La prof revient à son grand thème : l’arbre de la vie, massif, qui s’étend, ramifie, fleurit. Il semble ne rien vouloir faire d’autre. Poursuivre ses suppositions. Continuer à changer, encaisser les coups. Elle dit : « Laissez-moi vous chanter comment les êtres se transforment en d’autres créatures. » Il ne sait pas trop où elle veut aller, la petite dame. Elle décrit une explosion de formes de vie, cent million de tiges et branches nouvelles issues d’un seul tronc prodigieux. Elle parle de Tāne Mahuta, d’Yggdrasil, de Jian-Mu, de l’Arbre du Bien et du Mal, d’Asvattha l’indestructible, qui a les racines en haut et les branches en bas. Puis elle revient à l’Arbre-Monde originel. Cinq fois au moins, dit-elle, cet arbre a été abattu, et cinq fois il a repoussé à partir de sa souche. Le voici qui vacille encore, et ce qui adviendra cette fois, nul ne saurait le dire.
Ce roman est sorti l’an dernier, et en pleine reconnexion avec la nature, je l’avais évidemment repéré, mais j’imagine que le temps n’était pas encore venu pour moi de le lire, vu que je n’en ai pas trouvé l’occasion. Et là, l’autre jour, après toute une année d’élevage de plantes, d’enlacement des arbres et de métaphores arboricoles, je suis tombée dessus et je me suis dit : c’est maintenant.
Les personnages de ce roman constituent une forêt : ils sont indépendants, et pourtant liés. Nicholas Hoel hérite de sa lignée une collection photographique représentant le dernier châtaignier américain. Mimi Ma, élevée sous un mûrier, hérite d’un parchemin mystérieux et d’une bague en jade. Les Appich plantent un arbre pour la naissance de leurs enfants : pour Adam, ce sera un érable. Le couple Brinkman-Cazali souhaite planter des arbres pour représenter leur couple. Douglas Pavlicek doit la vie à un figuier banian, et consacre sa vie à la reforestation. Neelay Mehta, génie de l’informatique, crée des mondes virtuels après être tombé d’un arbre. Patricia Westerford est botaniste, et découvre que les arbres communiquent entre eux. Olivia Vandergriff, elle, se moque des arbres jusqu’à ce qu’après une EMI ils se mettent à lui parler.
Palpitant de vie, ce roman est un prodigieux conte philosophique et écologique, nourri de spiritualité et émaillé de nombreux symboles et métaphores. S’appuyant sur les recherches récentes concernant la communications des végétaux et leurs émotions, il les transforme en supports à méditation poétique sur l’homme et les arbres, et en autant de leçons de vie, car nous avons tellement à apprendre des arbres : l’ancrage, le dépouillement, et surtout l’interdépendance. Les personnages se croisent, se lient, parfois intimement, s’engagent dans des voies différentes, mais avec tous cette intime conviction que les hommes sont notre salut.
A titre personnel, ce roman m’a envoyé plusieurs signes. D’abord parce que je ne sais pas ce qu’a Richard Powers avec les ours mais on en trouve un toutes les 3 pages, et il se trouve qu’actuellement l’ours est ma synchronicité, je ne cesse de trouver des ours sur mon chemin (pas en vrai dans ma cuisine, en tout cas pas encore). Et puis le Ginkgo : je l’avais reconnu dès le départ mais il n’était pas nommé, il ne l’est qu’à la toute fin dans une merveilleuse scène éminemment poétique et symbolique, et il est lié à un personnage que j’ai beaucoup aimé. Une femme sauvage…
Bref : un gros coup de cœur pour ce roman absolument prodigieux. Lisez-le, lisez-le !!!
L’Arbre-Monde
Richard POWERS
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Serge Chauvin
Le Cherche-Midi, 2018 (10/18, 2019)
Ton avis m’intrigue ! Ton enthousiasme fait envie et le sujet me fait aussi un peu peur 😊 on verra si le destin le met sur mon chemin 😊
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mais oui 😉
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Je l’adopte. En 2020, j’ai envie d’être moins rationnelle/cartésienne, j’ai besoin de m’ouvrir l’esprit….
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Ah ça ouvre bien l’esprit, oui !
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Comme Mathieussent en son temps, je n’ai pas trouvé la panthère des neiges ici! Mais je réponds : pour voir la panthère, c’est dans le biais à gauche de la photo, les yeux, les oreilles, une partie de la tête (genre cache cache, quoi)
Sinon, j’ai rencontré Powers au festival america 2018!!!
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J’adore l’auteur… du coup, c’est officiel que je lirai celui-là!
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Ah oui, si tu aimes l’auteur, il faut !
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