A 46 ans, il avait passé exactement autant de temps en URSS qu’aux Etats-Unis, mais sa vraie patrie était ici, en Amérique. Pas seulement grâce au changement de passeport, mais surtout à cause de cette université, de ses recherches qui le passionnaient, de Stephan qu’il pouvait aimer sans honte, alors qu’il entendait des horreurs sur la traque des couples homosexuels en Russie ; bref de toute cette existence qu’il s’était construite, librement. Rien ne lui ferait déserter ce pays qui avait accueilli un thésard impécunieux et lui avait ouvert une voie royale.
J’ai découvert Isabelle Autissier auteure avec son dernier roman, Soudain, seuls, qui m’avait fait forte impression, et il était donc somme toute logique que je poursuive ma découverte avec son dernier né, qui nous entraîne (entre autres) dans les grands espaces sibériens…
23 ans après avoir fui ce qui était alors l’URSS en se jurant de ne plus jamais y poser les pieds, Iouri revient à Mourmansk, réclamé par son père qui va mourir. C’est pourtant bien lui qu’il avait fui, ce père violent, pour devenir ornithologue aux Etats-Unis, et il n’a donc aucune raison de lui accorder cette faveur. Pourtant, une force supérieure semble l’y pousser. Et si son père veut lui parler, ce n’est pas pour une réconciliation : Rubin veut lui parler de Klara, sa mère, morte lorsqu’il avait quatre ans, non d’une pneumonie comme cela a toujours été raconté, mais sans doute envoyée au goulag. Et il veut que Iouri cherche la vérité sur sa grand-mère…
Un excellent roman, à la fois très émouvant, sensible et délicat, et épique. Trois temporalités se superposent : celle de la Russie actuelle, celle du vague dégel au milieu des années 80, et celle du pire de la répression stalinienne, où faire une collection de timbre pouvait vous envoyer au goulag pour activités antisociales. Ce dont il est question ici, c’est des hommes face à l’Histoire et à leur histoire, sans la connaissance de laquelle ils ne peuvent pas accéder réellement à la liberté. La violence implacable du monde et, pour Rubin, l’absence d’une mère, qui le façonne malgré tout. La nature, à la fois hostile et bienveillante, celle des chalutiers qui pêchent en mer, celle des îles désertées et des steppes où vivent les nomades, celle des oiseaux, appel vers la liberté et l’ailleurs. Et puis, Klara, personnage absolument sublime, plus forte et plus lumineuse que tous les hommes, appel au courage et à la résistance.
Vraiment, un très beau roman sur ce qui nous construit parfois malgré nous. A découvrir d’urgence !
Oublier Klara
Isabelle AUTISSIER
Stock, 2019
Je n’ai encore jamais lu cette auteure… Par contre j’avais assisté à l’une de ses conférences et lectures et j’avais trouvé cette lecture soporifique, ce qui, du coup, m’a toujours tenue éloignée de ses écrits. Il faudrait peut-être que je passe au dessus de cette mauvaise expérience…
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Ah mince…
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