Journal rêvé d’un président amoureux, de François H

journal rêvé d'un président amoureuxQuand ils se repaissent de ma vie privée, les journalistes anglo-saxons évoquent inlassablement ces « sacrés français » et les maîtresses de Louis XIV ou de Louis XV. Quelle erreur de jugement ! Ce n’est pas le passé que j’incarne, mais l’avenir. Oui, l’avenir d’une humanité dont la vie amoureuse, affranchie des carcans religieux et des contraintes familiales, étirée dans le temps grâce aux progrès de la médecine, sera fatalement plus libre ou, en tout cas, plus compliquée. 

Un jour d’octobre 2015, un petit éditeur reçoit par la Poste un manuscrit accompagné d’une lettre présentant un texte « un peu particulier » pour une « maison indépendante et discrète », écrit par un auteur qui tient farouchement à conserver son anonymat. Le projet a de quoi séduire : le journal d’un président, qui parle de politique à travers le filtre de l’amour…

Effet, François H est Président de la République. Un soir, désœuvré, il s’amuse avec un paquet de cartes, dont il tire les quatre dames, sur lesquelles se surimpose le visage des quatre femmes qui ont fait de lui l’homme qu’il est : Ségolène, Maria, Valérie et Julie. Il se met alors à écrire un journal dans lequel il raconte sa vie amoureuse et son rôle au sommet de l’Etat, sans bien savoir ce qu’il en fera.

Prenons d’abord ce texte comme un pur roman. C’est extrêmement savoureux, dans la manière dont l’auteur interroge les rapports entre l’énergie politique et l’énergie amoureuse, cet éros/pulsion de vie qui a, de tout temps, été intrinsèquement lié au pouvoir, et le texte montre, sur le « thème de la maîtresse royale », le rôle des femmes et leur ascendant, leur influence sur les hommes qui le détiennent. Le pouvoir est érotique, mais pourtant le narrateur n’est pas à strictement parler un libertin, contrairement à un certain Dominique : c’est un « amoureux pluriel », qui revendique la liberté amoureuse et en fait l’éloge ; les femmes comptent pour lui, il les aime, mais ne veut pas rester enfermé dans une relation lorsqu’il n’aime plus. Rien de plus normal, en somme. C’est donc un roman très tendre, et en même temps très satirique : ça dézingue à tout va sur fond de références nombreuses aux Tontons Flingueurs, et c’est, du coup, extrêmement drôle : certains ne sont vraiment pas épargnés.

Le problème (qui n’en est pas vraiment un, mais un peu tout de même), c’est la situation d’énonciation : qui a écrit ce roman ? On pourrait presque croire à certains moments que c’est véritablement François H., ou au moins l’un de ses proches ; en tout cas, probablement un auteur reconnu : c’est extrêmement bien écrit et témoigne d’une grande maîtrise de l’exercice littéraire, c’est souvent fin et tissé de références. Mais alors, dans quel but ? Le fait est que le texte analyse quelle pourrait être l’utilité politique d’une telle confession si elle était bien utilisée : cet effet de mise en abyme est assez troublant, dans la mesure où ce François H., comme personnage de roman, comme homme, est finalement assez attachant, et au final on eut avoir un peu l’impression de s’être fait balader voire manipuler…

A lire donc pour ses grandes qualités littéraires et son analyse de la comédie du pouvoir, tout en gardant à l’esprit que ce n’est pas complètement n’importe quel roman… Je m’étonne d’ailleurs, au passage, que la presse ne parle pas de ce qui constitue tout de même, à de nombreux égards, une réponse cinglante à Merci pour ce moment !

Journal rêvé d’un président amoureux
François H
Cent Mille Milliards, 2016

9 commentaires

  1. keisha41 dit :

    Maria? J’aurais raté un épisode?

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    1. Comme beaucoup de gens : c’était une militante PS mais Sego l’a fait dégager !

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  2. Alors là, je ne connais pas du tout mais tu attises ma curiosité !

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    1. En même temps, personne n’en a parlé…

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  3. Ch.B dit :

    Pour le références tontons flingueurs , mais pas que . Je note… Mais qui est ce François H alors ?

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  4. Zut alors, je n’avais pas du tout entendu parler de celui-là… Mais il me rend bien curieuse !

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    1. En fait, personne n’en a parlé, et c’est dommage !

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