Cinquante ans d’élégances et d’art de vivre, de Cecil Beaton

Cinquante ans d'élégances et d'art de vivre de Cecil Beaton

Cinquante ans d'élégances et d'art de vivre de Cecil BeatonAux critiques sérieux qui dénieraient l’importance de la mode, on peut répondre par un paradoxe. Oscar Wilde fit observer que nous n’avons pas les moyens de nous passer du luxe, apportant ainsi une variante à la célèbre maxime taoïste qui dit que seuls ceux qui savent l’importance de l’inutile peuvent se prononcer sur l’utile. Mais parmi les nations occidentales, la France au moins semble avoir pris à coeur ce sage précepte. Elle a toujours travaillé à élever la mode et les arts mineurs de l’élégance à un degré de perfection comparable à celui de sa littérature et de sa peinture.

Cecil Beaton est un célèbre illustrateur et photographe de mode ayant collaboré aux plus grandes publications, et notamment Vogue ; il fut aussi l’un des acteurs principaux de la vie mondaine : qui mieux qu’un tel personnage, peut donc nous parler de la mode, de l’élégance, de l’art de vivre ?

Préfacé par Christian Dior, ce recueil de dix-huit chroniques nous invite donc à un voyage où, à travers des portraits, Cecil Beaton réfléchit à ce qu’est l’élégance. Non pas le clinquant, le bling-bling vulgaire et tape-à-l’oeil : la véritable élégance, qui n’est pas seulement celle de la mode, mais s’inscrit au sein de tout un ensemble de manières de vivre, et constitue un art à part entière.

Un ensemble de portraits, donc, très variés : sa tante Jessie, des actrices et demi-mondaines et de grandes aristocrates, Diaghilev, Poiret, Chanel, Christian Berard, Dior et Balenciaga, le baron de Meyer… des gens très divers, que parfois on ne connaît pas du tout, et qui ont en commun de vivre ce que j’appelle la vie inimitable : faire de sa vie une oeuvre d’art, à travers la parure, mais aussi les manières (rappelons que le mot anglais fashion, qui désigne la mode, vient du français façon), la cuisine, la décoration, le parfum, les arts et les fêtes. L’influence, dans cette vision d’un monde où les sensations ont toute leur importance, un monde disparu que Beaton ressuscite pour nous, de Baudelaire, de Wilde, de Proust aussi, est évidente. Car l’ouvrage reste très littéraire, admirablement écrit, et magnifiquement illustré de dessins de l’auteur.

Tout m’a passionné, mais j’ai particulièrement aimé les nombreux passages où Beaton fait l’éloge de la France, de son art de vivre, de son goût pour tout ce qui peut sembler futile aux anglo-saxons : ces arts mineurs qui sont pourtant essentiels. Cela m’a rappelé ce poème de Voltaire que j’aime beaucoup, « le Mondain » :

Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.
J’aime le luxe, et même la mollesse,
Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,
La propreté, le goût, les ornements :
Tout honnête homme a de tels sentiments.
Il est bien doux pour mon cœur très immonde
De voir ici l’abondance à la ronde,
Mère des arts et des heureux travaux,
Nous apporter, de sa source féconde,
Et des besoins et des plaisirs nouveaux.
L’or de la terre et les trésors de l’onde,
Leurs habitants et les peuples de l’air,
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.
O le bon temps que ce siècle de fer !
Le superflu, chose très nécessaire,
A réuni l’un et l’autre hémisphère.

Bref, un ouvrage passionnant, délicat, qui plaira à tout ceux qu’intéressent les mystères de l’élégance !

Cinquante ans d’élégances et d’art de vivre
Cecil BEATON
Traduit de l’anglais par Denise Bourdet
Editions Amiot-Dupont, 1954 / réédition Séguier, 2017

3 commentaires

  1. Un sujet très intéressant. Très chic!

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