Addenda, appendice, fascicule complémentaire ou, dans le sens inverse de la pendule, préalable, avant-propos, préface : autant de dénominations mieux ajustées à l’humeur qui innerve le présent ouvrage. Non pas corriger les manuels en circulation, comme on corrige une copie ou un adolescent surpris devant un site porno. Plutôt combler les trous, dire ce qu’ils taisent par omission plus ou moins volontaire.
L’autre jour, suite à ma discussion très intéressante avec François Bégaudeau, j’ai embarqué ce petit ouvrage qui avait l’air somme toute assez amusant. Et qui l’est, mais pas seulement.
La volonté de Bégaudeau, dans cet anti-manuel, est de ne pas prendre les choses comme « allant de soi », mais au contraire de faire ce que les manuels de littérature ne font pas : plonger le nez dans la théorie et interroger l’essence même de la littérature — et, partant, se demander en quoi elle est intéressante et digne d’être étudiée. Illustré par de nombreux extrait, le manuel s’intéresse alors à ce qu’est la littérature (et ce qu’elle n’est pas), sa « pureté », la limite entre ce qui est de la littérature et n’en est pas, ce qu’est un écrivain, et la grande question : à quoi sert la littérature ? L’ensemble est suivi par un glossaire et un index des noms propres.
Qu’on ne se méprenne pas : si cet anti-manuel est vif, primesautier, plein d’humour, et semble ne pas se prendre au sérieux tant Bégaudeau, comme à son habitude, cabotine allègrement, il n’en est pas moins extrêmement pertinent et instructif. De vraies réflexions de fond émergent, de véritables interrogations sur la chose littéraire, sous-tendues par une connaissance solide de ce dont il est question, et parfois de réels partis-pris avec lesquels on est plus ou moins d’accord mais qui ont le mérite d’être solidement étayés. Sont ainsi questionnés, par exemple, la dimension sexuée de la littérature et de l’écriture, le « devenir-connard » de l’écrivain, la poétique du malheur, le déclin de la littérature française ou encore le fameux style. Souvent iconoclaste et pertinent, ce manuel est donc surtout diablement intelligent car il faut parfaitement maîtriser son sujet pour y virevolter de la sorte !
Se pose alors la question du destinataire : à qui s’adresse cet ouvrage ? Au début, on pourrait penser qu’il s’agit, en grande partie, d’un ouvrage d’initié (sinon il est facile de passer à côté de certains traits d’esprit), mais en fait, ceux qui n’y connaissent rien en théorie littéraire en tireront aussi beaucoup de profit, car Bégaudeau sait être pédagogue et proposer des exemples tirés du quotidien le plus prosaïque pour illustrer ses idées, en plus bien sûr des grands textes de notre littérature.
Un ouvrage bien plaisant, que je recommande chaudement !
Anti-manuel de littérature
François BEGAUDEAU
Breal, 2008 (Points, 2016)
Il me le faut ! Ne serait-ce que pour faire un contrepoint à l’essai de Vilain.
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Tu verras, c’est passionnant !
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