On enviait les pires assassins à force de les traiter en êtres d’exception, « monstres », « prédateurs », « génies du mal » sans jamais souligner la vérité de leur nature : la médiocrité. Les métaphores étaient les auréoles de ces rebuts du monde. Leur gloire diffusait comme une eau sale portant les germes que la morale ne consommait pas, mais qui désaltérait les angoisses. Des hommes croupis.
Sur le papier, ce roman n’était pas forcément ma came. Mais j’ai choisi de faire confiance à son auteur, Antoine Sénanque, dont j’avais beaucoup apprécié les deux précédents romans, Salut Marie et Etienne Regrette ; cela dit, ce roman est d’une tonalité totalement différente, point de loufoque et de fantaisie grave, mais c’est bien quand même !
1899. Alors que tout le monde le croyait mort, Jonathan Weakshield, une légende des bas-fonds londoniens, revient dans la capitale britannique bien décidé à régler ses comptes et surtout à protéger la femme qu’il aime de ceux qui en ont à régler avec lui.
Roman d’aventures où les points de vue se multiplient, Jonathan Weakshield nous offre un tableau saisissant du Londres du tournant du siècle et de ses zones de non-droit, entre Whitechapel encore hanté par l’ombre de Jack l’Éventreur et Seven Dials, en passant par la tristement célèbre prison de Reading. Et, si l’on voyage un peu, c’est bien la ville de Londres qui constitue le cadre principal de l’histoire, et devient finalement un véritable personnage : le Londres des pauvres, des bandits, allons jusqu’à les appeler pirates tant l’influence de Stevenson est évidente, le Stevenson de L’île au trésor, celui surtout de L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde, dont l’intrigue est presque contemporaine. Pourtant, le personnage éponyme, Jonathan Weakshield, est beaucoup plus complexe que le héros du très manichéen roman de Stevenson : fascinant, il n’est bien évidemment pas « bon », et pourtant il est capable d’amour, l’amour le plus lumineux qui soit, ce qui le sauve en partie et fait qu’on ne peut pas, fondamentalement, le mépriser ou le haïr. Et là est le coeur du roman : l’amour, seule valeur cardinale dans une société puritaine et étouffante, sur laquelle plane la faute qu’elle a commise envers Wilde, présent en filigrane dans toute l’histoire.
Un roman envoûtant, étonnamment poétique parfois (mais une poésie assez Baudelairienne version « une charogne »), sombre et lumineux, qui se lit avec beaucoup d’intérêt et de plaisir, même si on n’est pas au départ particulièrement adepte de romans d’aventures, parce que c’est beaucoup plus que ça !
Jonathan Weakshield
Antoine SÉNANQUE
Grasset, 2016
A voir …
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😉
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merci l’irrégulière. Enfin quelqu’un qui me parle d’amour, parce que c’est le vrai sujet du livre sous la couleur sang. amitiés
Antoine Sénanque
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Merci Antoine ! Oui, c’est quand même le sujet !
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Ça me tente bien ça ! Ton avis est très alléchant. Je note donc 😊
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J’en suis ravie 😉
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J’ai Etienne regrette sur ma PAL, j’aimerais tu crois ?
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Difficile à dire… c’est un peu déjanté…
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Je n’ai pas encore lu d’avis sur ce roman (tu es la 1e). Je suis comme toi, j’aime bien Senanque, donc je note. En plus l’ambiance londonienne me plaît bien.
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Oui, moi aussi 😉
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Je dois le lire sous peu celui-là, pour un comité de lecture dont les premières lectrices ont été assez refroidies par la violence et la crudité de certaines descriptions…
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Oui, il y a des scènes assez dures… mas j’ai trouvé que ça passait !
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