La chance de l’écrivain, de David Lodge : la fabrique de la fiction

La chance de l'écrivain, de David Lodge : la fabrique de la fiction

« Writer’s luck » est une expression qui s’applique généralement à la bonne fortune, à la chance, et je me considère bien sûr comme privilégié d’avoir publié mes romans les plus populaires pendant une période où la fiction littéraire a connu une sorte de boom en Grande-Bretagne. L’expression peut aussi s’appliquer à la découverte d’un sujet prometteur — par exemple, quand Thomas Keneally est entré un jour dans un magasin de maroquinerie à Los Angeles pour acheter un porte-documents et que le propriétaire lui a parlé d’Oscar Schindler. Sans le hasard de cette rencontre il n’y aurait pas eu de Liste de Schindler. Je n’ai pas bénéficié d’un cadeau aussi fantastique que celui-ci, mais il y a beaucoup d’épisodes évoqués dans ces pages où le hasard a joué un rôle crucial pour inspirer et faciliter le développement de certains éléments importants d’une oeuvre de fiction. Les mots « chanceux » ou « heureux » apparaissent fréquemment dans ce livre. Mais aussi, dans une moindre mesure, « malchanceux » et « malheureux », car la déception et la frustration sont, pour des raisons échappant à votre contrôle, des risques inhérents à toute activité artistique. Mon expérience en la matière est elle aussi évoquée ici. 

David Lodge est un romancier que j’adore, même si je n’en ai parlé qu’une fois : le fait est que tout ce que j’ai lu de lui (pas tout, mais quand même beaucoup), je l’ai lu avant le blog, et que le premier volume de son autobiographie, Né au bon moment, paru en 2015, a pour une raison mystérieuse totalement échappé à mes radars. Cela dit, il n’est pas indispensable de l’avoir lu pour se plonger dans ce second volet.

Ici, David Lodge se consacre aux années 1976-1991, soit la période médiane de sa vie et l’apogée de sa carrière littéraire et universitaire.

Un récit qui m’a passionnée — ce qui n’a rien d’étonnant, vu que je n’aime rien tant que lorsque les écrivains parlent de leur travail — même si à bien des égards le début fonctionne un peu comme un Cerbère gardant le seuil du texte et pouvant décourager certains lecteurs : romancier et critique universitaire, David Lodge nous entraîne d’abord, dans des passages très théoriques, dans l’art du roman, la manière dont il écrit les siens, ses choix narratifs : cela m’a rappelé nombre de souvenirs universitaires, et m’a bien sûr intéressée à titre personnel, mais je pense que d’autres seront peut-être perdus ; en revanche, j’avoue que les pages sur la scolarité de ses enfants ne m’ont guère passionnée. Disons que j’ai trouvé que le récit peinait un peu au démarrage, mais une fois atteint le rythme de croisière, je ne l’ai plus lâché, stimulée par les passages passionnants sur l’enseignement de la création littéraire, les colloques, les conférences, et bien sûr l’écriture et la vie d’écrivain.

David Lodge a vraiment une vie passionnante et ses activités sont d’une variété qui donne vraiment envie. Beaucoup de chapitres sont consacrés à l’écriture d’Un tout petit monde, roman auquel je voue un véritable culte, et plus généralement aux mutations du travail de l’auteur, avec les enjeux de plus en plus importants de la promotion, des prix (et notamment de très intéressantes pages sur le Booker, que l’on peut mettre en perspective avec le Goncourt), les critiques, les adaptations télévisées, les éditions étrangères (avec un très bel hommage à la France). Et les aléas de la mise en scène d’une pièce.

Fascinant donc, ce récit m’a aussi donné envie de me plonger dans certains textes que je n’ai pas lus, et notamment la pièce L’Atelier d’écriture dont il parle longuement. Malheureusement elle n’est plus disponible et je lance donc un appel désespéré aux éditions Rivages !

La chance de l’écrivain
David LODGE
Traduit de l’anglais par Maurice et Yvonne Couturier
Rivages,2019

2 commentaires

  1. Mind The Gap dit :

    Heu…sa vie a l’air passionnante mais la raconter. Bon en même temps, je ne sais pas de qui il s’agit, le nom me parle mais c’est tout.

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    1. Je pense qu’il faut quand même aimer ses romans pour s’intéresser à son autobiographie !

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