Partiellement nuageux, d’Antoine Choplin : histoire et mémoire

Partiellement nuageux, d'Antoine Choplin : histoire et mémoire

C’était bien Paulina sur le mur. Sûr que c’était elle. Même si, de plus en plus souvent, il m’arrivait d’en douter. A force de l’observer, son image vivante finissait par se déliter et n’être plus rien d’autre qu’une pièce infime de ce foutu puzzle. Alors je la perdais pour de bon et ça me faisait comme un tour de vis dans le ventre. En fait, ce mur me déprimait. Ce mur, ce musée, tout ce bastringue.
Alors voilà. Cette fois, c’était bien fini, je m’étais dit. J’y remettrais plus les pieds.

Le plaisir de retrouver Antoine Choplin, dont j’avais découvert l’écriture avec son dernier roman, Quelques jours dans la vie de Tomas Kusarqui m’avait charmée. Après  la Tchécoslovaquie communiste luttant pour se libérer du joug, il nous entraîne cette fois dans le Chili post-Pinochet, encore marqué par les stigmates de la dictature.

Ernesto, le narrateur, est astronome et travaille sur la tarentule, une nébuleuse située dans le grand nuage de Magellan. Pour une question de subvention pour son télescope, il quitte Quidico, un lieu isolé isolé en territoire mapuche, pour un court séjour à Santiago. Alors qu’il s’était promis de ne plus y mettre les pieds, ses pas le portent malgré lui au musée de la Mémoire, devant le mur des disparus, où il voit pour la première fois Ema, elle aussi hantée par le passé…

Tout fait sens dans ce roman, et j’ai, je l’avoue, vacillé en tombant dès les premières pages sur la figure de la tarentule, qui hantait déjà le roman que je venais de refermer : tarentule, tarentelle, danse cathartique permettant de guérir un malade souffrant d’une morsure d’araignée. Et c’est bien de catharsis dont il s’agit ici : purger le passé, guérir la morsure de l’araignée dictature qui pèse sur les êtres encore des années après. Comment ? En se plongeant dans la poésie du monde, celle du désert et de l’océan, celle du cosmos, celle de la sagesse des Indiens qui dressent des totems face à l’île aux morts pour ne pas oublier leurs disparus sans être oppressés par eux. En se plongeant en soi, dans sa grotte, pour écrire de la poésie et dessiner des oiseaux. En dansant. En aimant, à nouveau…

Un très beau roman, plein de grâce malgré le sujet, plein de vie, très délicat, et d’un très bel optimisme !

Partiellement nuageux
Antoine CHOPLIN
La fosse aux ours, 2019

4 commentaires

  1. Pourquoi pas… les romans qui sont « post dictature » sont souvent intéressants du point de vue humain. Je note.

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  2. Tentant mais je lirai sans doute avant « Quelques jours dans la vie de Thomas Kusar ». J’ai plus d’affinités avec la Tchécoslovaquie qu’avec le chili.

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  3. J’ai adoré « Le héron de Guernica », bien envie de découvrir celui-ci, merci !

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    1. Je ne l’ai pas lu celui-là

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