Parce que la joie nous ouvre alors mieux et d’autre manière au monde, nous nous mettons à l’habiter poétiquement. Si nous avons plus souvent les yeux tournés vers l’intérieur (le grand désir rend pensif), ils se posent aussi avec une nouvelle acuité sur les jolis détails et se projettent plus loin vers l’espace et les paysages, parcourant sans cesse l’ample spectre du visible et de l’admirable. La poésie devient notre mode de perception, nous sommes sensibles comme jamais à la splendeur et aux beautés simples. Le désir exalte la poésie du monde.
En janvier, j’avais été totalement cueillie par le petit essai de Belinda Cannone, L’Ecriture du désir, et très logiquement j’ai eu envie de suivre le fil de ses textes sur le sujet (jusqu’ici, je ne la connaissais que comme universitaire, attendu qu’elle enseigne la littérature comparée) et notamment ce Petit Éloge du désir.
A la fois essai (il y a une véritable réflexion théorique) et poésie lyrique et intime, ce petit éloge se constitue de 250 fragments pour dire le désir.
Et c’est beau. A chaque page ou presque, un fragment qui vibre, résonne — vrille aussi parfois lorsque j’ai l’impression que ça, j’aurais pu l’écrire, avec les mêmes mots (le Truc, c’est aussi beaucoup de fragments sur le désir et l’amour, beaucoup plus de 250, mais certains mots de Belinda Canonne y trouveraient tout à fait leur place — à force de trouver de nouveaux textes qui m’enchantent, je vais être obligée de me lancer dans un tome 2). La tension du corps. La douceur, les odeurs. L’élan. Etre plus présent au monde, plus vaste, amplifié, plus vivant.
Il y a cependant une petite chose qui m’a ennuyée, c’est la question de l’impermanence du désir qui nécessairement finit un jour par mourir, par s’épuiser ; et comme je n’ai pas bien compris le lien que faisait l’auteure entre l’amour et le désir (j’imagine qu’il y en a un), certains fragments m’ont laissée perplexe, mais ce n’est pas grave tant d’autres m’ont totalement illuminée !
Petit Éloge du désir
Belinda CANNONE
Gallimard, Folio, 2013