Dans plusieurs de mes livres, plus tard, je raconterai des rencontres de ce genre : le type qui se plante là, face à l’autre, et lui balance, l’air de rien, son désir, le type qui emploie des mots presque ordinaires tout en sachant que celui à qui il les destine entendra tous les sous-entendus. Je raconterai ces fulgurances, ces immédiatetés, la nécessité implacable. On y décèlera quelquefois un procédé romanesque, une facilité, on m’objectera que ça n’existe pas, dans la vraie vie, pareille brutalité et moi, je ne répondrai rien alors, je ne répondrai pas à l’objection, je me contenterai de me souvenir de Paul Darrigrand, ce jour-là de l’automne 88. J’aurai un léger sourire.
Toujours un peu bloquée niveau fiction, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de me tourner vers une valeur sûre, un auteur qui me bouleverse à chaque fois et dont la sensibilité répond à la mienne, et un texte que j’étais sûre d’aimer : Philippe Besson. Alors vous me répondrez que ce n’est pas strictement de la fiction, vu qu’avec Un certain Paul Darrigrand il poursuit la veine autobiographique commencée avec Arrête avec tes mensonges. Mais justement, c’était un peu l’idée…
Alors qu’il s’apprête à déménager, le narrateur tombe sur une vieille photographie datant de sa dernière année d’études, le représentant avec un certain Paul Darrigrand, avec qui il a vécu une histoire d’amour qui l’a profondément marqué. Les souvenirs affluent, et il se met à écrire, comme si, toutes ces années, il n’avait gardé cette photo que pour ça, en faire un livre.
J’ai dévoré ce roman, qui m’a littéralement bouleversée. Il s’agit d’abord d’une histoire d’amour, illégitime puisque Paul est marié, et encore une fois le talent de Philippe Besson pour parler du sentiment amoureux avec sensibilité et sensualité touche en plein cœur : il décortique ici la passion, le désir, mais aussi la dépendance et l’infériorité en amour de celui qui aime plus, et est soumis au bon vouloir de l’autre. Ici l’amour est transformateur : jeune homme qui n’a finalement jamais été vraiment jeune, solitaire, silencieux, peu sociable, d’un sérieux de Commandeur, mélancolique et pessimiste, écartelé aussi, le narrateur se métamorphose ; il devient plus ouvert, et sans doute aussi c’est là qu’il devient romancier : encore une fois, on comprend comment, finalement, pendant toutes ces années, il écrivait de la fiction, revendiquait la fiction, qui n’en était en fait pas. L’amour, et la maladie : Besson a déjà parlé du SIDA, qui a touché nombre de ses amis, mais pas ce celle qui l’a touchée lorsqu’il était étudiant, ou plutôt il l’a fait, mais dans une fiction, Son frère : ici, il nous dévoile l’envers du décor, et la manière dont l’expérience intime est devenue un roman.
Une très belle lecture, très touchante, sur les amours de jeunesse qu’on n’oublie jamais et qui font ce que nous sommes ! Une lecture qui m’a, aussi, sortie de mon blocage (je préfère toujours lire des essais, mais j’arrive à me plonger dans des romans…)
Un certain Paul Darrigrand
Philippe BESSON
Julliard, 2019
Je suis plutôt en froid avec cet auteur car malgré plusieurs essais, je n’accroche pas à ses livres ( à cause de l’écriture je pense)
J’aimeJ’aime
C’est possible, son écriture est très particulière !
J’aimeJ’aime
Contrairement à Clara, j’apprécie beaucoup cet auteur et j’ai particulièrement aimé son dernier livre « Arrête avec tes mensonges ». Je découvrirai très certainement celui-ci dès que l’occasion se présentera.
J’aimeJ’aime
Ouiiiii !
J’aimeJ’aime