Les Bouées jaunes, de Serge Toubiana

Les Bouées jaunes, de Serge Toubiana

Les Bouées jaunes, de Serge ToubianaEcrire pour être à ses côtés et prolonger le bonheur d’avoir vécu auprès d’elle. Ecrire pour combler le vide, l’absence. Pour raconter le film de sa vie. Et faire en sorte qu’il ne soir jamais interrompu.
Je n’ai pas décidé d’entamer l’écriture de ce livre, la veille de sa mort. C’est lui qui s’est imposé à moi, comme une évidence. Avec cette image d’elle nageant du côté des bouées jaunes. Ecrire est devenu ma bouée, et je me suis accroché à elle. Ce livre m’a pris par la main et m’a conduit, jour après jour, en m’aidant à faire le deuil d’Emmanuèle. Ecrire, c’est avoir rendez-vous chaque jour avec elle. Il est aussi un cadeau qu’elle me fait, après sa mort.

L’amour est plus fort que la mort.

Emmanuèle Bernheim est morte d’un cancer le 10 mai 2017. Serge Toubiana, son compagnon, raconte ici ses derniers mois, mais aussi leurs années de vie commune.

Un récit absolument bouleversant, extrêmement douloureux (car quelle plus grande douleur que la perte de l’être aimé ?) et en même temps habité d’une merveilleuse lumière, celle de l’amour absolu : par-delà la mort, Serge Toubiana fait ici une merveilleuse déclaration d’amour à la femme qu’il aime et qu’il a perdue, et qui m’a beaucoup rappelé le très beau Edwige d’Edgar Morin. Sublime et émouvant est le portrait de cette femme, que je ne connaissais pas, sinon de nom — mais je pense que cette lacune sera assez vite comblée tant je suis persuadée que ses romans vont beaucoup me parler — et avec qui je me suis sentie totalement en phase notamment en ce qui concerne sa vision de l’art et du monde, de l’écriture et des hommes ; ainsi, alors qu’ils étaient amis mais pas encore en couple, Emmanuèle tombe amoureuse, et Serge Toubiana s’interroge sur cette histoire : Était-elle tombée amoureuse de cet acteur pour écrire, pour déclencher son désir d’écriture, ou pour vivre une histoire d’amour ? Je m’interroge, mais j’ai l’intuition que ses histoire d’amour, avec cet acteur anglais comme avec d’autres hommes, lui servaient en quelque sorte de matériau d’expérimentation pour à la fois combler un manque affectif et susciter son imagination créatrice. La part autobiographique dans les romans d’Emmanuèle est essentielle. Elle avait une manière très particulière de nouer la vérité et la fiction. En fait, en lisant ça, j’ai un peu l’impression qu’on parle de moi.

Nourri de littérature et de cinéma, ce récit a de toute façon, dans son entièreté, fait signe et sens pour moi. Et m’a profondément remuée, avec cette histoire d’amour, qui n’est pas une évidence au départ : ils sont amis, vivent des histoires, tombent amoureux chacun de leur côté — et puis, les sentiments mûrissent, et cela devient une évidence et même pour lui une révélation existentielle : Je ne saurais dire la manière avec laquelle elle me rendait meilleur et plus vivant ou plus alerte, comme si elle révélait en moi d’autres traits de caractère, un nouvel appétit de vivre, une joie intime qui contrecarrait ma mélancolie […] Tout au long de ces années auprès d’elle, j’ai eu le sentiment qu’elle me transportait vers des zones de vie auxquelles je n’avais jusque-là jamais pu accéder. Il émanait d’elle, de tout son être, l’injonction d’exister. Peut-on dire de l’être aimé quelque chose de plus beau, de plus bouleversant que cela : il a entièrement révolutionné mon rapport au monde ?

Lisez ce récit. Il est d’une beauté douloureuse et lumineuse à la fois que l’on rencontre rarement. L’amour à l’état pur !

Les bouées jaunes
Serge TOUBIANA
Stock, 2018

2 commentaires

  1. Ariane dit :

    Le roman d’Emmanuelle Bernheim « Sa femme » m’avait beaucoup touchée

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    1. Il faut absolument que je lise ses romans, vu comme la femme m’a touchée, ça ne peut que me plaire !

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