Le passé peut-il servir à se cacher du présent ? Ce livre que vous lisez maintenant est-il ma quête d’une destination nommée alors ? Dites-moi où finit la mémoire et où commence l’invention ? Dites-moi pourquoi j’ai besoin de vous pour m’accompagner dans mon voyage, pour être mon autre, tantôt ravi, tantôt grincheux, ma moitié pour la durée du livre. Qu’est-ce qui fait que je peux sentir votre foulée à mes côtés pendant que j’écris ? Qu’est-ce qui fait que je vous entends presque siffloter pendant que nous marchons . Je ne sais. Je ne sais. Je ne sais. Mais si : Mon amour des inconnus.
Si je n’ai pas encore lu son dernier essai dont pourtant le sujet me passionne (Une femme regarde les hommes regarder les femmes : tout un programme), je me suis précipitée sur ce roman, le premier qu’elle publie depuis le stupéfiant Un monde flamboyant.
En août 1978, la narratrice, SH, s’installe à New-York dans l’intention d’écrire un roman, son premier : pour cela, elle a décidé de mettre toutes ses économies dans une année de césure avant de passer un diplôme de littérature comparée, et loue un petit appartement mal insonorisé duquel elle entend elle entend des psalmodies étranges venant d’à côté. Mais tout cela, 40 ans plus tard, alors qu’elle est devenue une romancière célèbre, elle ne s’en souvient plus guère, et c’est de retrouver par hasard le journal qu’elle tenait à l’époque qui lui donne l’impulsion pour écrire.
Encore une fois, Siri Hustvedt m’a cueillie avec ce roman extrêmement malin. Pas seulement parce qu’il s’agit d’un roman sur l’écriture d’un roman et que ce sujet me passionne. Ce qui est surtout fascinant ici, c’est la manière dont elle interroge le monde : c’est une sorte de roman d’apprentissage dans lequel le moi présent regarde le moi passé et ne peux que constater la fragmentation de ce moi : fragmentation identitaire rendue plus vertigineuse encore par le brouillage référentiel (l’auteure s’amuse avec cette SH qui n’est pas elle mais qui a beaucoup de ses traits), fragmentation de la mémoire qui ne cesse de fluctuer, n’est jamais certaine. C’est un des thèmes de prédilection de Siri Hustvedt, la mémoire, et il lui permet ici d’interroger aussi un autre thème essentiel dans l’oeuvre de l’auteur : le fait d’être femme, l’amour, la sexualité, la violence du patriarcat, ici à travers le prisme de la sorcellerie !
Un très très bon roman encore une fois.
Souvenirs de l’avenir
Siri HUSTVEDT
Traduit de l’américain par Christine Le Bœuf
Actes Sud, 2019
1% Rentrée Littéraire 2019 – 9/6
By Hérisson
Je savais bien que si quelqu’un de la blogosphère le lirait ça serait toi ;0) Il est dans ma PAL tu penses bien et j’ai vraiment hâte de le lire. De toute façon j’aime tout ce qu’elle écrit, que ce soit essai ou roman. Bon dimanche l’Irrégulière
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Elle est formidable ! Bises !
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Je le lirai certainement. J’ai lu le mois dernier « un monde flamboyant », que j’ai beaucoup aimé, tout comme toi.
L’univers de SH (bonne idée, l’abréviation) me fascine.
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Un monde flamboyant est extraordinaire !
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