La présence pure et autres textes, de Christian Bobin : Être poétiquement au monde

La présence pure, de Christian Bobin : Être poétiquement au monde

Un jour d’été, à Grasse, je marchais dans les rues sous un soleil dément. Je suis passé devant une fenêtre basse, presque au niveau du trottoir. Sans ralentir mon pas, j’ai regardé à l’intérieur. Il y avait de l’ombre et un couple en train de s’embrasser. Cette vision a duré deux secondes. Elle m’a rafraîchi pour la semaine. C’est la même image que je surprends chez Mozart : deux notes qui s’embrassent dans la pénombre. J’ai pour le réel une amitié furtive. Je ne vois bien qu’à la dérobée. Qu’il y ait, en cet instant où j’écris, deux personnes qui s’aiment dans une chambre, deux notes qui bavardent en riant, c’est assez pour me rendre la terre habitable. 

Je ne sais pas trop pourquoi, en ce moment, si la fiction ne me nourrit guère, j’ai en revanche besoin, envie de poésie, alors qu’en temps normal et en tant que genre littéraire au sens strict, je n’en lis pas beaucoup (et je suis strictement incapable d’en écrire, mais si ça se trouve, ça va venir). Alors j’ai eu envie de me replonger dans Christian Bobin, que je n’avais pas lu depuis longtemps. Et le hasard est tombé sur ce recueil, je pense à cause du titre.

Comme son titre l’indique, ce recueil est composé de plusieurs textes assez différents les uns des autres tant par la longueur, la forme ou le sujet : L’autre visage ; Lettre pourpre et autres textes ; Mozart et la pluie ; un désordre de pétales rouges ; l’Équilibriste ; La Présence pure et Le Christ aux coquelicots. 

L’autre jour sur Instagram, sous ma photo du livre de François Solesmes Les Murmures de l’amour, j’avais écrit que c’était un texte « qui fracture l’âme pour laisser entrer la lumière », et une de mes « followeuses » a relevé cette expression, et m’a demandé si j’étais une fan de Bobin. De fait, je n’y avait pas du tout pensé en l’écrivant (j’avais ce recueil sur la table, mais je ne l’avais pas encore commencé), mais je crois que Bobin m’a effectivement beaucoup influencée de manière inconsciente : pas forcément mon écriture bien sûr ; pas non plus dans ma spiritualité (ses textes d’inspiration chrétienne sont ceux qui me touchent le moins, même si Le Christ aux coquelicots est un magnifique texte) ; plutôt dans ma manière d’être au monde. Lire Christian Bobin, c’est à chaque fois se retrouver face à (dans) une déflagration de beauté et de poésie pure, qui donne à l’univers une densité autre, plus profonde et plus vaste. Habiter le monde autrement, en y cherchant malgré tout l’émerveillement et la joie. Toujours, malgré ce qui fait frémir.

Aimer, écrire : c’est finalement ce beau programme qu’il nous propose, et j’y souscris totalement.

La Présence pure et autres textes
Christian BOBIN
Gallimard, 2008/2018

4 commentaires

  1. Miss Zen dit :

    Lecture de tes 3 derniers billets et voila 3 livres en plus sur ma liste ! Va falloir prolonger les vacances ou écourter les nuits….

    J’aime

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