Je me suis simplement efforcé de comprendre ce que je voulais dire chaque fois que je manifestais mon opposition ou mon dédain à l’égard de quelque chose en le qualifiant de « conneries » — une réaction irréfléchie dont j’étais assez coutumier. J’étais donc mû par le désir philosophique classique, qui remonte au moins aux dialogues platoniciens, de clarifier certains concepts auxquels on a souvent recours pour décrire le comportement humain.
Lorsque j’ai vu ce petit livre — je me suis dit que c’était tout à fait pour moi. Non pas tant que je raconte beaucoup de conneries, mais enfin, un peu quand même. Et, comme l’auteur, je qualifie aussi, à l’occasion, les propos des autres de « conneries ». De bullshit, en fait, terme dont la traduction française serait un truc entre « conneries » et baratin.
Contrairement à ce que le titre pourrait faire croire, nous sommes ici en présence d’un essai on ne peut plus sérieux, sur un sujet certes réjouissant et amusant en apparence, mais aussi très profond. C’est donc avec une grande rigueur scientifique que Harry Gordon Frankfurt, un des plus grands philosophes américains, professeur émérite à Princeton, développe une explication théorique de ce fameux bullshit.
C’est à la fois drôle, jouissif intellectuellement, pointu et éclairant. A travers une réflexion sémantique précise sur les différents termes se rapportant à la « connerie », baratin, fumisterie (j’ajouterais volontiers esbrouffe), mensonge et j’en passe, Frankfurt élabore toute une théorie du rapport à la vérité, très différent chez le menteur patenté et le baratineur. C’est assez stupéfiant car l’auteur met le doigt sur des choses dont on avait plus ou moins conscience mais que l’on ne savait trop expliquer clairement, ce qu’il parvient brillamment à faire : c’est de la philosophie, mais qui éclaire un certain rapport au monde de la société.
Un ouvrage d’une intelligence rare, assez court (il s’agit d’un essai, écrit en 1984/1985, prononcé lors d’un groupe de travail à Yale) mais dense, et indispensable !
De l’art de dire des conneries (on bullshit)
Harry Gordon FRANKFURT
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Didier Sénécal
Mazarine, 2017
Le titre me dit quelque chose. J’ai du le voir en librairie… J’aurais imaginé quelque chose de plus léger. Mais il a l’air pas mal ce livre du coup… 🙂
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Oui, on croit que c’est léger mais en fait c’est hyper sérieux !
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Très tentant!
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oui 😉
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Il me faisait déjà de l’oeil depuis un moment mais je ne l’avais jamais trouvé en librairie anglaise. Content de savoir qu’il est maintenant traduit !
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Et oui !
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Un titre qui est fait pour moi 🙂
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😉
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