Article 353 du code pénal, de Tanguy Viel

Article 353 du code pénal de Tanguy Viel

Article 353 du code pénal de Tanguy VielEn tout cas, c’est comme ça qu’aujourd’hui je me représente la dernière décennie quand j’en amène toutes les lignes ici même devant vous, et ça fait comme un cerf-volant dont j’actionnerais les commandes depuis une plage, comme si soudain j’avais une vue claire et comme surnaturelle du temps qui passe, mais c’est toujours facile, j’ai dit, avec le recul, de tisser les choses en destin, et alors border les années avec je ne sais quels piquets ou poteaux d’angle et même une couleur qui en déciderait la teinte définitive. Seulement, quand on était dedans, dans chaque année ouverte sur quelle bouteille de champagne, il n’y a jamais eu de carte IGN qu’on nous aurait distribuée le jour de l’an pour nous conduire dans les temps futurs. Jamais rien d’autre que les lignes un peu floues qu’on essaie chacun de dessiner pour suivre la pente des saisons, mais c’est tout. Et que tout le problème c’est qu’il faut encore prendre les virages soi-même.

Un roman au titre peu glamour, il faut bien l’avouer. Un roman dont, pourtant, on a beaucoup parlé, en bien. Je l’avais vaguement repéré, mais devant la quantité de textes qui me tentaient plus, j’ai fini par le sacrifier. Et hop, le voilà dans la sélection du Prix Relay des Voyageurs-Lecteurs 2017

Deux hommes sont à la pêche en pleine mer. L’un des deux jette autre à l’eau, rentre au port puis chez lui pour attendre la police. Le lendemain, il est dans le bureau du juge, à qui il raconte son histoire depuis le début.

Cela pourrait être un roman policier, mais non : ici, pas de suspens, l’issue fatale est connue dès la première page et le roman s’ouvre sur le meurtre en identifiant le meurtrier. Non, ce qui importe dans ce roman, c’est l’engrenage, la machine infernale qui a conduit un homme simple et sans histoires, Martial Kermeur, bon père, ancien ouvrier du chantier naval, le narrateur, à en tuer un autre, Antoine Lazenec, promoteur immobilier. Une banale histoire d’escroquerie et d’espoirs déçus : un promoteur qui se présente en homme providentiel, pour rapporter projets et énergie d’entreprendre dans une petite ville côtière étouffée par la morosité et le pessimisme, et qui ravage tout sur son passage. Un homme a qui on fait confiance parce qu’il a de l’argent et qu’il le flambe. C’est l’opposition de deux violences : la violence physique contre la violence financière et morale. Le corbeau et le renard transportés dans le monde d’aujourd’hui mais avec une autre fin : le corbeau qui crève les yeux du renard de son bec rageur.

C’est très bien fait, brillant, parfaitement maîtrisé de bout en bout, jusqu’à la fin où on apprend enfin ce qu’est cet article 353 du code de procédure pénale. Il n’y a, objectivement, aucun bémol. Sauf que voilà : je suis totalement restée à l’extérieur, admirant les coutures, l’architecture, le talent du romancier, sans parvenir pour autant à tourner les pages autrement que froidement : je n’ai rien ressenti, mais je serais bien en peine d’expliquer pourquoi !

Article 353 du code pénal
Tanguy VIEL
Editions de Minuit, 2017

Prix Relay 2017En lice pour le Prix Relay des Voyageurs-Lecteurs 2017

16 commentaires

  1. M Chardon dit :

    Un peu comme toi, admiré la bâtisse, l’architecture et l’opposition de ces deux mondes, mais pas beaucoup d’émotion ressentie, je pense que c’est parce qu’on connaît la fin dès le début !!! Ceci dit la progression est excellemment décrite.

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    1. Ah mais c’est excellemment fait, c’est clair !

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  2. Maned Wolf dit :

    Oh zut ! Il me faisait déjà très envie, j’espère que je resterai moins extérieure au récit que toi 🙂

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  3. enpochezmoi dit :

    J’ai commencé à lire ta chronique en me disant « chouette ca ressemble un peu au Leïla Slimani »….et puis non…. J’attendais que tu l’aies fini pour savoir si j’allais l’acheter ou non, mais du coup je pense que je l’attendrai en version poche.
    Par contre puisqu’il est dans la sélection du prix Relay, je ne peux que t’encourager à lire « La tresse » de Laetitia Colombani qui a été un vrai coup de coeur me concernant avec bien plus d’émotions & de ressentis auxquelles on peut s’identifier en tant que femmes.

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    1. Je vais lire toute la sélection de toute façon ! Mais effectivement, j’ai terminé le Colombani hier et il est formidable !

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  4. Nina dit :

    Magnifique article qui donne envie jusqu’au couperet final où du coup, je ne sais que faire ! Ce livre m’intrigue… mais je verrai à l’occasion je crois…

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    1. Après, il y a une part très personnelle dans ma réserve et je suis a priori la seule ou presque !

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      1. Nina dit :

        D’accord… Et bien, je verrai alors 🙂

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  5. anaverbaniablog dit :

    Pareil que Nina, je suis intriguée, mais pas tout à fait prête à m’y « risquer ».

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    1. Ce n’est pas violent émotionnellement, du coup, je trouve !

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  6. J’ai lu le court extrait que tu proposes au début de cet article et comme toi, je n’arrive pas à entrer dans le texte. Serait-ce un problème avec la syntaxe? C’est dommage car le postulat de départ est bigrement intéressant.

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    1. Non, je ne crois pas que ce soit un problème de syntaxe, pour ma part…

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  7. kathel dit :

    Je l’ai noté et l’attends à la bibliothèque. Je n’étais pas assez tentée pour l’acheter, et, à lire la fin de ton billet, j’ai bien fait !

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    1. Non, pas forcément, apparemment je suis assez seule…

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