Le visage de la lune me nargue. Bientôt je redeviendrai l’enfant fébrile, redoutant l’humeur noire maternelle, prête à exploser. Longtemps j’ai subi les cycles de sa dépression, à leur point d’orgue sous la pleine lune. Crises d’angoisse, séquences drolatiques où chaque chose est répétée maintes fois, mascara dégoulinant sous les yeux, rouge à lèvres qui déborde, mèches tourmentées, appels à l’aide, menaces de suicide par courrier. « Personne ne m’aime, je dois partir, vous n’aurez rien. » Trouver la lumière, tout boucler, revenir, elle débitait de folles paroles, nous ne valions rien, ne faisions rien pour l’aider, elle pleurait, gémissait. Complainte d’une louve désespérée levant la tête vers l’astre jaune.
On va encore me dire que je suis monomaniaque et que lorsque j’ai un truc en tête il n’y a pas moyen de l’en sortir, mais voilà encore un roman, le premier de son auteure, que j’ai lu à travers le prisme de Femmes qui courent avec les loups : une histoire de féminin abîmé et à guérir. Cela dit, le roman étant lui-même tissé (et c’est le cas de le dire) de symboles et motifs archétypaux, je ne crois pas surinterpréter.
Suite à la troisième tentative de suicide de sa mère, à laquelle elle décide de ne plus parler pour se préserver, Maud replonge dans ses souvenirs d’enfance avec cette femme pour le moins particulière. Une enfance instable. Comment, avec une telle mère, se construire ?
Encore une fois, donc, une histoire de féminin abîmé : comment se construire en tant que femme quand le modèle maternel, instable, ne cesse de tanguer, ne guide pas, ne parvient pas à s’ancrer, trop clivée, prise dans des cycles de maniaco-dépression et navigant entre plusieurs hommes ? Si la première partie du roman constitue une traversée de la forêt de l’enfance et des souvenirs à l’aide des carnets intimes pour faire surgir les blessures enfouies, la deuxième partie, encore plus symbolique, est une exploration de la maison maternelle : descendre au plus profond, dans la cave, pour affronter enfin la mère araignée et se libérer de sa toile. Malgré tout, il en ressort un amour infini pour cette mère (dont l’enfance étouffée par la figure paternelle aurait pu être un tout petit peu plus creusée, je pense) pourtant terrifiante et dévorante. Mais pour avancer, il faut aussi, parfois, couper les liens…
Un très beau premier roman, très touchant, parfaitement maîtrisé à la fois sur le plan narratif et sur le plan symbolique : un travail en profondeur sur les mythes (et notamment la mythologie égyptienne) et les schèmes psychanalytiques, sans pour autant être lourd et démonstratif. Très prometteur !
Nous ne sommes pas de mauvaises filles
Valérie NIMAL
Anne Carrière, 2019
Il m’attend !
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bonne lecture !
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Moi, c’est ma grand mère qui était comme cela, donc ma mère qui a supporter et subi ça (même si nous, petits enfants, le subissions aussi, mais sans mots à mettre dessus, secrets…) Et quand ma mère c’est libérée de toile… l’araignée est morte quelques mois plus tard…
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