Fin de la parenthèse, de Joann Sfar

Fin de la parenthèse

Fin de la parenthèseJe ressens le besoin de me barder de la mystique de grands artistes. Pardon pour la grandiloquence, mais ce sont nos arts et notre liberté que l’on attaque de plus en plus. J’ai fait dire cette phrase au héros-artiste de mon livre Tu n’as rien à craindre de moi : « Face au mur des pleurnichations, à la Pierre noire et à Saint-Pierre, un urinoir, ça va pas suffire. » Je crois cela profondément, qu’il incombe aux arts de kidnapper la fonction sacrée.

Et si, face au chaos mondial, notre seule chance de salut était l’Art ? C’est tout l’enjeu de cette nouvelle BD de Joann Sfar…

Le héros-artiste de ce récit, Seabearstein, se donne pour mission de stopper net la « fascination idiote pour la religion » sur toute la planète. C’est pour cela qu’il quitte son île paradisiaque et sa sublime compagne pour s’enfermer dans un château avec quatre mannequins. Son but ? « Réveiller » Salvador Dalí, qui n’est pas mort, mais seulement cryogénisé…

Evidemment, l’idée de départ peut sembler loufoque, et indéniablement, elle l’est : résolument hallucinatoire et somme toute surréaliste, la BD se passe allègrement de l’exigence de vraisemblance, même si elle est ancrée dans notre monde. Car son enjeu n’est pas là, et pour peu qu’on se laisse porter, on touche véritablement l’essentiel : le déplacement du sacré de la religion vers l’art. Et le fait est : à part l’art, qu’est-ce qui peut remplacer la religion dans l’esprit des gens ? Et quel prophète peut le faire mieux que Dalí ? Seule l’expérience artistique peut sauver le monde, ramener les gens perdus à l’adoration du sensible et les aider à tenir debout, tout seuls, sans béquilles. Ici les corps féminins sont en libertés, nus, rejouent les scènes des tableaux du peintre, où sont sublimés par la haute-couture.

Très provocateur, certains seraient même tentés de dire blasphématoire, cet album secoue le cocotier, mais nous conduit à nous poser les bonnes questions. Fait l’éloge du mysticisme, mais le vrai, pas celui des religions monothéistes, au contraire : il y a quelque chose, ici, de totalement païen, dans cette célébration d’une pulsion de vie, d’une sensualité débordante, qui sera toujours plus forte que la pulsion de mort.

Dans cet album, Sfar est totalement au diapason de mes propres convictions (ou l’inverse). Mais les questions qu’il pose sont salutaires pour notre propre survie. Mon seul regret est qu’il ait choisi des corps de mannequins, moches, maigres et anguleux, pas du tout bandants, et non de vrais corps de femmes, ronds et pleins, pour célébrer l’art, la vie et l’érotisme !

Fin de la parenthèse
Joann SFAR
Rue de Sèvres, 2016

L’avis de Leiloona

challenge12016br 10% Rentrée Littéraire 2016 – 21/60
By Lea et Herisson

8 commentaires

  1. Camille dit :

    Noté d’emblée sur mon post-il lecture ! Tout ce que j’aime, de l’art, de la philosophie, et une petite dose de mysticisme. J’ai hâte de découvrir cette lecture !

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  2. Les dessins ont l’air d’être vraiment très beaux !

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    1. C’est vraiment le style Sfar, unique !

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  3. lorouge dit :

    Joann Sfar j’adore (mais je crois te l’avoir déjà dit) j’aimerais beaucoup lire celui ci ainsi que l’autre qui vient de paraître qui raconte ses 6 mois de psychanalise. Bon je rajoute ton billet dans vos plus tentateurs, bises

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  4. Marion dit :

    J’ai aimé le premier. J’ai donc hâte de découvrir celui ci !

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