L’Absente, de Lionel Duroy

L'Absente

L'AbsenteEcrire, ce sera comme si tu t’élevais soudain de la lourde terre pour t’accorder une autre vie qui te permettra de regarder de haut la première, celle où tu marches aujourd’hui à tâtons, stupide et aveugle. Ecrire te rendra inaccessible à la bêtise et à la cruauté du monde. Ils pourront bien te piétiner le corps, te couper l’électricité, vendre tes derniers meubles aux enchères, ils n’atteindront pas ton âme et au fil des années tu nourriras ton travail de leur inhumanité. Tu parviendras à énoncer sur le monde quelque chose qu’on ne voit pas et qui nous éclairera sur nous-mêmes. Et il se peut même qu’un jour, adossée à toutes ces pages que tu auras écrites, tu te réjouisses d’avoir traversé tant de guerres car sinon tu serais passée à côté de la vraie vie, si dense, si inquiétante, si mystérieuse qu’on préfère généralement s’en protéger, n’est-ce pas.

Un des romans de la rentrée littéraire que j’attendais avec le plus d’impatience, tant Lionel Duroy fait désormais partie des écrivains qui me nourrissent le plus…

Après sa séparation avec Esther, Augustin s’est installé dans la maison qu’ils avaient achetée à Pertus en Auvergne. Mais comme il n’a pas les moyens de racheter la part de son ex-femme, la maison est mise en vente, et lorsque les déménageurs viennent la vider, Augustin perd pied, entasse tout ce qu’il peut dans sa voiture, et prend la route, ne sachant trop où elle va le mener…

Comme le précédent, ce roman aurait pu s’intituler Echappertant l’errance et les lieux y ont une importance fondamentale. C’est l’histoire, d’abord, d’un effondrement intérieur : en perdant sa maison, Augustin perd le peu qu’il y avait encore de stabilité dans sa vie, et c’est déjà beaucoup ; mais, plus profondément, cela fait resurgir le passé et les événements qu’il a racontés notamment dans Priez pour nous : l’expulsion de sa famille, lorsqu’il avait une dizaine d’année, de l’appartement de Neuilly et leur relogement en cité ouvrière, événement qui a rendu sa mère littéralement folle. Dans ce roman, Augustin enquête, revient sur son passé avec un nouveau point de vue, et, grâce à l’écriture, parvient, un peu, à rejoindre sa mère, à la comprendre. Et c’est important parce que, on le sent bien, le grand questionnement de toute la vie d’Augustin, c’est le mystère du désir féminin, indéniablement lié à cette absence d’amour maternel.

L’Absente est alors l’histoire d’un sauvetage par l’écriture. Augustin a une sensibilité à fleur de peau, c’est un être fragile, émouvant, qui a désespérément besoin qu’on l’aime, parce qu’enfant il n’a pas été aimé par sa mère et qu’il est devenu écrivain parce que c’était le seul moyen pour lui d’exorciser ce désamour. Parce qu’écrire est le seul moyen qu’il a trouvé de vivre et de transcender la souffrance. S’il n’écrivait pas, Augustin mourrait…

Encore une fois, bien sûr, Lionel Duroy brouille la référentialité : s’il choisit dans ce roman la troisième personne et non la première, on sait bien qu’Augustin est son double, que son histoire est la sienne tout comme ses livres. Jusqu’à quel point ? On ne sait pas, et ce n’est pas ce qui importe. Ce qui importe, c’est que ce roman est encore une fois une vraie réussite, un road novel parfois drôle parce qu’Augustin n’est pas toujours épargné par le ridicule, souvent mélancolique et triste, en tout cas magnifique !

Un coup de coeur pour ce roman envoûtant qui, je pense, va me hanter longtemps !

L’Absente
Lionel DUROY
Julliard, 2016

challenge12016br10% Rentrée Littéraire 2016 – 22/60
By Lea et Herisson

13 commentaires

  1. killing79 dit :

    Je n’ai jamais lu de Lionel Duroy. J’ai reçu celui-ci. J’espère que la lecture me plaira autant que toi…et ta critique fait envie!

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  2. Jamais lu cet auteur. Je pers quelque chose semble-t-il…

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  3. valmleslivres dit :

    J’ai lu deux Lionel Duroy et je n’ai vraiment pas aimé ça. Mais on dit beaucoup de bien de celui-ci, ce qui finit par me faire hésiter.

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    1. Après, il est possible que ce ne soit pas un auteur pour toi, aussi… Donc à voir…

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  4. noukette dit :

    No way… J’ai détesté son précédent… Pas un auteur pour moi je crois…

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    1. C’est tout à fait possible !

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  5. jostein59 dit :

    Et oui, encore un à ajouter.

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  6. elea1688 dit :

    Je ne connais pas non plus cet auteur, mais tu en parles si bien que ça donne envie .. pour ce roman mais aussi les autres 😉

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    1. Mais oui ! Il faut lire Lionel Duroy !

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