Parlons travail, de Philip Roth

Un roman, c’est une longue prose synthétique basée sur un jeu avec des personnages inventés. Voilà les seules limites. Par le mot synthétique, je veux dire que le romancier saisit son sujet sous tous les angles, d’une façon aussi complète que possible. Essai ironique, récit romanesque, fragment autobiographique, fait historique, envolées dans la fantaisie : la force synthétique du roman en fait un tout comme si c’étaient les voix de la musique polyphonique. L’unité du livre ne provient pas nécessairement d’une intrigue, elle peut venir de son thème. (Milan Kundera)

Philip Roth est un auteur que, je pense, j’ai voulu lire trop jeune : adolescente, je m’étais lancée dans la lecture de Professeur de désir, très certainement à cause du titre (on ne se refait pas). Mais voilà, le roman m’avait laissée à quai, je pense même que je l’avais abandonné, et je ne m’étais jusqu’alors jamais rapprochée de Roth.

Alors même que je me demande, avec le recul, s’il n’a pas malgré tout fait son chemin en moi, et s’il est totalement étranger au fait que je sois, comme David Kepesh, devenue comparatiste.

Enfin bref, toujours est-il que l’autre jour je suis tombée sur ce recueil, où Roth parle boutique avec quelques uns de ses collègues, et je me suis dit que c’était une bonne entrée en matière pour me « réconcilier » avec lui, attendu que je suis plus que passionnée par les textes où les écrivains parlent de leur travail.

Ce recueil est donc constitué de six conversations (Primo Levi, Aharon Appelfeld, Ivan Klíma, Isaac Bashevis Singer, Milan Kundera et Edna O’Brien), d’un bref échange de correspondance avec Mary McCarthy, de quelques souvenirs de Bernard Malamud et Philip Guston, et d’une relecture de certains romans de Saul Bellow.

C’est, évidemment, riche, passionnant, instructif : l’intérêt est qu’étant lui-même romancier, Roth pose sur le travail des autres un regard qui n’est pas celui du journaliste, mais celui du praticien, et les textes, les conversations surtout qui sont loin de se réduire à un échange questions-réponses, y gagnent en profondeur.

La question du judaïsme et de la shoah, celles de la dictature communiste et de l’Europe en particulier la Tchécoslovaquie, Kafka, mais aussi l’écrivain et le monde, le genre romanesque en lui-même, la dimension autobiographique… multiples sont les sujets abordés ici, parfois à plusieurs reprises selon des points de vue différents : de quoi, encore une fois, réfléchir à la littérature et à son pouvoir.

Parlons Travail (lien affilié)
Philip ROTH
Traduit de l’américain par Josée Kamoun
Gallimard, 2004

14 commentaires

  1. je vous conseille chaudement « la bête qui meurt ». de P.Roth. effectivement à ne pas lire trop tôt (mais n est ce pas un conseil pour beaucoup d’auteurs ?)

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    1. Certains, oui, c’est clair !

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  2. Mind The Gap dit :

    Un immense auteur mais là je vais passer mon tour 😀

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  3. Leiloona dit :

    Forcément si tu commences par une citation de Kundera, mon oeil pétille … Puis bon des entretiens avec Primo Levi, Aharon Appelfeld, et Isaac Bashevis Singer en sus, ce serait dommage que je fasse la fine bouche ! (D’ailleurs commencer par un de ses romans ou son regard sur la littérature avec cet essai / digressions / conversations… A voir. Merci, miss.)

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    1. Je me dis que c’est un bon moyen de l’apprivoiser, ce recueil 😉

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  4. Intéressant, très intéressant…

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  5. Je ne me suis encore jamais frottée à lui, mais j’ai un de ses romans dans ma PAL, achat de curiosité et d’envie de diversité culturelle et littéraire. Reste plus qu’à le lire !

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