On communiquait comme on consommait. La société de consommation avait tout pourri. Tout. Chaunier savait bien qu’il affirmait là, intérieurement, un truisme. Qu’importe : il ne pouvait pas s’y faire. Tout allait trop vite pour lui. Il se sentait à la fois résolument libertaire, révolté, toujours prêt à en découdre, et terriblement réactionnaire, nostalgique d’un monde d’avant. Celui des autorails avec la bonne odeur du gas-oil, cheminant, lents, calmes, dans les plaines crayeuses et les petits bois frais, de la Champagne, de la Thiérache, ou dans les doux escarpements si français, des lointains du Massif Central ou des Vosges. Non seulement l’époque emmerdait Chaunier ; pire : elle le dégoûtait. Même les télécommandes des téléviseurs lui donnaient la nausée ; il lui arrivait encore de rêver du premier téléviseur noir et blanc Ribet Desjardins de ses parents. Deux ou trois boutons, rien de plus. Une antenne sur le toit. Thierry la Fronde ou Belphégor ou les Compagnons de Jéhu apparaissaient à l’écran. On ne devrait jamais quitter son enfance, songea Chaunier, comme Lino Ventura l’eût dit de Montauban.
Un joli titre pour cette huitième découverte de la Rentrée Littéraire, et un roman totalement à rebours de mes lectures habituelles et de la modernité heureuse que je prêche…
Pierre Chaunier est un journaliste à l’ancienne, communiste à l’ancienne, bref, un homme à l’ancienne. Il boit trop et le sait, a une peur panique de l’engagement depuis que Géraldine l’a quitté, et voue une haine farouche aux nouvelles technologie qui, il faut bien le dire, le lui rendent bien…
Un roman, donc, qui aurait pu, et même dû, m’agacer : un peu trop d’Internationale et de CGT, un peu trop de France profonde, un personnage principal assez insupportable dans son attitude réactionnaire et ses beuveries incessantes. Et pourtant. Pourtant, Pierre Chaunier, malgré ses défauts, devient vite attendrissant, amusant aussi par moments, mais surtout touchant, dans sa lutte contre les objets qui lui résistent : un téléphone rétif, un GPS vicieux, un logiciel de mise en page hostile. Si les objets ont une âme, ils conspirent tous à nuire à notre anti-héros bourru, qui se débat sans fin dans une modernité qui ne veut pas de lui, et qui dans sa lutte ne peut même pas compter sur les femmes, sauf peut-être l’Orangée de Mars, apparue un soir de pluie et qui depuis hante ses pensées. Alors que reste-t-il ? L’alcool, les amis, et un petit journal où on travaille encore à l’ancienne, dans une région de France où le temps semble s’être arrêté.
Jolie rencontre donc que ce roman parfois très drôle, un brin absurde par endroits, burlesque, mais surtout mélancolique et nostalgique, désabusé, un peu à la Houellebecq, en moins cynique. Une plongée dans ce monde des exclus de la modernité, et un beau roman d’amitié.
Le Chemin des Fugues
Philippe LACOCHE
Editions du Rocher, 2017
1% Rentrée littéraire 2017 — 8/6
By Herisson
Un auteur que je fréquente régulièrement dans les salonspuisqu’il est de chez moi (la France profonde^^). Clairement, son univers est très éloigné du tien !
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Clairement ! Mais pourtant ce roman m’a séduite !
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Il a l’air bien ce livre et en plus, c’est un auteur peu connu, enfin je crois. Pas mal de parler de livres autres que ceux dont tout le monde parle !
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Il n’est pas très connu en effet !
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Par contre il est sur la liste du Renaudot !
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Oui, j’ai vu passer ton post sur FB !
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J’avais repéré ce roman chez un libraire à Amiens. Mais je n’avais pas noté le titre ni le nom de l’auteur. Je savais juste que le titre comportait le mot « fugues ». La 4ème de couverture m’avait donné envie et ton avis confirme ma première impression. Je pense que je vais le lire dans un avenir proche.
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chouette !
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nostalgie et mélancolie ! très bel écrit, Pierre Chaunier luttant contre les nouvelles technologies et un monde moderne qui s’emballe et oublie le principal.
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oui, très joli roman !
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Ping : Je suis ce que je lis…
il nous affuble hélas de ses souvenirs répétitifs et soolographiques
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