Quand l’histoire commence, on est dans la violence de l’été, l’extravagante violence des étés italiens. Le soleil frappe si fort qu’il rend insoutenable au regard le blanc des façades alentour. Il fait aussi la pierre brûlante : impossible d’aller pieds nus. La mer au loin est étale, striée de reflets, on dirait des diamants. Et puis, il y a ce bleu, le bleu du ciel, partout, sans taches, électrique, tellement pur. Et pas un souffle d’air.
Cette année, j’ai décidé de ne pas me consacrer exclusivement à la rentrée littéraire et de continuer à me plonger dans les oeuvre d’auteurs qui me nourrissent vraiment (et de choisir dans la rentrée des titres qui « vibrent », et il n’y en a pas des dizaines). Et, en ce moment, Philippe Besson correspond parfaitement à mes désirs. En fait, j’avais acheté ce roman pour l’Italie, car il se passe en Italie, mais j’y ai lu fort peu et ce n’est qu’à mon retour que je m’y suis consacrée.
C’est pour s’isoler et écrire que Louise s’est installée quelque temps dans la maison de son ami Anna, à Livourne. Elle se consacre donc exclusivement à l’écriture d’un roman qui ressemble fort aux Passants de Lisbonne. Mais ce qu’elle n’a pas prévu, c’est l’irruption dans sa vie de Luca et de sa jeunesse, et le grave accident de son mari François qui la rappelle à Paris. Ce qu’elle n’a pas prévu, c’est de devoir faire un choix…
Ce roman m’a fait penser à la carte de l’amoureux dans le Tarot, qui représente un personnage tiraillé entre une jeune femme blonde représentant les amours illusoires et la facilité, et une femme plus âgée qui représente le véritable engagement ; mais bien sûr chez Besson ce n’est pas si simple, rien n’est simple, d’autant qu’en lisant ce texte après ses trois « coming out » autobiographiques, on comprends bien comment ici comme toujours Besson brouille la frontière entre le réel et la fiction, tout comme le fait Louise (la même que dans Se résoudre aux adieux ?) dont on a bien compris qu’elle était un avatar, émotionnel sinon biographique, de l’auteur. Un magnifique personnage d’ailleurs, en qui je me suis beaucoup retrouvée (son indépendance, son besoin d’isolement et de solitude farouche même si je me soigne), tout en me retrouvant beaucoup en François, cette capacité d’amour qui m’a profondément touchée.
La fiction, le réel dansent ici en un vertigineux pas de deux. Et l’amour : dans la chaleur et la torpeur de l’Italie, la pulsion de vie, le désir (et encore une fois : que Besson décrit merveilleusement les morsures du désir !). L’auteur interroge le couple, l’amour et le temps dans ce roman où éclate plus que jamais me semble-t-il l’influence durassienne, que ce soit dans le rythme des phrases ou la manière de dire les choses !
Bref, un roman lumineux et douloureux, qui m’a percutée (même si je désapprouve un peu la fin…). Je crois que l’une de mes activités des saisons intérieures sera de lire tout ce que je n’ai pas encore lu de l’auteur (vous êtes prévenus).
De là on voit la mer
Philippe BESSON
Julliard, 2013 (10/18, 2014)
Tu parles d’influence durassienne et en effet, ce roman de Besson m’avait fait penser aux « petits chevaux de Tarquinia ». Les deux ont la même atmosphère envoûtante dans cette torpeur de l’été italien !
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