Parce que les tatouages sont notre histoire, d’Heloïse Guay de Bellissen : la mémoire dans la peau

Parce que les tatouages sont notre histoire, d'Heloïse Guay de Bellissen : la mémoire dans la peau

Le corps, un livre non écrit mais qui ne demande que ça. L’écriture c’est une histoire intérieure imprimée. En nous, elle mord et se défend de le faire. Elle marque, cogne, gifle, parfois caresse. Une épitaphe joyeuse inscrite en dedans à qui on donne la vie, qu’on sort de la tombe. Ecriture et tatouage, ensemble : des gestes premiers et indélébiles, qui réveillent des peaux qui avaient cessé de vivre. Le tatoué et le regardeur, l’écrivain et le lecteur. Se faire dessiner le corps c’est muter et devenir un personnage, se « fictionner ». 

L’année dernière j’ai beaucoup lu sur les tatouages, leur histoire, leur signification. Et au fil de mes lectures (et de mes questionnements sur moi) il m’est venu comme une évidence que je devais m’en faire un. Ce n’est pas de l’ordre d’une envie esthétique (et d’ailleurs, il n’est pas prévu pour se voir), mais de la nécessité ontologique. Comme un rite de passage, la conclusion d’une métamorphose. J’ai le motif, j’ai l’emplacement, j’ai même le salon et la tatoueuse (que je n’ai pas contacté, mais c’est un détail), il ne me manque plus que l’impulsion, le déclic : le moment où je saurai que c’est, justement, le moment. Alors, bien sûr, j’avais très envies de lire ce qu’Héloïse Guay de Bellissen, elle-même de multiples fois tatouée et mariée à un tatoueur, avait à dire sur le sujet.

Pour l’auteure, le tatouage est une forme d’écriture, et dans le texte elle se désigne comme « la femme livre » : marque indélébile sur le corps, fait d’encre, il raconte une histoire, notre histoire. Le récit mélange et alterne des sortes de méditations sur le sujet, des témoignages personnels, et des expériences de tatoués d’hier et d’aujourd’hui, des gens qui ne se connaissent pas, qui n’ont pas les mêmes histoires mais qui ont pourtant quelque chose de commun.

Ce récit a fait trembler quelque chose en moi. Charnel, corporel, vital, il est animé d’une véritable pulsation, voire pulsion de vie, à la fois très poétique et presque animal. In-carné. Ici, le tatouage, bien sûr, n’est pas un ornement, un effet de mode : il retrouve son sens premier de rituel, de signifiant. On se fait tatouer pour s’appartenir, s’aimer, se réconcilier, marquer un moment, passer une étape, exorciser, s’affranchir. Les histoires de ceux qui passent dans le salon de son marié, liés par l’esprit à d’autres personnages du passé, sont différentes, mais souvent profondément émouvante. Le tatoueur n’est pas seulement un artiste : il est aussi une sorte d’accoucheur d’âmes.

Le tatouage, c’est un voyage vers soi, et à chaque fois, il se passe quelque chose. Il nous raconte. C’est ainsi, en tout cas, que je le conçois, comme l’auteure.

Parce que les tatouages sont notre histoire
Héloïse GUAY DE BELLISSEN
Robert Laffont, 2019

9 commentaires

  1. Très bel article merci pour la découverte

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  2. Karine:) dit :

    Ça m’intéresse, ça. Je me demande toujours si je devrais… mais on dirait que je n’ose pas et que j’ai peur de me tanner…

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  3. Anthony dit :

    J’ai fini ce livre en deux jours! Plein de petites nouvelles et d’anecdotes absolument géniales! Qu’elles soient vécus ou historiques, les histoires que j’ai pu y lire étaient passionnantes! Deux en particuliers ont retenus mon attention: les origines maoris du tatouage et celle du graffeur au chat! A mettre entre toutes les mains! Quelles soient tatouées ou non!

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  4. noctenbule dit :

    J’espère que tu trouveras le déclic qui t’incitera à encrer ta vie.
    J’ai acheté le livre sur ton conseil. Merci.

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