problématique est finalement la même : ce complexe de la sorcière, cette part blessée dans la psyché des femmes, ce craquement de la conscience féminine face à l’Inquisiteur, et cette nécessité de retrouver son intégrité qui passe par l’amour et le désir.

Otages
Nina BOURAOUI
Lattès, 2020

8 commentaires

  1. Matatoune dit :

    Je viens de le finir et j’avoue être un peu surprise par la fin. Je trouve que ce rapprochement que tu fait avec  » Le complexe de la sorcière »

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  2. Matatoune dit :

    Désolée, le message est parti alors que je voulais corriger une formulation. Donc, la fin m’a un peu déstabilisée. La critique sociale aurait pu suffire à l’explication de cette colère. Pourquoi en rajouter …
    Par contre, oui le parallèle avec le livre d’Isabelle Sorrente me force à réfléchir. Merci. En tout cas, une écriture encore très juste et au plus près d’une parole féminine très forte …

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    1. Justement je trouve ça plus intéressant que simplement une critique sociale vue et revue

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  3. krolfranca dit :

    Je n’ai jamais lu cette auteure. Ce dernier roman a l’air de beaucoup plaire.

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    1. Tous ses romans sont formidables !

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  4. lorouge dit :

    Ça fait bien longtemps que je n’ai pas lu Nina Bouraoui , tu me donnes très envie de lire son dernier, merci ^0^

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    1. Il est très réussi !

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