Bakhita, de Véronique Olmi

Bakhita, de Véronique Olmi

Bakhita, de Véronique OlmiOn lui a demandé souvent de raconter sa vie, et elle l’a racontée encore et encore, depuis le début. C’est le début qui les intéressait, si terrible. Avec son mélange, elle leur a raconté, et c’est comme ça que la mémoire est revenue. En disant, dans l’ordre chronologique, ce qui était si lointain et si douloureux. Storia meravigliosa. C’est le titre de la brochure sur sa vie. Un feuilleton dans le journal, et plus tard, un livre. Elle ne l’a jamais lue. Sa vie, à eux racontée. Elle en a été fière et honteuse. Elle a craint les réactions et elle a aimé qu’on l’aime, pour cette histoire, avec ce qu’elle a osé et ce qu’elle a tu, qu’ils n’auraient pas voulu entendre, qu’ils n’auraient pas compris, et qu’elle n’a de toute façon jamais dit à personne. Une histoire merveilleuse. Pour ce récit, sa mémoire est revenue. Mais son nom, elle ne l’a jamais retrouvé. Elle n’a jamais su comment elle s’appelait.

Un des romans phares de cette rentrée littéraire, présent sur plusieurs premières listes de prix et qui vient d’obtenir celui qui ouvre le bal, le grand prix du roman Fnac. Raison d’ailleurs pour laquelle je l’ai lu, puisque cette année encore j’ai eu l’honneur d’interviewer le lauréat. Sinon, je serais peut-être passée à côté, ou j’aurais fini par le lire tout de même, mais en tout cas, je l’avoue, je ne l’avais pas repéré d’entrée de jeu (je manque parfois de nez). L’histoire est célèbre : celle de Joséphine Bakhita, une ancienne esclave déclarée sainte en 2000 ; autre aveu : je ne la connaissais pas du tout, il est vrai en même temps que je ne m’intéresse pas trop aux vies de saints. Et pourtant : quel destin exceptionnel que celui de Bakhita !

Elle ne se souvient plus de son nom, le vrai nom que lui ont donné ses parents, elle ne connaît que celui de Bakhita, qui lui a été attribué après. Née à Olgossa, au Darfour, en 1869 environ, elle a à peu près 7 ans lorsqu’elle est enlevée est vendue comme esclave…

Un destin exceptionnel, storia meravigliosa, par lequel on est happé dès les premières lignes, entraîné par une voix narrative à la fois empathique et pleine de pudeur qui ne nous lâchera pas et nous conduira de l’ombre à la lumière : parfois, la vie a plus d’imagination que le plus créatif des romanciers, et cette vie-là en est un parfait exemple. Exemplum. Elle commence par l’arrachement au paradis de l’enfance, l’esclavage, la découverte de ce que l’homme a de pire, la violence insoutenable, la perte de tout, le corps, la langue, le nom, presque parfois l’humanité : comment ne pas se transformer en animal, lorsqu’on est toujours considéré comme tel ? Mais Bakhita a cette force en elle, cette lumière étrange, cet amour inconditionnel pour les enfants qui lui permettra finalement après avoir traversé l’enfer de retrouver la liberté, malgré les secousses d’un monde qui bascule dans le chaos. La foi, mais qui me semble beaucoup plus complexe qu’une simple conversion religieuse, beaucoup plus universelle.

Un texte bouleversant, magnifiquement écrit, et qui n’a pas fini de faire parler de lui…

Bakhita
Véronique OLMI
Albin Michel, 2017

1% Rentrée littéraire 2017 — 14/18
By Herisson

10 commentaires

  1. Mind The Gap dit :

    Je ne connaissais pas du tout cette histoire et cette femme. Par contre je suis un grand fan de Véronique Olmi, grande auteur, discrète, qui ne fait pas de vagues. Cette année, elle est sous le feu des projecteurs, c’est mérité mais je ne sais pas s’il faut s’en réjouir pour la suite. Je parie qu’elle sera dans la sélection finale du Goncourt et même plus….

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  2. Jerome dit :

    Un prix Fnac amplement mérité alors !

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  3. Aurélie dit :

    J’adore cette auteure, elle écrit avec finesse mais aussi fantaisie, une écriture que je qualifierais d’onirique ! Vous m’avez donné envie de lire celui-ci !

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